I. ProcÉdure pÉnale
TF 7B_654/2024* Qualité pour recourir du prévenu/de son défenseur contre le refus d'une indemnité pour les frais d'avocat après le prononcé d'un classement [p. 2] |
TF 7B_313/2024* Inadmissibilité de l'invocation d'un secret d'affaires pour faire obstacle à la levée des scellés [p. 3] |
TF 7B_241/2024 Etendue de la levée des scellés après utilisation d'une liste de mots-clés, y compris avec une orthographe différente, dans le cadre d'un blanchiment d'argent [p. 4] |
TF 6B_601/2024 Changement de domicile et application de la fiction de notification d'une ordonnance pénale [p. 6] |
II. Droit pÉnal Économique
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III. Droit international privÉ
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IV. Droit de la poursuite et de la faillite
TF 5A_231/2024 Respect du droit de préférence sur le gain du procès également dans la répartition du produit d'actifs découverts ultérieurement [p. 8] |
TF 5A_362/2024 Violation de la maxime inquisitoire dans le cadre de la notification d'un commandement de payer à la mauvaise adresse [p. 10] |
V. entraide internationale
Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes: droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_654/20241 du 1er octobre 2024 | Qualité pour recourir du prévenu/de son défenseur contre le refus d'une indemnité pour les frais d'avocat après le prononcé d'un classement (art. 429 al. 1 let. a et al. 3 CPP)
- Le 20 septembre 2022, par ordonnance pénale, le Stadtrichteramt de Zurich («Tribunal de première instance») a infligé une amende de CHF400.- à A. («Recourant») sur la base de l'art. 83 al. 1 let. k LEp cum 8 al. 1 et 3 de l'ordonnance COVID-19 transport international de voyageurs. Le 8 décembre 2023, le Recourant, représenté par Me B., a fait opposition.
- Le 16 janvier 2024, le Tribunal de première instance a annoncé la clôture imminente de l'enquête pénale. En réaction, le Recourant a demandé une indemnisation de CHF 298.- pour ses frais de défense.
- Le 5 février 2024, l'enquête pénale a été classée par le Tribunal de première instance, qui a (i) annulé l'amende, (ii) mis les frais à la charge de la Amstskasse et (iii) refusé d'allouer toute indemnité.
- Sur recours, l'Obergericht n'est pas entrée en matière, faute de qualité pour recourir.
- Le 14 juin 2024, le Recourant a interjeté un recours au Tribunal fédéral.
- Au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPC, le prévenu qui est totalement ou partiellement acquitté ou au bénéficie d'une ordonnance de classement et qui a chargé un défenseur privé de sa défense, a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits.
- Lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l'indemnité prévue à l'al.1, let.a, sous réserve de règlement de compte avec son client. Le défenseur peut contester la décision fixant l'indemnité en usant des voies de droit autorisées pour attaquer la décision finale (art. 429 al. 3 CPP).
- Selon la jurisprudence, le droit direct et exclusif du défenseur privé garantit que l'indemnité lui parvienne effectivement et qu'elle ne soit pas utilisée d'une autre manière – notamment en compensation de créances envers l'accusé (consid. 2.2).
- In casu, notre Haute Cour a considéré que le droit de recours du défenseur privé ne remplaçait pas celui du Recourant concernant les indemnités. Elle a indiqué que ce dernier avait aussi un intérêt à faire examiner la décision sur les indemnités. En effet, selon la jurisprudence fédérale, les autorités pénales n'étaient pas liées par les accords d'honoraires entre le prévenu et sa défense privée. Le prévenu pouvait donc être obligé de payer à son avocat la différence entre l'indemnité accordée en vertu de l'art. 429 al. 1 let. a CPP et les honoraires convenus contractuellement. La situation n'était donc pas comparable à celle de la défense d'office, dans laquelle le prévenu n'a pas d'intérêt propre (juridiquement protégé) à l'augmentation de l'indemnité (consid. 2.3).
- En outre, le Tribunal fédéral a affirmé que l'art. 429 al. 3 CPP octroie un droit «supplémentaire» au défenseur privé de contester l'indemnisation, mais ne prive pas le prévenu de son propre droit de recours. Il a également précisé que l'indication par le Recourant que l'indemnité «lui» soit attribuée est sans importance dans ce contexte (consid. 2.3).
- Ainsi, notre Haute Cour a considéré que l'instance précédente avait violé le droit fédéral en refusant d'entrer en matière sur le recours du Recourant au motif que son avocat avait un droit de recours (consid. 2.3).
- Partant, le recours a été rejeté.
TF 7B_313/20242 du 24 septembre 2024 | Inadmissibilité de l'invocation d'un secret d'affaires pour faire obstacle à la levée des scellés (art. 248, art. 264 CPP)
- Le Ministère public de la Confédération («MPC») a mené une enquête pénale notamment contre B. pour escroquerie qualifiée et blanchiment d'argent qualifié.
- Par décision du 12 avril 2021, le MPC a fait établir auprès de deux banques des documents de comptes relatifs aux relations d'affaires de A. SA («Recourante»).
- Par décision du 27 octobre 2023, le MPC a contraint ces deux banques à lui remettre d'autres documents concernant les relations de comptes de la Recourante. Cette décision a été notifiée à la Recourante le 31 octobre 2023.
- Le 14 novembre 2023, la Recourante s'est vu refuser une demande de mise sous scellés immédiate et intégrale des documents susmentionnés. Sur recours, le Tribunal pénal fédéral a admis cette demande de mise sous scellés.
- Le 17 janvier 2024, le MPC a obtenu du Zwangsmassnahmengericht bernois («Tribunal des mesures de contrainte») la levée des scellés. La Recourante a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral.
- Devant notre Haute Cour, la Recourante a notamment invoqué les secrets d'affaires comme obstacle à la levée des scellés (consid. 2.4).
- Au sens de l'art. 248 al. 1 CPP révisé (en vigueur depuis le 1er janvier 2024 et applicable en l'espèce, car la décision litigieuse date du 13 février 2024), si le détenteur s'oppose au séquestre de certains documents, enregistrements ou autres objets en vertu de l'art. 264 CPP, l'autorité pénale les met sous scellés [...] après une éventuelle mise sous scellés, les documents, enregistrements et autres objets ne peuvent être ni examinés, ni exploités par l'autorité pénale (consid. 2.4.1).
- Le Tribunal fédéral a précisé que les secrets pouvant s'opposer à la levée des scellés étaient définis de manière exhaustive par l'art. 264 CPP, dans une approche plus restrictive que celle de l'ancien droit. Le secret d'affaires ou les «Geschäftsschutzinteressen», ainsi que le secret professionnel du banquier (art. 47 LB) n'en faisaient pas partie (consid. 2.4.1).
- In casu, le Tribunal fédéral a conclu que les secrets non mentionnés à l'art. 264 CPP ne pouvaient être invoqués dans la procédure de levée des scellés. Notre Haute Cour a considéré que, si un intérêt le justifiait, il appartenait à la partie concernée de requérir de la direction de la procédure de restreindre le droit d'accès au dossier afin de préserver ses intérêts privés (art. 108 al. 1 let. b CPP et art. 102 al. 1 CPP) (consid 2.4.3).
- La Recourante a également fait grief de l'absence de soupçons suffisants pour un crime ou un délit, de l'absence de pertinence des documents saisis par rapport à l'enquête et a critiqué l'absence d'évaluation des conditions pour la levée des scellés par le Tribunal des mesures de contrainte (consid. 4.1).
- Notre Haute Cour a rappelé que, selon sa jurisprudence constante, la procédure de levée des scellés a pour but de protéger les secrets face à une perquisition de documents et d'enregistrements (art. 246-248 CPP). Ainsi, elle peut inclure un examen accessoire des conditions des mesures de contrainte (art. 197 CPP). Toutefois, les juges de Mon-Repos ont précisé que la procédure de levée des scellés n'a pas pour fonction de garantir de manière autonome la légalité générale des mesures de contrainte. De ce fait, si aucun motif légal de protection du secret n'est invoqué par la personne concernée comme obstacle aux mesures de contrainte, les griefs correspondants ne doivent pas être analysés dans cette procédure, mais dans une procédure de recours au sens du CPP (consid. 4.3).
- In casu, notre Haute Cour a constaté que la Recourante n'avait invoqué aucun droit au secret protégé par la loi (art. 248 al. 1 CPP cum 264 CPP) dans le cadre de la procédure de levée des scellés. Dès lors, les conditions des mesures de contrainte (art. 197 CPP) ne devaient pas être examinées dans cette procédure, même à titre accessoire. Elles devaient être analysées dans le cadre d'une procédure de recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP (consid. 4.4).
Partant, le recours a été rejeté.
TF7B_241/2024 du 24 septembre 2024 | Etendue de la levée des scellés après utilisation d'une liste de mots-clés, y compris avec une orthographe différente, dans le cadre d'un blanchiment d'argent (art. 264 al. 1 CPP)
- Le Ministère public de la Confédération («MPC») a conduit une instruction pénale contre A. («Recourant») pour soupçons de blanchiment d'argent aggravé. Les faits qui lui sont reprochés étaient en lien avec la procédure pénale ouverte contre B., soupçonné d'avoir, en sa qualité de Directeur général de C., perçu des commissions indues par l'entremise de la Banque D. SA («Banque»). Ces commissions auraient été versées par la suite sur un compte détenu par E, auprès de la Banque.
- Dans le cadre de cette procédure pénale, le MPC a soupçonné le Recourant, associé indéfiniment responsable de la Banque, d'avoir eu connaissance, dans l'exercice de sa fonction, des liens existants entre B. et E. et du fait que la structure mise en place par le premier avait pour but de masquer qu'il était le destinataire final des commissions indues. Le Recourant aurait ainsi eu connaissance de l'origine criminelle des fonds et aurait, par son activité ou son inactivité, concouru à entraver leur confiscation.
- Le 24 juin 2020, le MPC a prononcé une obligation de dépôt et une interdiction de communiquer à l'attention de la Société G. SA («SA»), sommant cette dernière de remettre des données relatives aux comptes N. et O.
- Le 3 juillet 2020, G. SA a remis à la Police judiciaire fédérale un disque dur contenant les données requises.Le 17 juillet 2020, le Recourant a sollicité leur mise sous scellés. Le 6 août 2020, le MPC a requis la levée des scellés sur ses données.
- Le 12 décembre 2023, un expert a été mandaté afin de procéder au tri judiciaire des données issues du compte O. au moyen des mots-clés issus de deux annexes de manière à exclure les éléments couverts par le secret professionnel de l'avocat ou relevant exclusivement de la sphère privée du Recourant.
- Par ordonnance du 16 avril 2024, le Tribunal des mesures de contrainte vaudois («TMC») a ordonné la levée partielle des scellés sur les données triées extraites du compte O.
- Le 16 mai 2024, le Recourant a interjeté un recours au Tribunal fédéral.
- Le Recourant a notamment invoqué une constatation arbitraire des faits en lien avec la méthode de tri opérée par le TMC et une violation du principe de la proportionnalité. En outre, il a contesté l'utilité potentielle des données saisies issues de sa boîte de messagerie électronique privée et s'est prévalu du secret professionnel de l'avocat et du notaire et, d'une une atteinte à sa sphère privée, pour obtenir le maintien des scellés (consid. 4.1).
- L'art. 264 al. 1 CPP spécifie quels documents ne peuvent pas être séquestrés. Lors de son examen, le TMC doit se fonder notamment sur la demande du Ministère public, sur l'éventuelle liste de mots-clés que celui-ci a produite, ainsi que sur les informations données par le détenteur des pièces placées sous scellés. Tant le MPC que le détenteur doivent fournir des explications circonstanciées sur l'éventuelle pertinence, respectivement le défaut d'utilité, des documents placés sous scellés (consid. 4.2).
- Concernant la motivation, les obligations du détenteur sont d'autant plus importantes que le MPC n'a pas accès au contenu. S'agissant du secret professionnel de l'avocat, le requérant doit démontrer que le mandataire en cause a été consulté dans le cadre d'une activité professionnelle typique (consid. 4.2).
- Selon la jurisprudence, en présence d'un secret professionnel avéré (art. 171 al. 1 CPP), l'autorité de levée des scellés élimine les pièces couvertes par ce secret et prend ensuite les mesures nécessaires pour préserver, parmi les documents remis aux enquêteurs, la confidentialité des tiers non concernés par l'enquête en cours. Il en va de même lorsque des pièces et/ou objets bénéficient de la protection conférée par l'art. 264 al. 1 let. b CPP (consid. 4.3).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que c'était à juste titre que le TMC avait jugé que d'autres éléments, en sus des pièces bancaires de la période pénale retenue, datant d'une période antérieure ou postérieure, pouvaient être examinées (consid. 4.4).
- Notre Haute Cour a aussi confirmé que les données de la messagerie électronique privée du Recourant, même sans rapport apparent avec son activité professionnelle ou en dehors de la période sous enquête, pouvaient être utiles à l'instruction, ceci d'autant plus que les données sous scellés avaient été préalablement triées par l'expert mandaté à cet effet, en incluant des termes issus d'une liste de mots-clés exclusifs produits par le Recourant (consid. 4.4).
- Au sujet de la levée des scellés concernant des mots-clés retenus aux annexes 1 et 2 «en raison d'une orthographe légèrement différente (parfois une lettre, un accent ou une apostrophe)» ou sur les données ne comportant «pas exactement le mot-clé retenu mais concernent toutefois le même objet», notre Haute Cour a considéré qu'il appartenait au TMC de justifier les raisons qui l'avait amené à se distancier des mots-clés qui étaient listés aux annexes 1 et 2, respectivement à lever les scellés sur des données pourtant en lien étroit avec les mots-clés retenus, sachant qu'une orthographe et/ou une casse différentes ne constituaient pas, à elles-seules, un motif suffisant pour exclure le maintien des scellés sur les données en question (consid. 4.5.3).
- Enfin, au sujet des données protégées par le secret professionnel de l'avocat ou du notaire, les juges de Mon-Repos ont retenu que les échanges avec Me L., notaire N. et notaire R. étaient couverts par le secret, car ils avaient été consultés pour une problématique entrant dans le champ des activités typiques de la profession, ceci d'autant plus que le TMC n'avait pas expliqué en quoi ils étaient pertinents pour l'enquête (consid. 4.6).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
TF 6B_601/2024 du 2 octobre 2024 | Changement de domicile et application de la fiction de notification d'une ordonnance pénale (art. 85 al. 4 let. a CPP)
- Le 22 avril 2023, A. («Recourant») a été entendu par la police en qualité de prévenu, étant soupçonné d'avoir, le même jour, sur la route de U. à W., circulé au volant de son véhicule automobile sous l'emprise du cannabis.
- Le procès-verbal d'audition, signé par l'intéressé, mentionnait son adresse principale à la rue X., à Y. Cette adresse figurait également sur le rapport de renseignements de police du 20 mai 2023 et sur le formulaire de situation personnelle et financière, tous deux signés par le Recourant.
- En revanche, l'avis d'arrestation/libération au Ministère public genevois («Ministère public») du 22 avril 2023, indiquait comme adresse principale du Recourant la route de V., à W.
- Par ordonnance pénale du 8 novembre 2023, le Ministère public a déclaré le Recourant coupable d'infractions en vertu de l'art. 91 al. 2 let. b LCR et de l'art. 19a ch. 1 LStup. Cette décision a été envoyée au Recourant par pli recommandé à la rue X., à Y. Le pli a été retourné à l'expéditeur avec la mention «non réclamé».
- Le 23 janvier 2024, le Recourant a formé opposition alléguant ne pas avoir reçu l'ordonnance pénale et en avoir pris connaissance à la réception du bordereau après jugement daté du 14 janvier 2024, qui lui avait été communiqué par le Service des contraventions.
- Par ordonnance sur opposition tardive du 6 février 2024, le Ministère public a transmis la cause au Tribunal de police genevois («Tribunal de police») afin qu'il statue sur la validité de l'opposition.
- Sur invitation du Tribunal de police, le Recourant avait expliqué avoir quitté le domicile familial, sis rue de X., à Y., et s'être installé à la route de V., à W., avant son interpellation par la police, sans avoir effectué, à ce stade, le changement d'adresse auprès de l'Office cantonal de la population («OCPM»). Toutefois, le Recourant a affirmé en avoir informé l'Office cantonal des véhicules («OCV») qui, selon ses dires, disposait des mêmes informations que le Ministère public et avait pu le joindre par pli recommandé à sa nouvelle adresse.
- Par ordonnance du 9 avril 2024, notifiée le 17 suivant, le Tribunal de police a déclaré recevable l'opposition formée par le Recourant. Néanmoins, cette décision a été annulée par la Chambre pénale de recours genevoise («Chambre pénale de recours»).
- Le Recourant a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral contre cette décision.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant a contesté l'application de la fiction de notification prévue par l'art. 85 al. 4 let. a CPP et a invoqué une appréciation anticipée arbitraire des faits par la cour cantonale (consid. 2).
- Au sens de l'art. 87 al. 1 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire. Toutefois, selon la jurisprudence, cette disposition n'empêche pas les parties de communiquer aux autorités pénales une adresse de notification, autre que celles indiquée par la norme. Si elles le font, la notification doit, en principe, intervenir à l'adresse donnée, sous peine d'être jugée irrégulière (consid. 2.1.2).
- Conformément à l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise. Il existe une présomption de fait réfragable selon laquelle, pour les envois recommandés, l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte à lettres du destinataire, et la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte (consid. 2.1.3).
- Toutefois, la personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours. Dès lors, il est attendu d'elles, qu'elles agissent de bonne foi et en particulier, que les décisions en lien avec la procédure puissent leurs être notifiées (consid 2.1.3).
- Néanmoins, il incombe aux autorités de prouver qu'elles ont entrepris tous les efforts nécessaires afin de trouver l'adresse du prévenu (consid. 2.1.4).
- In casu, notre Haute Cour a relevé que tant le procès-verbal d'audition du Recourant devant la police que le formulaire de situation personnelle et financière, avaient été signés sans réserve par le Recourant. Tous ces documents comportaient comme adresse «Rue X., à Y/Suisse». Quand bien-même le Tribunal fédéral a constaté que l'avis d'arrestation/de libération adressé au Ministère public mentionnait l'adresse de W., notre Haute Cour a retenu que cet élément à lui seul n'était pas suffisant pour admettre l'élection de domicile à cette adresse (consid. 2.3.1).
- Par ailleurs, notre Haute Cour a souligné qu'il découle de la jurisprudence que le destinataire d'actes judiciaires doit, lorsqu'il estime qu'une notification ne pourra pas aboutir au lieu connu des autorités, désigner une adresse où il pourra être atteint (consid. 2.3.1).
- De ce fait, en apposant sa signature sur le procès-verbal d'audition ainsi que sur le formulaire de situation personnelle et financière, le Recourant avait implicitement accepté de se voir notifier les actes à l'adresse à Y. Ainsi le Ministère public était légitime de considérer qu'une autre adresse de notification n'avait pas été valablement choisie (consid. 2.3.1).
- Ainsi, la cour cantonale n'a pas violé le droit en appliquant la fiction de notification prévue par la loi et c'est à bon droit que le Ministère public avait notifié l'ordonnance pénale litigieuse du 8 novembre par pli recommandé au Recourant à son adresse à Y. (consid. 2.3.1 cum3.2).
- Partant, le recours a été rejeté.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
III. Droit international privÉ
IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
TF 5A_231/2024 du 13 septembre 2024 | Respect du droit de préférence sur le gain du procès également dans la répartition du produit d'actifs découverts ultérieurement (art. 250 al. 2, art. 261 et art.269 LP)
- Le 3 novembre 2008, la faillite de B. SA, société ayant son siège à Zoug, a été ouverte.
- Le 13 janvier 2010, par décision de collocation de l'Office des faillites de Zoug («Recourante»), la société A. Inc. («Intimée»), dont le siège est aux États-Unis, a été admise en troisième classe avec une créance d'un montant de CHF 10'594'-.
- Le 6 juin 2010, une créance (déclarée ultérieurement) de la société C. Ltd, dont le siège est aux Îles Vierges britanniques, a été également admise en troisième classe, pour un montant de CHF58'941'200.-.
- Le 17 octobre 2011, le Kantonsgericht de Zoug («Tribunal cantonal») a admis une action en contestation de l'Intimée contre la créance de C. Ltd, conformément à l'art. 250 al. 2 LP. Le Tribunal cantonal a donc ordonné la radiation de la créance de C. Ltd. Lors de la répartition en 2012, l'Intimée a reçu le dividende de sa créance (CHF 158'813,70) ainsi que celui de la créance radiée (CHF 883'548,15).
- Le 9 février 2012, la procédure de faillite contre B. SA a été clôturée par le Tribunal cantonal.
- En 2018, la Recourante a informé les créanciers de la réalisation, à effectuer dans le cadre de la faillite subséquente, d'actifs découverts ultérieurement de la société faillie (B. SA), constitués de droits de propriété intellectuelle. En mars 2020, la Recourante a vendu les actifs pour un montant de CHF250'-
- Le 4 janvier 2024, la Recourante a envoyé à l'Intimée un relevé (daté du 3 janvier 2024) après la réalisation de la faillite subséquente. Celui-ci indiquait, pour la créance admise par l'Intimée, le dividende de la faillite du 30 janvier 2012 (CHF158'813,70) et le dividende de la répartition supplémentaire, soit CHF 83'746,45. Ce montant a été versé le 5 janvier 2024.
- Par requête du 15 janvier 2024, l'Intimée a déposé un recours auprès de l'Obergericht de Zoug. Elle a demandé l'annulation des décisions de la Recourante en relation avec la répartition du produit subséquent. En outre, elle a demandé le versement d'un dividende de la faillite subséquente de CHF195'745,88 et le versement du solde de CHF111'999,43.
- Le 26 mars 2024, l'Obergericht a partiellement admis le recours. Il a ordonné à la Recourante de procéder à une nouvelle répartition du produit et d'attribuer à l'Intimée un dividende de CHF184'858,22 et de lui verser le solde de CHF 101'111,77.
- Le 11 avril 2024, la Recourante a interjeté un recours.
- Le présent recours porte sur la répartition du produit de la faillite. L'Obergericht a reconnu à l'Intimée le droit de préférence sur le bénéfice du procès, comme dans la procédure de faillite précédente, alors que la Recourante y voit une violation du droit (consid. 3).
- L'art. 250 al. 2, 2ème phrase LP prévoit que si le juge déclare l'action fondée, le dividende afférent à cette créance est dévolu au demandeur, jusqu'à concurrence de sa production, y compris les frais de procès. Cet article est complété par l'art. 261 LP indiquant que lorsque l'état de collocation est définitif et que l'administration est en possession du produit de la réalisation de tous les biens, elle dresse le tableau de distribution des deniers et établit le compte final (consid. 3.2).
- Par ailleurs, la jurisprudence indique que le gain du procès est déterminé lors de l'établissement du tableau de distribution, qui correspond à la différence entre le montant qu'un créancier perdant aurait perçu selon le plan de collocation initial, et celui qu'il perçoit après correction du plan en fonction du résultat du procès (consid. 3.2.1).
- Les juges de Mon-Repos ont rappelé que la procédure de faillite, clôturée le 9 février 2012, n'avait pas permis de couvrir l'intégralité de la créance de l'Intimée. En outre, suite à la réalisation de la faillite subséquente et à la liquidation d'autres éléments patrimoniaux en mars 2020, une nouvelle répartition avait été prévue. La Recourante avait indiqué la présence de favoritisme en faveur de l'Intimée du fait qu'elle pouvait revendiquer le gain du procès en contestation dans la répartition de la faillite subséquente (consid. 3.2.2 ss).
- Notre Haute Cour a affirmé que la faillite subséquente n'était pas une nouvelle faillite et que le droit de mainmise subsistait sur les actifs qui étaient restés inconnus de la Recourante, sans préjudice de la décision de clôture. Elle a aussi rappelé les conditions de l'art. 269 al. 1 LP pour l'ouverture d'une faillite subséquente: (i) la clôture de la procédure de faillite, (ii) un élément de patrimoine qui est redécouvert, (iii) qui doit appartenir à la masse, sans avoir été retiré de celle-ci (consid. 3.3 ss).
- In casu, le Tribunal fédéral a considéré qu'il était établi que la réalisation de nouveaux éléments d'actifs avait eu lieu dans le cadre de la faillite subséquente et qu'ils étaient nécessairement des actifs appartenant à la masse. Il a ajouté que si ces biens avaient été réalisés dans le cadre de la procédure de faillite précédente, l'Intimée aurait bénéficié d'un gain de procès plus élevé dans la répartition, car la loi permettait de profiter du gain de procès jusqu'à pleine couverture de la créance (art. 250 al. 2 LP). Cette limite n'était pas atteinte en l'espèce (consid 3.3.2).
- Notre Haute Cour a conclu que la répartition des produits dans la faillite subséquente aux créanciers devait être effectuée selon les mêmes règles que dans la procédure de faillite antérieure. Cela signifiait que dans la faillite subséquente également, la liste de répartition comprenait le montant éventuel qui revenait au créancier gagnant dans l'action en contestation de collocation selon l'art. 250 al. 2 LP (consid 3.3.3).
- Partant, le recours a été rejeté.
TF 5A_362/2024 du 19 septembre 2024 | Violation de la maxime inquisitoire dans le cadre de la notification d'un commandement de payer à la mauvaise adresse (art. 6 par. 1 CEDH, art. 29 al. 1 Cst., art. 17 LP, art. 20a al. 2 ch. 2 LP)
- («Recourant») était domicilié au sein de la PPE B. («PPE») dans la commune de T.
- Le 3 avril 2023, il a annoncé son départ au Service de la population de T. pour la fin du mois et a indiqué son lieu de destination en Italie.
- Sur réquisition de poursuite du 6 juillet 2023, la PPE a chargé l'Office des poursuites du district de l'Ouest lausannois («Office des poursuites») d'établir un commandement de payer dans la poursuite n° yyy («Commandement de payer n° y») portant sur les montants suivants: CHF 22'636,62 avec intérêts à 5 % l'an dès le 31 décembre 2022 indiquant comme cause «Solde redû pour les charges PPE au 31.12.22 concernant la parcelle n° zzz située [...] à T.», CHF 3'414,18 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 2023 pour «Acomptes charges 01.01 à 31.07.23» et de CHF 2'000.- pour des «Frais d'intervention selon l'art. 106 CO».
- Le Commandement de payer n° y a été établi à l'ancienne adresse du Recourant à T. et a été notifié le 20 juillet 2023 au bureau postal à D. Cette dernière [sic], munie d'une procuration, a formé opposition totale.
- Par acte du 2 août 2023, le Recourant a saisi le Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne («Président du Tribunal d'arrondissement») et a fait valoir que le Commandement de payer n° y n'avait pas été notifié à son domicile actuel, attesté par le biais du certificat de domicile qui lui avait été délivré à cet effet, mais à son ancienne adresse. Le Recourant a conclu à l'annulation de la poursuite.
- Par prononcé du 24 octobre 2023, le Président du Tribunal d'arrondissement a rejeté la plainte. Cette décision a été confirmée sur recours.
- Le 7 juin 2024, le Recourant a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant s'est notamment plaint de la violation du droit à un procès équitable et en particulier de son droit d'être entendu, en ce qu'il ne pouvait pas s'attendre à ce que l'autorité cantonale statue sans lui octroyer un délai pour produire des pièces utiles à sa cause, conformément à la maxime inquisitoire applicable en l'espèce (art. 6 par. 1 CEDH, art. 29 al. 1 Cst, art. 17 LP, art. 20a al. 2 ch. 2 LP).
- Le droit à un procès équitable comporte le droit d'être entendu et en particulier la possibilité pour l'administré de produire ou de faire administrer des preuves, à condition qu'elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (art. 6 par. 1 CEDH, art. 29 Cst.) (consid. 6.1.2).
- La maxime inquisitoire régit la procédure en matière d'exécution forcée devant les autorités de surveillance (art. 20a al. 2 ch. 2 LP) et leur impose de diriger la procédure, de définir les faits pertinents et les preuves nécessaires, d'ordonner l'administration de ces preuves et de les apprécier d'office. Ce principe doit être relativisé par son corollaire, le devoir de collaboration des parties, qui comporte l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (consid. 6.1.3).
- In casu, notre Haute Cour a retenu qu'une fois l'affaire portée devant l'autorité supérieure de surveillance, le Recourant devait s'attendre à ce que la question de son domicile en Italie soit abordée et qu'une appréciation différente de celle du juge de première instance puisse être retenue. Toutefois, les juges de Mon-Repos ont également souligné que si le certificat de résidence produit par le Recourant était insuffisant à prouver sa domiciliation italienne, sur la base de la maxime inquisitoire, l'autorité de surveillance aurait dû interroger le Recourant afin qu'il puisse produire des allégués de faits ou des offres de preuve complémentaires, d'autant plus que ce dernier n'était pas assisté d'un avocat (consid. 6.2).
- De ce fait, le Tribunal fédéral a conclu que l'autorité cantonale avait violé la maxime inquisitoire en privant le Recourant d'une occasion de produire des éléments supplémentaires sur les circonstances en lien avec la détermination de son domicile et en n'entreprenant aucune instruction complémentaire (consid. 6.2).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
III. ENTRAIDE INTERNATIONALE
Footnotes
1. Destiné à publication.
2. Destiné à publication
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