- ProcÉdure pÉnale
TF 7B_633/2023 Subsidiarité de la défense d'office à
la défense privée en cas de défenseur de choix
efficace et en l'absence |
TF 7B_372/2023 Violation du droit d'être entendu par l'instance
de recours pour absence d'interpellation sur la question du
chiffrage de l'indemnité en faveur de |
TF 7B_93/2022 Correspondance soumise au secret professionnel de l'avocat :
copie de |
- Droit pÉnal Économique
- |
- Droit international privÉ
- |
- Droit de la poursuite et de la faillite
- |
- entraide internationale
Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur
les thématiques suivantes : droit de procédure
pénale, droit pénal économique, droit
international privé, droit de la poursuite et de la
faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.
- PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_633/2023 du 12 août 2024 |
Subsidiarité de la défense d'office
à la défense privée en cas de défenseur
de choix efficace et en l'absence d'indigence
financière (art. 129 CPP,
art. 132 CPP)
- Le Ministère public de Zofingen-Kulm (« Ministère public») a mené une enquête pénale contre A. (« Recourant ») pour tentative de vol et violation de domicile. Par requête du 8 mai 2023, l'avocate mandatée à titre privé par le Recourant a demandé sa désignation en tant que défenseur d'office et la répétition de toutes les mesures d'instruction déjà effectuées. Par décision du 12 mai 2023, le Ministère public a rejeté sa demande.
- Par décision du 2 août 2023, l'Obergericht du canton d'Argovie a confirmé la décision de rejet. Le Recourant a recouru auprès du Tribunal fédéral.
- Devant notre Haute Cour, le Recourant s'est plaint du fait qu'on lui ait refusé une défense d'office dont l'effet aurait dû être rétroactif au 8 mai 2023 (consid. 1).
- Le Tribunal fédéral a rappelé que dans les cas de défense obligatoire (art. 130 CPP), la direction de la procédure ordonne une défense d'office (art. 132 CPP), lorsque le prévenu ne désigne pas de défenseur privé (art. 129 CPP) malgré la demande de la direction de la procédure (art. 132 al. 1 let. a ch. 1 CPP) ou lorsque le mandat du défenseur privé lui a été retiré ou qu'il l'a décliné et que le prévenu n'a pas désigné de nouveau défenseur privé dans le délai imparti (art. 132 al. 1 let. a ch. 2 CPP). Par ailleurs, une défense d'office est ordonnée lorsque le prévenu ne dispose pas de moyens nécessaires et que la défense s'impose pour la sauvegarde de ses intérêts (art. 29 al. 3 Cst., art. 132 al. 1 let. b CPP). Si le prévenu n'est pas dans le besoin financièrement et dispose déjà d'une défense de choix efficace en cas de défense obligatoire, les conditions pour une conversion en défense d'office ne sont pas remplies. Le recours à un défenseur d'office n'entre en ligne de compte que subsidiairement à un défenseur privé existant (consid. 3).
- In casu, le Tribunal fédéral a relevé qu'il n'était pas contesté qu'il existait un cas de défense obligatoire depuis le 9 mai 2023. Toutefois, le Recourant était défendu à titre privé depuis le 8 mai 2023, par l'avocate qu'il avait sollicitée. Les juges de Mon-Repos ont donc retenu que, contrairement aux allégations du Recourant, il n'existait pas de droit légal, indépendant de la situation financière du requérant, à ce qu'une défense privée (obligatoire) soit transformée en défense d'office (consid. 4 cum 3.5).
- Partant, le recours a été rejeté.
TF 7B_372/2023 du 21 août 2024 | Violation du droit d'être entendu par l'instance de recours pour absence d'interpellation sur la question du chiffrage de l'indemnité en faveur de prévenus acquittés (art. 429 CPP, art. 436 CPP)
- a déposé une plainte pénale auprès du Ministère public de See/Oberland (« Ministère public») contre A. et B. (« Recourants »). Par décision du 29 septembre 2022, le Ministère public a classé la procédure.
- Par décision du 26 juin 2023, l'Obergericht du canton de Zurich a rejeté le recours formé par C. contre la décision de classement et n'a pas accordé d'indemnités aux Recourants.
- Les Recourants ont formé un recours au Tribunal fédéral pour que la décision du 26 juin 2023 soit partiellement annulée et que C. soit condamné à leur verser une indemnité de CHF 2'725,35.
- Les Recourants font valoir que l'instance précédente leur aurait refusé une indemnité de partie en violation de l'art. 429 al. 2 CPP (consid. 2).
- Le Tribunal fédéral a rappelé que le droit à une indemnité pour le prévenu dans la procédure de recours est régi par l'art. 436 al. 1 CPP en relation avec l'art. 429 CPP (consid. 2).
- Au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
- Cela inclut notamment les frais de défense privée, dans la mesure où le recours à un avocat s'impose au vu de la complexité du cas, en fait ou en droit (consid. 2).
- Selon l'art. 429 al. 2, 1ère phrase CPP, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu.
- Toutefois, notre Haute Cour a précisé que cela ne signifie pas qu'elle doit, en application de la maxime d'instruction de l'art. 6 CPP, établir d'office tous les faits importants pour l'appréciation du droit à l'indemnisation ; elle doit au moins entendre le prévenu sur la question et, le cas échéant, l'inviter, conformément à l'art. 429 al. 2, 2ème phrase CPP, à chiffrer et à justifier ses prétentions (consid. 2).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que l'Obergericht n'avait pas demandé aux Recourants de chiffrer et de justifier d'éventuelles prétentions et qu'elle aurait dû donner aux Recourants la possibilité de motiver leur demande d'indemnisation (consid. 3.1).
- De ce fait, le Tribunal fédéral a conclu à une violation du droit d'être entendu au sens de l'art. 429 al. 2 CPP, assortie d'un devoir de réparation concernant les prétentions en indemnisation des parties par l'instance précédente (consid. 3.2).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
TF 7B_93/2022 du 27 août 2024 | Correspondance soumise au secret professionnel de l'avocat : copie de documents, courriels, copies cachées à des tiers et informations échangées avant l'existence du mandat et après radiation de l'avocat (art. 264 al. 1 let. a, c et d CPP)
- Le Ministère public III du canton de Zurich (« Ministère public») a mené une enquête contre A. (« Recourant ») pour soupçon d'escroquerie et incitation/complicité de gestion déloyale qualifiée répétée. Dans le cadre de cette enquête pénale, le Ministère public a saisi plusieurs supports de données appartenant au Recourant sur lesquels ce dernier a demandé l'apposition de scellés.
- Par jugement du 7 septembre 2020, le Zwangsmassnahmengericht zurichois (« Tribunal des mesures de contrainte ») a partiellement admis la demande de levée des scellés sur les données saisies par le Ministère public et l'a autorisé à procéder à une perquisition.
- Le Recourant a formé un recours au Tribunal fédéral contre ce jugement, qui a renvoyé l'affaire au Tribunal des mesures de contrainte pour nouvelle décision.
- Par jugement du 29 mars 2022, le Tribunal des mesures de contrainte a :
- classé la procédure comme étant sans objet en ce qui concerne les fichiers électroniques séparés ou scellés d'un commun accord selon l'annexe I de la décision attaquée (« Chiffre 1 du dispositif de la décision attaquée»).
- accepté la demande de levée des scellés pour des fichiers électroniques mentionnés à l'annexe II de la décision attaquée (« Chiffre 2 du dispositif de la décision attaquée»).
- rejeté la demande de levée des scellés, en ce qui concerne les fichiers électroniques mentionnés à l'annexe III de la décision attaquée (« Chiffre 3 du dispositif de la décision attaquée »).
- Le 7 mai 2022, le Recourant a de nouveau interjeté un recours au Tribunal fédéral afin de demander, notamment, l'annulation de la levée des scellés pour le Chiffre 2 du dispositif de la décision attaquée.
- En premier lieu, le Recourant a reproché à l'instance inférieure de ne pas avoir qualifié les documents contenus dans les catégories « originäre Beweisdokumente» et « 8b » comme de la correspondance entretenue avec son défenseur, au sens de l'art. 264 al. 1 let. a et c CPP (consid. 3).
- Notre Haute Cour a rappelé qu'est considéré comme de la correspondance avec l'avocat au sens de l'art. 264 al. 1 let. a, c et d CPP tout ce qui est introduit dans la relation de confiance particulière entre l'avocat et son client, qui prend naissance dans cette relation, ou qui en découle (consid. 1).
- D'une part, sont protégés les documents détenus par le représentant juridique, les documents qui lui sont remis dans le cadre du mandat ou qu'il a obtenus. D'autre part, sont également concernés les documents détenus par le client et qui ont été reçus par l'avocat. La forme des documents n'a pas d'importance. La correspondance de l'avocat peut revêtir la forme physique ou électronique, y compris les courriels et leurs pièces jointes, et être tout de même sujette à la protection du secret professionnel de l'avocat (consid. 1).
- Toutefois, notre Haute Cour a pondéré ce principe en indiquant que les moyens de preuves ne peuvent pas être définitivement soustraits à l'accès des autorités pénales notamment lorsqu'ils sont introduits après coup dans la relation de confiance (protégée par le secret professionnel de l'avocat) dans le seul but de les dissimuler. Cette démarche doit être qualifiée d'abusive (consid. 3.1).
- In casu, le Tribunal fédéral a considéré que les documents contenus dans la catégorie « originäre Beweisdokumente», n'étaient pas protégés en tant que tels par le secret professionnel de l'avocat. Toutefois, notre Haute Cour a retenu que les copies de ces documents établies dans le cadre de la relation du mandat et échangées entre le représentant juridique et le client étaient protégées par le secret professionnel, car pertinentes pour le mandat. Le risque que des moyens de preuve soient définitivement soustraits à l'accès des autorités pénales n'existait en principe pas dans une telle constellation (consid. 3).
- Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu que l'instance précédente avait violé le droit en autorisant la perquisition à tout le moins de la catégorie « 8b », soit des fichiers électroniques envoyés en annexe de la correspondance avec l'avocat (consid. 3).
- En deuxième lieu, le Recourant a reproché à l'instance inférieure de partir du principe, en violation du droit fédéral, que les documents de la catégorie « 2b » et « 3cb » avaient perdu leur caractère secret (consid. 4).
- Notre Haute Cour a rappelé que pour qu'un fait soit considéré comme secret, une double condition est nécessaire : (i) le fait ne doit être connu que par un cercle restreint de personnes et ne doit être ni évident ni accessible à tous et (ii) il doit exister un intérêt à garder le secret ou une volonté de le garder par le maître du secret (consid. 1).
- En particulier, au sens de la jurisprudence, la divulgation volontaire de faits secrets à des tiers choisis n'a pas pour conséquence de les rendre de notoriété publique, ni même que le maître du secret veuille les rendre accessibles à tous, ou qu'il renonce de manière générale à sa volonté de garder le secret à ce sujet (consid. 1).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont constaté que les fichiers électroniques des catégories « 2b » et « 3cb » étaient des courriels d'avocats transmises en copie (« cc » ou « cci ») à des tiers non impliqués ainsi qu'aux autorités ou à la presse. Cependant, ils estimé que l'instance précédente avait violé le droit fédéral en déclarant, sans distinction, que le caractère secret de ces deux catégories avait été perdu en raison de la divulgation volontaire des faits secrets à des tiers choisis (consid. 3).
- Troisièmement, le Recourant a fait valoir que la libération de la catégorie « kein Anwaltsgeheimnis Zeit» violait le droit fédéral, car l'instance précédente se fondait sur une conception erronée de la portée temporelle du secret professionnel de l'avocat (consid. 5).
- Le Tribunal fédéral a rappelé que l'existence d'une relation de mandat n'est pas une condition préalable à la validité du secret professionnel de l'avocat. Au contraire, tout justiciable qui s'adresse à un avocat est protégé, même si aucun mandat n'est conclu par la suite. De ce fait, sont protégées par le secret professionnel de l'avocat les informations partagées en vue d'un mandat. Notre Haute Cour a ajouté que cette obligation est, en principe, illimitée dans le temps et survit à la fin du mandat et/ou à un éventuel abandon ultérieur de la profession (consid. 1).
- In casu, notre Haute Cour a retenu que les documents mentionnés dans la catégorie « kein Anwaltsgeheimnis Zeit» étaient des documents et courriels découlant de la relation avec Me B, même s'ils dataient d'avant le 23 août 2017, date à laquelle une relation de mandat avait été invoquée et d'après le 6 juillet 2018, date à laquelle Me B. avait été radié du registre des avocats. Ainsi, notre Haute Cour a considéré que ces informations (reçues par l'avocat dans le cadre de son activité professionnelle) étaient soumises au secret professionnel (consid. 2).
- Partant, le recours a été partiellement admis.
- DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
- DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
- DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
- ENTRAIDE INTERNATIONALE
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