Même si la plupart des Canadiens ignorent complètement son existence, et encore plus le rôle qu'elle joue, la Commission du droit d'auteur est l'un des plus importants organismes administratifs à Ottawa à l'égard de l'importance de l'appui financier qu'elle apporte à ce qu'on appelle les « industries culturelles » canadiennes. La Commission approuve le versement de redevances qui équivalent à environ 500 M$ chaque année aux titulaires de droits d'auteur comme les compositeurs, les interprètes, les maisons de disques, les auteurs et les éditeurs de livres.

La Commission examine et homologue les projets de tarif qui sont déposés par les différentes sociétés de gestion représentant les titulaires de droits d'auteur. Lorsque ces tarifs sont homologués par la Commission, ils sont payés par les personnes qui utilisent à des fins publiques des Suvres protégées par le droit d'auteur. Cela comprend les services de radio et de télévision, les services de diffusion par satellite et sur Internet, les hôtels et les restaurants, les centres de culture physique et les établissements d'enseignement.

Le lent processus d'homologation de tarifs de la Commission

Les redevances contribuent à la viabilité économique des industries culturelles au Canada. Toutefois, depuis sa création en 1989, la Commission est de plus en plus submergée par la responsabilité de traiter divers nouveaux tarifs découlant de la reconnaissance législative de nouveaux droits d'auteur, du développement des technologies numériques et de l'introduction d'une vaste gamme de services Internet. Dépourvue du personnel et des ressources financières nécessaires pour répondre à ces projets, la Commission s'est démenée pour garder le rythme et a pris un sérieux retard quant à sa capacité de traiter en temps opportun les divers projets de tarif qui lui sont régulièrement présentés.

En termes simples, sans faute apparente de sa part, le processus d'homologation de tarifs de la Commission du droit d'auteur est devenu lent et la Commission est incapable d'homologuer les taux de redevances dans un délai raisonnable. Par exemple, un rapport récent indique que du début à la fin, il faut trois années et demie pour qu'un projet de tarif progresse dans les méandres du système d'audience complexe de la Commission et que les tarifs sont typiquement homologués plus de deux années après la date à laquelle ils sont censés entrer en vigueur.

Il arrive qu'au cours de cette période d'attente, les titulaires de droits d'auteur ne reçoivent pas de versements de redevances pour l'utilisation de leur Suvre. Parallèlement à cela, les utilisateurs contractent des obligations financières allant en augmentant (et inconnues) qui, lorsque le tarif est enfin homologué par la Commission, peuvent être exigibles et couvrir plusieurs années antérieures.

Les difficultés qu'éprouve  la Commission à traiter des projets de tarif de manière efficace et opportune a eu des répercussions bien tangibles sur l'introduction de nouveaux services numériques innovateurs aux consommateurs canadiens. Ceci s'explique surtout par le fait que les fournisseurs de ces services, par exemple, certains services de diffusion de musique sur Internet, n'ont aucun moyen de connaître ce qu'il leur en coûtera pour exercer leurs activités au Canada. Si cette situation n'est pas corrigée, elle risque de ralentir la progression du Canada sur le plan technologique par rapport à celle des autres pays.

Le document de discussion du gouvernement fédéral

En raison de cette situation problématique du point de vue des titulaires de droits d'auteur, des utilisateurs et des consommateurs, le gouvernement fédéral a récemment publié un document de discussion sollicitant les commentaires du public sur la façon d'améliorer les processus d'audience et la rapidité de la Commission du droit d'auteur. Dans ce document de discussion, le gouvernement a fait treize suggestions distinctes sur la façon de rendre la prise de décision de la Commission plus efficace, avec pour objectif global « d'accélérer les choses » du moment de la première proposition de tarif au moment de son entrée en vigueur.

Ces treize suggestions comprennent celles qui suivent : imposer des échéances rigoureuses concernant le moment où la Commission doit avoir accompli une étape particulière dans le cadre des cycles de ses audiences et doit rendre ses décisions, mettre en Suvre un système de gestion des instances obligatoire, donner l'autorité à la Commission d'accorder des dépens à l'encontre des parties qui ont indûment retardé la procédure, demander aux parties de fournir plus de détails afin d'appuyer leurs arguments respectifs plus tôt dans le processus d'audience, permettre aux sociétés de gestion de complètement outrepasser la Commission en concluant des contrats de licence privés avec les utilisateurs, exiger que les projets de tarif soient déposés plus tôt qu'actuellement et imposer des étapes procédurales plus rigoureuses aux parties.

Une des suggestions ayant le potentiel d'être parmi les plus controversées concerne l'établissement d'une liste de critères précis dont la Commission devrait tenir compte dans le cadre de ses décisions. À cet égard, la Commission a actuellement le pouvoir discrétionnaire absolu d'examiner les éléments de preuve pertinents qui lui permettraient d'homologuer des taux de redevances que l'on qualifie de « justes et équitables ».

Un tel pouvoir discrétionnaire a récemment été critiqué par divers groupes de l'industrie de la musique qui croient que la Commission devrait appliquer une liste restreinte de facteurs économiques dans le cadre de l'établissement des taux de redevances, plus particulièrement les taux du marché qui reflèteraient prétendument ce qu'un acheteur consentant paierait à un vendeur consentant.

Ces groupes de l'industrie de la musique croient apparemment que l'adhésion de la Commission à une telle liste de critères tendrait à augmenter les taux payables aux titulaires de droits d'auteur. Nous notons que ce n'est pas nécessairement le cas et que la mise en Suvre d'une telle exigence pourrait également rendre le système moins efficace, car elle pourrait avoir l'effet pervers de décourager les utilisateurs de conclure des ententes avec les sociétés de gestion (les utilisateurs hésiteraient à établir un prix que la Commission pourrait utiliser comme taux de référence du marché à l'avenir dans le cadre d'une procédure d'établissement de tarif).

En se fondant sur les décisions passées de la Commission relatives aux tarifs, il semble manifeste que la Commission est déjà parfaitement capable d'évaluer et de peser les éléments de preuve contradictoires qui lui sont présentés par les sociétés de gestion et les groupes d'utilisateurs au cours de ses différentes audiences.

Autrement dit, il n'y a pas de raison valable justifiant que le pouvoir de la Commission de considérer cette preuve soit restreint en exigeant qu'elle applique une liste de facteurs économiques ou de critères précis auxquels une attention particulière devrait être portée dans l'examen d'une demande de tarif particulière. La Commission doit au contraire pouvoir décider d'elle-même quels sont les éléments de preuve et les facteurs les plus importants dans le contexte d'une demande de tarif particulière en sa qualité de tribunal expert sur le plan économique. Selon ce point de vue, l'imposition d'une liste de critères à la Commission empiéterait sur sa liberté d'établir des taux de redevances justes et équitables. 

Conclusion

Le document de discussion du gouvernement est ouvert aux commentaires du public jusqu'au vendredi 29 septembre. Vous pouvez consulter le document ici.

Indépendamment des changements législatifs, réglementaires ou procéduraux que le gouvernement adoptera à la suite de ce processus de consultation, il est peu probable que des améliorations importantes aient lieu à la Commission à moins qu'elle n'obtienne le personnel et les ressources financières nécessaires à la hauteur de sa charge de travail actuelle dans l'établissement des tarifs. Même si le document de discussion indique précisément que la question du financement de la Commission n'est pas couverte par cette consultation, cette question constitue peut-être dans les faits le problème le plus important qui, s'il est corrigé, aura l'effet le plus marquant sur la capacité de la Commission de donner suite aux projets de tarif de manière plus opportune.

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