À l'échelle mondiale, la pression en faveur d'une plus grande transparence de la propriété effective se poursuit. Le Royaume-Uni et l'Union européenne sont en tête de file. Le Royaume-Uni a adopté le registre public des personnes exerçant un contrôle important sur les sociétés britanniques et sur certaines sociétés de personnes, et est en train d'adopter un registre des bénéficiaires effectifs de biens immobiliers britanniques (accessible au public) et d'élargir le registre des fiducies existant (partiellement accessible au public). L'Union européenne s'oriente dans la même direction en ce qui concerne les bénéficiaires effectifs des sociétés dans le cadre des 4e et 5e directives visant à répondre à la menace que représente le blanchiment des capitaux, mais les membres de l'Union européenne tardent à adopter un registre accessible au public.

Le Canada rattrape son retard avec les nouvelles obligations de déclaration aux fins d'impôt des bénéficiaires effectifs d'une fiducie et envisage de rendre les registres des bénéficiaires effectifs ultimes (BEU) des sociétés accessibles au public.

Nouvelles règles de déclaration applicables aux fiducies à compter de 2021

À compter de l'année d'imposition (c.-à-d. l'année civile) 2021, la portée de la déclaration d'une fiducie à l'Agence de revenu du Canada (l'« ARC ») est étendue afin d'améliorer l'information sur la propriété effective, ce qui aidera l'ARC à établir l'impôt à payer par les fiducies et leurs bénéficiaires. Ces changements signifient que davantage de fiducies devront produire une déclaration de renseignements et de revenus des fiducies T3 (la « déclaration des fiducies ») et que des renseignements supplémentaires sur la propriété effective d'une fiducie devront être fournis dans la déclaration.

La plupart des fiducies familiales expresses qui sont résidentes du Canada devront produire leur déclaration à compter de 2021. Les exceptions actuelles à l'obligation de produire une déclaration comme, par exemple, lorsque la fiducie n'a pas eu de revenus et n'a pas disposé d'un bien, ne seront plus applicables. Cette règle s'applique aussi aux fiducies étrangères qui sont réputées résidentes du Canada. Pour certaines fiducies, 2021 sera la première année au cours de laquelle elles vont devoir produire une déclaration.

En outre, la portée des renseignements fournis dans la déclaration des fiducies est étendue à la divulgation de l'identité des fiduciaires, des bénéficiaires, des constituants et de toute autre personne qui possède la capacité d'exercer une influence sur les décisions du fiduciaire concernant l'affectation du revenu ou des capitaux de la fiducie (par exemple, un protecteur). Les renseignements à fournir sont le nom, l'adresse, le territoire de résidence et le numéro d'identification fiscal (ou l'équivalent dans un autre territoire pour les non-résidents). Cette obligation s'appliquera à toutes les fiducies qui sont tenues de produire une déclaration des fiducies. La première déclaration à portée élargie devra être produite au plus tard le 30 mars 2022 relativement à l'année d'imposition 2021.

Tous les bénéficiaires dont l'identité est connue ou peut être établie avec un effort raisonnable doivent faire l'objet d'une déclaration et les renseignements qui les concernent doivent être fournis, même s'ils n'ont jamais reçu (ou pourraient ne jamais recevoir) de distribution de la part de la fiducie. Si tous les bénéficiaires ne sont pas connus ou que leur identité ne peut pas être établie, les renseignements fournis doivent être suffisamment détaillés pour établir avec certitude qu'une personne donnée est bénéficiaire de la fiducie, par exemple, en fournissant les conditions de la fiducie qui décrivent la catégorie de bénéficiaires.

Les nouvelles règles seront assorties de pénalités plus lourdes en cas de défaut de production d'une déclaration ou de fausse déclaration ou d'omission dans la déclaration des fiducies (y compris les déclarations de propriété effective erronées ou incomplètes). Si l'erreur a été commise sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, la pénalité équivaudra à 5 % de la valeur des actifs de la fiducie. Par conséquent, une erreur ou une omission portant sur la déclaration des fonds en fiducie totalisant 10 millions de dollars pourrait entraîner une pénalité de 500 000 $.

En préparation aux nouvelles règles, les fiduciaires doivent :

  • Déterminer s'ils sont tenus de produire une déclaration des fiducies en 2021 aux termes des nouvelles règles, s'ils ne l'ont pas encore produite. Les fiduciaires d'une fiducie étrangère qui ont des liens au Canada pourraient souhaiter examiner leur statut de résident, puisque la plupart des fiducies familiales expresses réputées résidentes seront tenues de produire une déclaration des fiducies;
  • Divulguer l'identité du constituant et des bénéficiaires de la fiducie et vérifier ou obtenir les précisions nécessaires à leur propos, y compris, éventuellement, communiquer avec un bénéficiaire éloigné ou subsidiaire qui n'est pas au courant de son intérêt dans la fiducie, ce qui pourrait nuire dans certains cas à l'harmonie entre fiduciaires ou à l'harmonie familiale;
  • Examiner si une autre personne possède la capacité d'exercer une influence sur les décisions du fiduciaire concernant l'affectation du revenu ou des capitaux et, le cas échéant, obtenir les précisions nécessaires. La capacité d'une personne à exercer une influence peut être mentionnée dans l'acte de fiducie lui-même ou dans un document connexe;
  • Examiner les renseignements qui ont déjà été communiqués à l'ARC aux termes de la FATCA ou de la norme commune de déclaration afin de veiller à leur compatibilité avec les nouveaux renseignements qui seront fournis avec la déclaration des fiducies, puisque les différences pourraient attirer l'attention.

Si un client ou une personne dont les renseignements seront divulgués n'est pas à l'aise avec la divulgation, il est possible de prendre des mesures correctives. Par exemple, le protecteur pourrait démissionner avant la fin 2020 et n'aurait donc pas à être déclaré comme étant la personne qui possède la capacité d'exercer une influence à compter de 2021.

Les fiduciaires, les constituants et les bénéficiaires devraient se demander s'ils sont à jour en ce qui concerne leurs obligations de déclaration et leurs obligations fiscales liées à la fiducie. Il serait souhaitable de rectifier toute irrégularité de façon proactive au lieu d'attendre que l'ARC demande des renseignements fondés sur l'information bonifiée qu'elle a obtenue aux termes des nouvelles règles. Pareille rectification pourrait comprendre l'utilisation du programme des divulgations volontaires du Canada.

Lorsqu'on établit de nouvelles fiducies qui seront assujetties à ces obligations de divulgation, il faut réfléchir à la portée des renseignements qui devront être communiqués, lesquels pourraient avoir des répercussions, par exemple, sur l'étendue d'une catégorie de bénéficiaires.

Autres initiatives sur la transparence

Les fiducies ne sont pas le seul domaine dans lequel la transparence de la propriété effective est à l'ordre du jour. Nous mentionnons ci-après d'autres exemples sur la façon dont le Canada suit la tendance mondiale visant à donner des renseignements plus poussés et plus accessibles sur la propriété ultime des actifs et nous joignons des liens vers certaines publications de Stikeman Elliott sur ces initiatives.

  • Les sociétés fermées constituées sous le régime fédéral sont tenues de créer et de tenir un registre des « particuliers ayant un contrôle important ». Les renseignements sont conservés par la société et sont à la disposition des autorités policières, des autorités fiscales et d'autres organismes. Les actionnaires et les créanciers de la société peuvent également avoir accès au registre si leur demande se fonde sur un affidavit voulant que les renseignements obtenus soient utilisés seulement en lien avec les affaires de la société. Certaines provinces (notamment la Colombie-Britannique et le Manitoba) ont adopté une législation semblable, tandis que d'autres provinces sont en train de mettre en Suvre leur législation.
  • En février 2020, le gouvernement du Canada a lancé une consultation publique intitulée « Renforcer la transparence de la propriété effective des sociétés au Canada », au moyen de laquelle il a cherché à recueillir des points de vue sur la création d'un registre centralisé accessible au public des propriétaires effectifs de sociétés, dans le prolongement de la transparence dont bénéficient les renseignements portant sur les BEU. Les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Québec ont lancé des consultations semblables.
  • Dernièrement, le gouvernement du Québec a instauré l'obligation de divulguer certains arrangements de prête-nom à Revenu Québec, obligation qui s'applique aux contrats de prête-nom existants et nouveaux.
  • En Colombie-Britannique, la Land Owner Transparency Act établit un registre public des intérêts bénéficiaires sur un bien-fonds situé dans la province, qui entrera en vigueur le 30 novembre 2020.

Nous espérons que l'orientation du Canada vers une plus grande transparence de la propriété effective continuera d'être équilibrée, ce qui permettra au Canada de combattre efficacement la criminalité et l'évasion fiscale dans le respect du droit à la protection des renseignements personnels.

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