Les nouvelles règles de divulgation obligatoire prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR ») ont été adoptées en juin 2023. De manière générale, ces nouvelles règles couvrent la divulgation des opérations à déclarer, des opérations à signaler ainsi que des traitements fiscaux incertains. Malgré les directives de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») publiées en juillet 2023 et actualisées en août 2024, plusieurs questions cruciales subsistent, en particulier dans le contexte des fusions et acquisitions.
Dans le présent article, nous analysons si une indemnité liée à une question fiscale préalable à la vente peut être considérée comme un « marqueur » de protection contractuelle au sens des règles et entraîner ainsi une obligation de déclaration.
Consultez les articles précédents portant sur les règles de divulgation obligatoire : Reportable uncertain tax treatment rules (Régime des traitements fiscaux incertains à déclarer), New reportable transaction rules receive Royal Assent (Sanction royale accordée aux nouvelles règles relatives aux opérations à déclarer), La planification de fiducies et les règles relatives aux opérations à signaler – Que faire maintenant? et Canada Revenue Agency updates its guidance on mandatory disclosure rules (Actualisation des règles de divulgation obligatoire de l'Agence du revenu du Canada.
Mise en contexte : Qu'est-ce qui déclenche une opération à déclarer?
Les règles relatives aux opérations à déclarer imposent à certaines parties de transmettre une déclaration d'information à l'ARC lorsqu'une « opération d'évitement » est réalisée et qu'au moins un des trois marqueurs déterminants est constaté :
- Entente d'honoraires conditionnels : un conseiller ou un promoteur (ou toute personne ayant un lien de dépendance) a droit (conditionnellement ou non) à des honoraires établis en fonction du montant d'un avantage fiscal ou conditionnels à l'obtention d'un avantage fiscal, ou selon le nombre de personnes qui participent à l'opération (à de rares exceptions près);
- Droit à la confidentialité : un conseiller ou un promoteur (ou toute personne ayant un lien de dépendance) obtient un droit à la confidentialité et toute interdiction de communication assure la confidentialité relativement à un traitement fiscal en ce qui concerne l'opération d'évitement;
- Protection contractuelle : une personne, un conseiller ou un promoteur (ou toute personne ayant un lien de dépendance) a ou avait une protection contractuelle relativement à l'opération.
Fusions et acquisitions : les cas de figure fréquents
Dans le cadre de fusions ou d'acquisitions privées, les vendeurs effectuent souvent des opérations préalables à la clôture à des fins fiscales. À titre illustratif, cette planification peut comprendre, avant la vente, le recours à l'exonération cumulative des gains en capital ou à des opérations de dépouillement de surplus. En général, les acheteurs se montrent disposés à permettre aux vendeurs de procéder à ces opérations préalables à la vente (sous réserve de l'avis favorable de leur conseiller juridique), mais exigent en retour des indemnités élevées afin de couvrir les éventuelles conséquences fiscales pour l'entité cible.
Ces indemnités prennent très souvent la forme d'indemnités « autonomes » ciblant les opérations préalables à la vente et sont distinctes des indemnités globales couvrant les manquements aux obligations de déclaration ou de garantie, les taxes courantes préalables à la vente ou d'autres enjeux propres à l'opération ou à l'activité en cause. La nature et le contexte de l'indemnité fiscale liée aux opérations préalables à la vente amènent à s'interroger sur sa conformité au marqueur de protection contractuelle évoqué précédemment. En d'autres termes, l'ARC pourrait-elle interpréter ces indemnités comme constituant une protection contractuelle visant à sécuriser un avantage fiscal, ce qui entraînerait une obligation de déclaration?
Définition de « protection contractuelle » dans la LIR
Aux termes de la LIR, la protection contractuelle englobe notamment les indemnités versées lorsqu'un avantage fiscal escompté à l'égard d'une opération (ou d'une série d'opérations) n'est pas obtenu. Il convient toutefois de noter une exception majeure :
les indemnités faisant partie intégrante d'une opération de fusion ou d'acquisition sans lien de dépendance, et destinées principalement à garantir que le prix d'achat reflète les obligations connues de l'entreprise, sont exclues de la définition.
Cette disposition semble exclure de nombreuses indemnités courantes dans un contrat de vente. Toutefois, il convient de se demander si les indemnités relatives aux questions fiscales existantes avant la clôture sont également concernées par cette exclusion.
Lignes directrices de l'ARC
Dans ses lignes directrices publiées le 15 août 2024, L'ARC indique que les protections usuelles dans le cadre de fusions et d'acquisitions, notamment les indemnités fiscales et les assurances sur les déclarations et les garanties, ne sont généralement pas considérées comme devant faire l'objet d'une déclaration. Plus précisément : « Les déclarations et garanties standard entre un vendeur et l'acheteur, ainsi que les polices d'assurance de déclarations et de garanties traditionnelles, généralement obtenues dans le contexte commercial courant des opérations de fusion et d'acquisition pour protéger un acheteur des passifs avant la vente (y compris les passifs fiscaux), ne devraient pas donner lieu à des exigences de déclaration pour les opérations à déclarer. »
« Une obligation de déclaration ne découlerait pas uniquement d'une protection contractuelle qui prend la forme d'une assurance faisant partie intégrante d'une entente conclue entre des personnes sans lien de dépendance pour la vente d'une entreprise lorsqu'il est raisonnable de conclure que la protection d'assurance vise à garantir que le prix d'achat payé en vertu de l'entente tienne compte de tout passif de l'entreprise immédiatement avant la vente et que l'assurance est obtenue principalement à des fins autres que l'obtention d'un avantage fiscal découlant de l'opération ou de la série. Sans en dresser une liste exhaustive, quelques exemples sont donnés ci-dessous :
- des indemnités liées aux questions fiscales existantes avant la clôture ou au montant des attributs fiscaux existants (par exemple, comptes fiscaux et déductions pour amortissement);
- une indemnité ou un engagement envers un acheteur et/ou une cible conformément aux obligations fiscales de la partie III et aux autres conséquences fiscales défavorables survenant en raison de dividendes payés dans le cadre d'une réorganisation préalable à la vente ».
Les indemnités liées aux questions fiscales existantes avant la clôture doivent-elles faire l'objet d'une déclaration?
Il n'est pas précisé dans la définition de la protection contractuelle si une indemnité fiscale préalable à la vente, relative à des opérations spécifiquement entreprises par un vendeur dans le cadre d'une vente, s'inscrit ou non dans les caractéristiques du marqueur de protection contractuelle. Même si les directives de l'ARC (ainsi que les déclarations mentionnées ci-dessus) apportent un peu plus de clarté, elles ne traitent pas spécifiquement des opérations préalables à la vente de cette nature.
En particulier, il n'est pas certain que la mention d'une indemnité liée à une question fiscale préalable à la vente couvre également les impôts afférents à une opération réalisée expressément en prévision d'une vente, au bénéfice du vendeur, et sortant du cadre habituel des activités commerciales. Même si la portion de l'indemnité applicable à une responsabilité en vertu de la partie III de la LIR (concernant la désignation excessive de dividende prélevé sur le capital) est expressément exclue des caractéristiques du marqueur de protection contractuelle, cette exclusion ne s'étend pas aux indemnités plus générales couvrant l'ensemble d'une opération préalable à la vente, au-delà des pénalités prévues aux termes de la partie III.
Principaux points à retenir
À la lumière de ce qui précède, et même si certaines incertitudes persistent, les indemnités liées aux questions fiscales préalables à la vente peuvent répondre aux caractéristiques du marqueur de protection contractuelle, rendant ainsi obligatoire la déclaration des opérations visées.
Compte tenu des sanctions applicables en cas de défaut de déclaration, les avocats des acheteurs privilégient généralement la déclaration de ces opérations, tandis que ceux des vendeurs tendent à adopter une lecture plus nuancée — et souvent plus restrictive — de la loi et des lignes directrices de l'ARC.
Aucune réponse définitive ne semble établie pour l'instant, et une prise de position plus précise de l'ARC serait souhaitable.
Prochaines étapes : quelles devraient-être vos priorités à présent?
Si vous devez participer à une opération de fusion ou d'acquisition avec une opération préalable à la vente et les indemnités liées aux questions fiscales qui s'y rattachent, évaluez sans tarder les risques découlant des règles de divulgation obligatoire. Le non-respect de ces règles peut entraîner de lourdes sanctions, notamment de lourdes pénalités financières.
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.