Les nouvelles indications sur les régimes d'aliénation de titres automatique (RATA) publiées par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières le 10 décembre 2020 visent principalement à réduire la probabilité que des initiés effectuent des opérations irrégulières et à accroître la transparence des opérations d'initiés dans l'établissement et l'administration de RATA.

Le personnel des ACVM, dans son Avis 55-317 - Régimes d'aliénation de titres automatique (l'« Avis du personnel »), formule essentiellement les recommandations suivantes :

  • Surveillance par l'émetteur dans l'établissement et l'utilisation des RATA, afin de s'assurer du respect de la législation en valeurs mobilières et de ses politiques sur les opérations d'initiés ou de ses politiques internes.
  • Établissement d'une durée du RATA suffisamment longue pour réduire le risque d'utilisation éventuelle d'information non publique importante (l'« INPI »).
  • Fixation d'un délai d'attente plus long avant l'exécution de la première opération en vertu du régime. Les ACVM recommandent d'attendre jusqu'au dépôt du rapport financier intermédiaire ou des états financiers annuels suivants de l'émetteur avant le début des opérations aux termes d'un RATA.
  • Imposition de restrictions adéquates à la capacité des initiés de modifier, de suspendre ou de résilier le RATA, afin de veiller à ce qu'ils ne puissent pas tirer parti d'une INPI.
  • Communication d'informations pertinentes sur le RATA au moyen d'un communiqué déposé sur SEDAR.

Contexte

Comme nous l'avons Comme nous l'avons exposé antérieurement, les lois sur les valeurs mobilières canadiennes interdisent aux initiés d'une société ouverte de négocier les titres de leur société lorsqu'ils sont en possession d'INPI. Toutefois, avant de connaître une INPI, un initié peut adhérer à un « régime automatique », qui lui permet de vendre des titres sans égard aux restrictions sur les opérations d'initiés. Le régime automatique prend habituellement la forme d'un accord entre l'initié et un courtier ou un administrateur de régime, qui prévoit la vente de titres d'un émetteur pendant un laps de temps déterminé et suivant des directives préétablies.

Les administrateurs et les dirigeants d'une société cotée sont souvent tenus de détenir un grand nombre de titres de leur société par les politiques sur la propriété d'actions et les mécanismes de rémunération en titres de l'émetteur. Toutefois, en raison des périodes d'interdiction d'opérations entourant le dépôt des documents trimestriels et annuels ou lorsqu'ont lieu des placements de titres et des fusions-acquisitions, les administrateurs, les dirigeants et les autres initiés des émetteurs assujettis sont souvent dans l'impossibilité de se départir de leurs titres pendant une grande partie de l'exercice. Par conséquent, les RATA donnent aux administrateurs et aux dirigeants la possibilité de respecter les interdictions d'opérations d'initiés et les périodes d'interdiction des opérations, tout en leur réservant la possibilité de se départir de leurs titres, le cas échéant. Lorsqu'un initié est empêché de vendre les titres de l'émetteur parce qu'il est au courant d'INPI ou en raison d'une période d'interdiction d'opérations, le RATA lui offre un moyen de s'affranchir des restrictions d'opérations en lui permettant de vendre des titres de la société dont il est un initié selon des modalités préétablies.

Nouvelles indications sur l'établissement et l'administration des RATA

Comme il a été soulevé que certaines caractéristiques des RATA pourraient être contraires à l'intérêt public, l'Avis du personnel donne les indications suivantes à propos de l'établissement et de l'administration d'un RATA.

Établissement du RATA

Adhésion de l'initié au RATA  : Comme nous l'avons exposé antérieurement, seul l'initié qui est de bonne foi et qui n'est pas en possession d'INPI peut adhérer à un RATA. Les ACVM recommandent aux émetteurs d'inclure dans leur politique sur les opérations d'initiés l'interdiction d'adhérer à un RATA pendant une période d'interdiction des opérations. En pratique, il est également souhaitable d'inclure dans la politique sur les opérations d'initiés une disposition qui exige l'approbation interne du RATA auquel un initié a adhéré.

Surveillance par l'émetteur : Les ACVM recommandent à l'émetteur de surveiller l'établissement et l'utilisation du RATA par ses initiés, afin d'assurer le respect de la législation en valeurs mobilières et des politiques internes sur les opérations d'initiés. Elles recommandent également de revoir les conditions du RATA, afin de s'assurer que le régime soit réellement automatique et contienne suffisamment de protection contre les abus.

En outre, l'Avis du personnel recommande aux émetteurs :

  • d'attester au courtier concerné par le RATA qu'à leur connaissance, l'initié ne dispose pas d'INPI au moment de son adhésion au RATA;
  • de prendre des mesures raisonnables pour veiller à la conformité de l'initié au RATA et aux politiques internes de l'émetteur (par exemple, en obligeant les initiés à attester de leur conformité à intervalles réguliers);
  • de surveiller l'utilisation du RATA à la survenance d'événements significatifs (notamment les changements importants et les fusions et acquisitions) avant qu'ils ne soient rendus publics.

Administration du RATA

Paramètres de négociation et autres instructions : Afin de réduire le risque réel ou apparent qu'un initié exerce une influence indue sur le moment où l'opération a lieu ou le nombre de titres vendus aux termes du RATA, les ACVM recommandent à l'initié de fournir par écrit au courtier ou à l'administrateur du régime des paramètres de négociation clairs lorsqu'il adhère au régime. Après la création d'un RATA, il doit également être interdit à l'initié de consulter le courtier ou de lui communiquer des renseignements à propos de la vente des titres visés par le RATA.

Durée minimale : Les ACVM restent souples en ce qui concerne la durée d'un RATA. Toutefois, elles recommandent de prévoir une durée suffisante (par exemple 12 mois), pour chercher à éviter l'utilisation réelle ou apparente d'INPI. Les ACVM recommandent également que les paramètres de négociation du RATA évitent la concentration des opérations au début de la durée du régime, même si c'est difficile en pratique.

Délai d'attente : Les ACVM recommandent de rallonger le délai d'attente entre la création du RATA et la première opération automatique. Au lieu du délai d'attente communément observé de 30 jours, les ACVM recommandent de retarder les opérations aux termes d'un RATA jusqu'au dépôt du rapport financier intermédiaire ou des états financiers annuels suivants de l'émetteur. La raison en est que plus ce délai est long, moins il est probable que l'information détenue lors de l'adhésion au régime demeure pertinente ou non divulguée au moment des premières opérations. 

Modifications, suspension et résiliation : Même si les RATA pourront légitimement nécessiter d'être modifiés, suspendus ou résiliés, pareilles mesures devraient généralement, selon toute attente, être prises dans des circonstances limitées seulement. Lorsque des modifications sont nécessaires, les ACVM recommandent fortement d'inclure des « restrictions adéquates » à la capacité d'un initié de faire des modifications, afin d'éviter de laisser croire que le RATA n'est pas réellement automatique.

Certaines des restrictions suivantes applicables en cas de modification, suspension et résiliation sont recommandées par les ACVM :

  • limiter le nombre ou le type de modifications autorisées;
  • interdire toute mesure pendant les périodes d'interdiction des opérations;
  • exiger de l'initié qu'il déclare au courtier ou à l'administrateur du régime ne pas être en possession d'INPI;
  • utiliser le délai d'attente mentionné précédemment après toute modification ou suspension;
  • exiger de l'émetteur ou de l'initié qu'il indique dans un communiqué déposé sur SEDAR la raison de la modification, de la suspension ou de la résiliation, accompagnée d'une déclaration selon laquelle l'initié ne disposait pas d'INPI à ce moment-là.

Le respect des indications des ACVM concernant la déclaration dans un communiqué de la modification, de la suspension et de la résiliation d'un RATA pourrait entraîner l'augmentation du nombre de communiqués sur les RATA, puisque dans le passé, les initiés et les émetteurs n'ont pas toujours annoncé publiquement ces faits, surtout lorsqu'ils ne constituaient pas une information importante relative à l'émetteur.

Nouvelles indications sur la communication des RATA

Même si la démarche peut s'avérer lourde pour les initiés et les émetteurs, les ACVM recommandent de publier un communiqué sur SEDAR dès qu'un RATA est établi. Les ACVM ne laissent pas entendre qu'un communiqué doit être publié uniquement lorsque l'établissement du RATA visé constitue une information importante en raison de l'identité de l'initié, du nombre ou de la valeur des titres visés ou d'autres circonstances pertinentes. Là encore, la conformité à cette indication pourrait entraîner la publication de nombreux communiqués intéressant peu le marché. Selon l'Avis du personnel, le communiqué doit indiquer l'établissement du régime et ses conditions, dont il a été question précédemment (comme la durée, le délai d'attente et les restrictions applicables aux modifications, aux suspensions et aux résiliations), ainsi que le nombre de titres qui seront vendus et leur prix minimal, le cas échéant. Même si les ACVM estiment que ce type d'information renseignera utilement le marché quant à l'opinion de l'initié sur les perspectives de l'émetteur, une telle information est sans doute tributaire de décisions financières personnelles et va bien au-delà des recommandations sur l'information à déclarer selon les indications passées des ACVM ou en conformité avec les lois sur les valeurs mobilières et les pratiques de marché des États-Unis.

Lorsqu'une déclaration d'initiés est déposée, les ACVM suggèrent de préciser que les opérations ont été effectuées dans le cadre d'un RATA. Dans le passé, une dispense de l'obligation de déclaration était ouverte aux initiés qui utilisaient un RATA, ce qui leur permettait de faire une déclaration annuelle au lieu de faire des déclarations ponctuelles. Or les ACVM ont cessé d'accorder cette dispense en 2019 lorsqu'elles ont annoncé qu'elles examineraient les pratiques d'utilisation des RATA.

Indications antérieures sur les régimes automatiques

Bien que l'Avis du personnel donne des indications importantes à propos des RATA, de telles indications ne sont pas nouvelles. Depuis 2006 au Canada, les régimes automatiques sont généralement structurés conformément à l'Avis 55-701 du personnel de la CVMO - Automatic Securities Disposition Plans and Automatic Securities Purchase Plans (l'« Avis 55-701 du personnel de la CVMO »). Cet avis traite de la manière dont les initiés peuvent structurer un régime automatique malgré l'interdiction des opérations d'initiés, en vertu de la dispense prévue à l'alinéa 175(2)(b) du règlement d'application de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario). Même si l'Avis du personnel a préséance sur l'Avis 55-701 du personnel de la CVMO en ce qui concerne les indications visant les RATA, l'Avis 55-701 du personnel de la CVMO continue de s'appliquer aux régimes d'achat de titres automatiques établis en vertu des lois sur les valeurs mobilières de l'Ontario.

Conclusion

L'Avis du personnel comble les lacunes dans les indications antérieures concernant les RATA. Il répond aux préoccupations exprimées à propos de l'éventuel abus des RATA, favorise la saine gouvernance d'entreprise et améliore la confiance du public dans l'équité des marchés des capitaux. Même si l'Avis du personnel ne crée pas de nouvelles obligations légales ni ne modifie les obligations légales actuelles, il fournit une série d'indications exhaustives auxquelles les initiés et les émetteurs peuvent désormais se fier lorsqu'ils créent et mettent en ouvre un RATA, dont un grand nombre sont déjà suivies. Cependant, plusieurs nouvelles indications, particulièrement celles qui concernent l'allongement du délai d'attente et la présentation d'informations détaillées dans un communiqué, pourraient modifier les pratiques existantes. Pour de plus amples renseignements, voir l'Avis 55-317 du personnel des ACVM - Régimes d'aliénation de titres automatique (10 décembre 2020).

Cet article a été corédigé avec l'aide de Holly Anderson, stagiaire.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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