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24 November 2022

Le gouvernement canadien interdit aux non-Canadiens d'acheter un immeuble résidentiel pour une période de deux ans

Le gouvernement du Canada a récemment adopté la Loi sur l'interdiction d'achat d'immeubles résidentiels par des non-Canadiens (la « loi »).
Canada Real Estate and Construction

Le gouvernement du Canada a récemment adopté la Loi sur l'interdiction d'achat d'immeubles résidentiels par des non-Canadiens (la « loi »). Cette loi, qui entrera en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2023, interdit aux non-Canadiens d'acheter (directement ou indirectement) des immeubles résidentiels au Canada pendant une période de deux ans1. La loi énonce l'interdiction générale, mais les dispositions définitives de ce régime législatif n'ont pas encore été déterminées. Le gouvernement devrait apporter des précisions à ce sujet dans le règlement d'application (le « règlement d'application ») qui suivra dans les mois à venir.

Interdiction d'achat d'immeubles résidentiels par des non-Canadiens

Le paragraphe 4(1) constitue la principale disposition en vigueur de la loi, qui interdit aux non-Canadiens d'acheter, directement ou indirectement, un immeuble résidentiel.

Un « non-Canadien » est défini comme suit :

  1. un individu qui n'est pas un citoyen canadien, un résident permanent du Canada ou qui n'est pas inscrit à titre d'Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens;
  2. une société qui n'est pas constituée par une loi fédérale ou provinciale;
  3. une société privée constituée au Canada, mais contrôlée par une personne visée aux alinéas a) ou b) ci-dessus; et
  4. toute personne ou entité visée par règlement qui figure dans le règlement d'application.

Au sens de la loi, un « immeuble résidentiel » comprend tout immeuble situé au Canada et qui est :

  1. une maison individuelle ou un bâtiment similaire, comprenant au plus trois locaux d'habitation;
  2. une partie d'un bâtiment qui constitue une maison jumelée ou en rangée, un logement en copropriété ou un local semblable qui est une parcelle séparée des autres parties du bâtiment;
  3. tout autre type d'immeuble visé par le règlement d'application.

L'interdiction ne s'applique pas aux conventions d'achat-vente qui sont conclues ou dont la responsabilité est assumée avant le 1ᵉʳ janvier 2023, sous réserve que le non-Canadien devienne responsable ou assume la responsabilité aux termes de la convention avant cette date2.

Exceptions prévues

Le paragraphe 4(2) de la loi restreint la portée de l'interdiction en prévoyant un certain nombre d'exceptions pour les catégories de personnes suivantes :

  1. le résident temporaire, au sens de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui satisfait aux conditions prévues par le règlement d'application;
  2. le réfugié;
  3. l'individu qui est un non-Canadien et qui fait l'achat d'un immeuble résidentiel avec son époux ou conjoint de fait, si l'époux ou le conjoint de fait est un citoyen canadien, un résident permanent du Canada, une personne inscrite à titre d'Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens ou une personne visée aux alinéas a) ou b);
  4. la personne ou une catégorie de personnes visées, comme le prévoit le règlement d'application.

Le règlement d'application

Le règlement d'application vise à fournir des détails supplémentaires sur la portée et l'application de l'interdiction et devrait être similaire, sur le plan du contenu et de l'approche, à un document de consultation récemment publié (le « document de consultation »). Le document de consultation indique que le règlement d'application apportera des précisions sur :

  • la définition de certains termes, notamment « non-Canadien », « achat » et « contrôle » relativement à l'interdiction;
  • les exceptions supplémentaires dont peuvent bénéficier les non-Canadiens et les conditions précises selon lesquelles ils peuvent être exemptés de l'interdiction; et
  • le traitement de certains types d'immeubles résidentiels.

a. Définition de « non-Canadien », « achat » et « contrôle »

Le règlement d'application devrait définir la terminologie utilisée dans la loi et pourrait en élargir la portée. Le document de consultation indique que l'objectif de la politique est d'« établir une définition globale de l'achat », qui reconnaît que les non-Canadiens peuvent acheter des immeubles résidentiels indirectement au moyen de différents types d'instruments de placement. En conséquence, le document de consultation propose ce qui suit :

  • (i) élargir la définition de « non-Canadien » afin d'inclure toute société de personnes, fiducie ou association non constituée en personne morale formée à l'extérieur du Canada, ainsi que toute société de personnes, fiducie ou association non constituée en personne morale formée au Canada, mais contrôlée par un non-Canadien;
  • (ii) définir le terme « achat » afin qu'il désigne « acquérir ou consentir, conditionnellement ou inconditionnellement, un intérêt légal ou equitable interest ou un droit réel immobilier dans un bien résidentiel ».

Le document de consultation propose qu'un « achat » ne comprenne pas : (i) l'acquisition découlant d'une succession; (ii) l'acquisition découlant d'un divorce ou d'une séparation; (iii) la location d'un logement résidentiel; (iv) le transfert en vertu des modalités d'une fiducie créée avant l'entrée en vigueur de la loi; et (v) une ordonnance de saisie, à condition que cette ordonnance soit enregistrée avant l'entrée en vigueur de l'interdiction.

Le document de consultation propose également de définir le terme « contrôle » afin qu'il désigne : (i) la propriété directe ou indirecte d'actions ou d'intérêts dans la société représentant 3 pour cent ou plus de la valeur des capitaux propres ou des droits de vote; ou (ii) le contrôle de fait, par la propriété, convention ou autrement. Si ce qui précède est mis en Suvre, cela signifie qu'une société privée canadienne sera réputée être « non canadienne » en vertu de la loi si elle compte parmi ses actionnaires une société étrangère ou un particulier qui n'est pas un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada et qui détient, directement ou indirectement, des actions ou une participation atteignant ce seuil.

b. Autres exceptions pour les non-Canadiens

Le règlement d'application devrait clarifier les conditions qu'un non-Canadien doit remplir pour bénéficier d'une exception et préciser certaines catégories de personnes prescrites auxquelles l'interdiction ne s'applique pas. Le gouvernement s'est engagé à accorder une exception aux étudiants étrangers, aux ressortissants étrangers titulaires d'un permis de travail et aux réfugiés. Le document de consultation mentionne en outre qu'il y aura probablement une exception pour les diplomates, les employés consulaires et les employés d'organisations internationales qui satisfont aux critères énoncés dans le règlement d'application.

c. Propriétés récréatives et terrains vacants

Le document de consultation indique que le traitement de certains types d'immeubles résidentiels sera clarifié dans le règlement d'application. Par exemple, le gouvernement s'est engagé à accorder une exception pour les propriétés récréatives, un terme que le règlement d'application devrait définir. Le document de consultation propose de définir une propriété récréative comme étant un immeuble résidentiel qui « ne se [trouve] pas dans une région métropolitaine de recensement ou une agglomération de recensement ».

Le gouvernement étudie également la question de savoir si l'interdiction d'acheter des « immeubles résidentiels » par des non-Canadiens devrait inclure les terrains vacants qui ont été zonés à des fins résidentielles ou à usage mixte et qui se trouvent dans une région métropolitaine de recensement ou une agglomération de recensement.

Sanctions et dispositions d'application

En vertu du paragraphe 6(1), quiconque contrevient à la loi, ou « conseille, incite, aide ou encourage » quelqu'un à contrevenir à la loi, ou tente de le faire, est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de dix mille dollars.

Si l'auteur de l'infraction est une société, les dirigeants, les administrateurs, les mandataires ou autre particulier autorisé qui « l'ont ordonnée ou autorisée, ou y ont consenti ou participé », sont également considérés comme des coauteurs de l'infraction et peuvent être tenus également responsables, que la société ait été ou non poursuivie.

Fait à noter, la loi précise que la vente d'un immeuble résidentiel à un non-Canadien en violation de la loi demeure juridiquement contraignante3. Toutefois, un tribunal peut ordonner la vente d'un immeuble résidentiel qui a été acheté par un non-Canadien en violation de la loi et le non-Canadien ne peut recevoir plus que ce qui a été payé pour l'immeuble4.

Incidences pratiques de la loi

Compte tenu de la vaste portée des dispositions relatives aux sanctions prévues par la loi, les personnes impliquées dans le secteur immobilier doivent faire preuve de diligence lorsqu'elles interviennent dans l'achat et la vente d'immeubles résidentiels. Outre l'acheteur lui-même, la loi pénalise quiconque aide ou encourage à contrevenir à la loi. Par conséquent, les notaires, les avocats, les courtiers hypothécaires et les agents immobiliers pourraient être tenus responsables s'ils intervenaient sciemment dans le cadre d'une opération contraire à la loi.

Il serait judicieux de prévoir des dispositions dans les conventions d'achat afin que les intervenants dans la vente d'immeubles résidentiels puissent se protéger contre toute responsabilité. Ces dispositions de protection pourraient comprendre des déclarations et des garanties des acquéreurs confirmant que l'acheteur n'est pas un non-Canadien aux termes de la loi et/ou des restrictions sur la cession à des non-Canadiens. Des demandes de renseignements raisonnables devraient également être effectuées aux fins de déterminer si un acquéreur est considéré comme un non-Canadien au sens de la loi.

De plus, la loi pourrait causer des enjeux aux promoteurs immobiliers dont certains investisseurs sont étrangers et qui sont visés par la définition de non-Canadien, puisqu'il n'est pas clairement établi à l'heure actuelle si l'interdiction visera les terrains vacants qui ont été zonés à des fins résidentielles ou à usage mixte.

Malgré les dispositions relatives aux sanctions, la loi ne met pas en cause la validité ni le caractère exécutoire des conventions d'achat-vente qui contreviennent à l'interdiction. Cela signifie que les vendeurs et les acquéreurs continueront d'être légalement liés par les conventions qui enfreignent l'interdiction, sous réserve de toute disposition de protection contraire prévue dans le règlement d'application.

Prochaines étapes

Il reste à voir comment le gouvernement élaborera et mettra en Suvre le cadre réglementaire proposé. Au fur et à mesure que de plus amples renseignements seront accessibles, les acteurs du secteur immobilier devraient faire preuve de diligence afin de s'assurer qu'ils ne contreviennent pas à la loi et prendre les mesures de protection appropriées lorsqu'il s'agit d'immeubles résidentiels.

Footnotes

1. Loi no 1 d'exécution du budget de 2022, L.C. 2022, ch. 10, art. 236 et par. 237(2).

2. Se reporter à la loi, par. 4(5).

3. Se reporter à la loi, art. 5.

4. Se reporter à la loi, par. 7(1) et 8(2).

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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