Le 7 mai 2020, le Tribunal administratif du travail (le TAT), dans l'affaire Gendarmerie Royale du Canada et De L'Étoile1 (l'affaire De L'Étoile), rendait une décision très attendue sur l'application du privilège relatif au litige dans le cas du rapport d'un médecin expert choisi par un employeur afin d'évaluer la condition médicale d'un travailleur dans le cadre d'une contestation d'une lésion professionnelle.

Cette décision fait suite à un arrêt de la Cour d'appel rendu en juillet 2019, dans lequel la Cour renvoyait l'affaire au TAT pour que ce dernier se prononce sur la question de savoir si la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles2 (la LATMP) permet d'écarter le privilège relatif au litige ou crée une exception à ce privilège dans le cas d'un rapport obtenu à la suite de l'examen médical d'un travailleur. Nous avions d'ailleurs publié un billet à cet égard résumant le privilège relatif au litige ainsi que les conclusions de la Cour d'appel.

Bref retour sur les faits

Dans le cadre d'une contestation d'une lésion professionnelle d'une travailleuse, l'employeur avait convoqué cette dernière à une expertise médicale. Par la suite, après avoir obtenu le rapport médical préparé à cette occasion, il avait informé le TAT qu'il n'entendait pas produire ce rapport en preuve et, en conséquence, en remettre une copie à la travailleuse.

Dans ce contexte, la travailleuse avait subséquemment demandé la production de ce rapport médical ainsi que son dépôt au dossier, ce que l'employeur, invoquant le privilège relatif au litige, avait refusé.

Conclusions du TAT

Le TAT ordonne à l'employeur de produire le rapport d'expertise demandé par la travailleuse.

Reprenant les propos de la Cour d'appel, le TAT souligne entre autres que la LATMP est une loi d'ordre public de nature remédiatrice à vocation hautement sociale, laquelle impose au TAT un devoir de juste indemnisation3.

De l'avis du TAT, considérant ces particularités de même que les dispositions de la LATMP exigeant, dans certains cas, la communication de rapports obtenus dans le cadre de la procédure d'évaluation médicale, il y a lieu de reconnaître une nouvelle exception au privilège relatif au litige dans le cas d'un rapport obtenu à la suite de l'examen médical d'un travailleur.

Cette nouvelle exception reconnue par le TAT dans sa décision se fonde donc sur l'objet et l'économie de la LATMP. Elle s'applique tant aux rapports obtenus dans le cadre de la procédure d'évaluation médicale prévue à la LATMP qu'aux rapports d'expertise obtenus, non pas en application de la LATMP, mais plutôt à la demande d'un employeur dans le contexte d'une contestation d'une lésion professionnelle fondée sur cette loi.

À retenir

En somme, l'affaire De L'Étoile vient reconnaître une nouvelle exception au privilège relatif au litige relativement à un rapport médical d'un travailleur, peu importe que ce rapport soit obtenu dans le cadre de la procédure médicale prévue à la LATMP ou à la demande de l'employeur dans le cadre d'une contestation d'une lésion professionnelle fondée sur cette loi.

Pour les employeurs québécois, cela implique qu'il faudra dorénavant bien évaluer la décision de soumettre un travailleur à une expertise médicale ainsi que le choix d'expert, puisque le travailleur pourrait par la suite demander la production de ce rapport médical dans le cadre d'un litige en invoquant la décision rendue par le TAT. Il nous faut souligner que l'affaire De L'Étoile s'inscrit toutefois dans un contexte bien particulier et que cette nouvelle exception reconnue par le TAT ne doit pas être considérée, pour l'instant, comme pouvant être exportée à d'autres litiges que ceux instruits en vertu de la LATMP.

À noter que cette saga judiciaire n'est toujours pas terminée, puisqu'une demande en révision de cette décision du TAT a été déposée le 29 juillet dernier. Nous vous tiendrons évidemment informés de tout développement à venir dans le cadre de ce dossier.

Les auteurs tiennent à remercier Florence Picard, étudiante en droit, pour son aide dans la rédaction de cet article.

Footnotes

1. Gendarmerie royale du Canada et De L'Étoile, 2020 QCTAT 1981.

2. RLRQ c. A-3.001.

3. Préc., note 1, par. 41.


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