Le 29 janvier 2018, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement dans l'affaire Thermolec ltée c. Stelpro Design Inc., octroyant à la demanderesse Thermolec une injonction interlocutoire dans le cadre d'une action pour contrefaçon de son brevet portant sur un système breveté de chauffage à air, et ce, sans analyse approfondie de la question du préjudice irréparable (qui doit être prouvé pour obtenir une telle injonction) et sans preuve d'expert sur la question.

Pour les praticiens (et férus!) du droit des brevets, la phrase ci-dessus a certainement de quoi surprendre. Il faut noter tout d'abord que dans la majorité des cas, les actions portant sur la contrefaçon et la validité des brevets (qui vont souvent de pair), sont instituées en Cour fédérale et non pas dans une cour provinciale comme la Cour supérieure du Québec, car seule la Cour fédérale possède la juridiction d'émettre une ordonnance d'invalidité du brevet in rem (soit à l'encontre de tous).

Par ailleurs, et c'est surtout pour cette raison que la décision Thermolec revêt une telle importance, il est bien connu qu'obtenir une injonction dans un tel contexte en Cour fédérale est une tâche extrêmement ardue. Ceci est notamment en raison de la nécessité de démontrer qu'en l'absence d'une telle injonction temporaire empêchant la partie alléguée contrefaire un brevet de commercialiser les produits soi-disant contrefacteurs jusqu'au procès, la partie demanderesse subirait un préjudice impossible à quantifier en dommages-intérêts et qui est donc par sa nature même irréparable. Un débat approfondi sur des questions de projections économiques et de quantifications de parts de marché alléguées perdues a donc souvent lieu lorsqu'une partie tente d'obtenir un tel remède exceptionnel, menant à un échange de volumineux rapports d'experts et un quasi-procès sur cette seule question.

La Cour supérieure toutefois, par le biais de la décision Thermolec et ce qui appert maintenant être une lignée croissante de jurisprudence provinciale québécoise sur la question, semble avoir adopté une approche bien différente à ce débat. Bien que les exigences nécessaires afin d'obtenir une injonction interlocutoire sont les mêmes en Cour fédérale qu'en Cour supérieure (le test applicable étant défini par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt RJR-MacDonald), la Cour supérieure a ici émis l'injonction en assumant que si le brevet était effectivement contrefait, tel qu'allégué par la partie demanderesse, alors dans un tel cas il pourrait nécessairement y avoir perte de chiffre d'affaires, d'achalandage et de parts de marché du breveté pendant la période où des produits contrefaisants se retrouvent sur le marché avant le procès. Aucune preuve d'expert sur le préjudice économique allégué ou l'ampleur des pertes de parts de marché déclarées n'a été consultée par la Cour pour en venir à une telle conclusion.

À la lumière de ce dénouement particulier, il appert à première vue que des brevetés voulant obtenir une injonction interlocutoire selon cette approche simplifiée pourront donc sérieusement considérer la Cour supérieure comme forum pour ce faire. Toutefois plusieurs considérations additionnelles s'imposent, que nous avons décrites en partie dans un billet plus détaillé sur cette décision (en anglais) au lien suivant.


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