Lors de notre récente tournée Perspectives fiscales de McCarthy Tétrault, des membres du groupe national de droit fiscal de McCarthy Tétrault ont animé une discussion pratique sur l'évolution du paysage fiscal législatif et judiciaire au Canada et ont offert aux participants une perspective stratégique et des conseils pratiques.
La tournée d'avril 2025 comprenait trois présentations particulièrement intéressantes dans le contexte international actuel des affaires : (i) certains sujets concernent les fusions et acquisitions (« F&A ») avec expansion vers les États-Unis, (ii) la migration d'entreprise, et (iii) l'actualité de la jurisprudence récente des tribunaux fédéraux et provinciaux du Canada.
Expansion vers les États-Unis ꟷ Sujets choisis relatifs aux F&A vers le sud de la frontière, Drew Morier et Jeremy Ho
Drew Morier et Jeremy Ho ont commencé par rappeler les considérations pertinentes dont les entreprises canadiennes qui envisagent une expansion aux États-Unis doivent tenir compte. Les principaux éléments à prendre en compte sont les suivants :
1. Choix de la structure d'entreprise
Les entreprises canadiennes qui prennent de l'expansion aux États-Unis utilisent généralement une société holding américaine, qui est généralement une société de type « C corporation » ou une autre entité fiscalement opaque, plutôt qu'une entité de type « limited liability company » (« LLC ») fiscalement transparente. Bien que les LLC fiscalement transparentes soient couramment utilisées aux États-Unis, elles peuvent poser des problèmes du point de vue de l'impôt sur le revenu canadien en raison de leur traitement hybride. Aux fins de l'impôt sur le revenu canadien, une LLC est traitée comme une société par actions, alors qu'aux fins de l'impôt sur le revenu américain, une LLC, en l'absence de production d'un choix de classification de l'entité (connu sous le nom de « check-the-box»), est soit ignorée (si elle a un seul membre), soit traitée comme une société de personnes (si elle a plusieurs associés). En conséquence, un associé résident canadien détenant une participation dans une LLC fiscalement transparente peut être exposé au risque d'avoir une présence imposable aux États-Unis. En outre, dans la mesure où la LLC génère du revenu étranger accumulé, tiré de biens (« REATB ») à inclure dans le revenu de l'associé résident canadien, tout impôt américain payé par l'associé résident canadien au titre des revenus de la LLC ne peut généralement pas être réclamé au titre de l'impôt étranger accumulé. En outre, des questions complexes liées aux traités fiscaux, aux entités hybrides, à la résidence et quant aux comptes de surplus peuvent se poser lorsqu'une LLC fiscalement transparente est utilisée.
2. Considérations relatives au financement
Les entreprises canadiennes doivent tenir compte des conséquences fiscales découlant du recours au financement par emprunt ou par prise de participation au capital, ou une combinaison des deux, pour financer une acquisition aux États-Unis. La combinaison optimale de titres de créance et de capitaux propres dépend de la nature de l'entreprise américaine, des flux de trésorerie prévus, ainsi que des profils fiscaux du groupe américain et de la société mère canadienne. L'investissement par voie de dette peut permettre de déduire les intérêts aux États-Unis et s'avérer particulièrement utile si la société mère canadienne dispose de pertes à utiliser pour compenser les revenus en intérêts correspondants. Même si la déduction des intérêts aux États-Unis est limitée ou restreinte en vertu des règles fiscales américaines applicables, l'utilisation de la dette peut toujours être avantageuse en tant que moyen de rapatrier des bénéfices des États-Unis vers le Canada sans subir de retenue à la source sur les dividendes aux États-Unis.
3. Structuration
De nombreuses acquisitions américaines sont structurées comme une transaction sur le capital-actions effectuée au moyen d'une opération de fusion, dans le cadre de laquelle la cible américaine fusionne avec une filiale américaine nouvellement constituée de l'acheteur, les actions de la cible étant notamment converties en un droit à recevoir une contrepartie pour la fusion (généralement, des espèces, des actions de la société mère canadienne, ou une combinaison des deux). D'un point de vue fiscal canadien, il y a généralement peu de différence entre le fait de structurer l'acquisition américaine comme une transaction sur le capital-actions ou comme un achat d'actifs. Pour des raisons non fiscales, il peut être préférable de structurer l'acquisition américaine sous la forme d'une fusion, car cela est plus simple sur le plan de l'approbation des actionnaires. Toutefois, il est important qu'un conseiller fiscal canadien examine la convention de fusion et le plan de fusion, car il existe des aspects importants du point de vue fiscal canadien que les avocats américains ne connaissent pas forcément.
4. Post-clôture
Les considérations courantes après la clôture comprennent la confirmation de l'analyse du statut d'entreprise exploitée activement de la société américaine nouvellement acquise, la confirmation du traitement du revenu américain aux fins des règles canadiennes sur les comptes de surplus et l'identification de toute question relative au REATB ou au prix de transfert. Lorsque les employés fournissent des services de part et d'autre de la frontière, il est important d'examiner les doubles obligations salariales canadiennes et américaines et de déterminer si l'emploi transfrontalier donne lieu à des questions telles que l'exploitation d'une entreprise ou l'existence d'un établissement stable au Canada ou aux États-Unis.
Migration d'entreprise, Brendan Festeryga
Brendan Festeryga a passé en revue les facteurs pertinents de la migration d'entreprise.
1. Raisons de la migration d'entreprise
Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles une société peut prendre des mesures pour réduire ses liens juridiques et économiques avec le Canada et les déplacer vers un territoire étranger, notamment les suivantes.
- Inclusion dans un indice boursier américain. Il peut être avantageux pour une société de faire inscrire ses titres à des indices boursiers afin d'accéder plus facilement aux capitaux, entre autres raisons. Certains grands indices boursiers ne comprennent que des actions américaines. Toutefois, ce qui est considéré comme une action américaine aux fins de l'indice boursier ne correspond pas nécessairement au territoire de constitution ou au domicile fiscal d'une société. Par conséquent, les stratégies de migration, telles que la continuation sous une législation étrangère, peuvent ne pas être nécessaires pour qu'une société soit incluse dans un indice boursier américain.
- Évitement des droits de douane et/ou accès à des territoires à fiscalité réduite. La migration peut permettre à une entreprise d'éviter les droits de douane ou d'obtenir des taux d'imposition moins élevés. Les décideurs d'entreprise doivent garder à l'esprit que les taux tarifaires et les lois relatives à l'imposition des sociétés à l'étranger sont susceptibles de changer.
- Considérations relatives à la Loi sur Investissement Canada. En fonction de la nature des activités de la société, la Loi sur Investissement Canada (Canada) peut limiter le bassin d'investisseurs d'une société, influençant ainsi le désir d'émigrer hors du Canada.
2. Continuation
L'une des méthodes pour mettre en œuvre la migration d'une société est la continuation. Toutefois, la continuation à l'étranger peut entraîner une facture fiscale importante. En vertu du paragraphe 128.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR »), une société est réputée avoir cédé et acquis de nouveau tous ses biens à leur juste valeur marchande immédiatement avant de cesser de résider au Canada, ce qui a pour effet d'imposer tous les gains nets accumulés dans les actifs de la société. En outre, l'article 219.1 de la LIR impose aux sociétés canadiennes un « impôt de départ » égal à 25 % de l'excédent de la juste valeur marchande des biens de la société sur la somme du capital versé au titre de l'ensemble des actions de son capital-actions et de ses dettes immédiatement avant le départ. Cet « impôt de départ » est censé tenir lieu d'impôt de retenue sur les dividendes, et il est possible de bénéficier d'un allègement prévu par un traité fiscal en fonction du pays d'immigration. Ces incidences fiscales signifient que d'autres stratégies de migration peuvent être préférables à une continuation du point de vue fiscal canadien, à moins qu'une société ne dispose de pertes pouvant éponger l'impôt de départ ou que le faible prix de l'action ne rende la continuation opportune.
3. Avenues alternatives à la continuation.
Deux avenues alternatives à la continuation sont apparues sur le marché pour les sociétés qui souhaitent déplacer leurs liens juridiques et économiques hors du Canada : les transactions d'actions échangeables et les F&A avec opération d'inversion. Bien que ces solutions puissent être plus avantageuses sur le plan fiscal que la continuation dans certaines circonstances, chacune d'entre elles présente des complexités :
- Transactions d'actions échangeables. Ces transactions peuvent nécessiter une gestion accrue à l'avenir pour tenir compte des règles relatives aux opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées et de l'impôt de la partie VI.1, ainsi que pour assurer le rapatriement efficace des fonds.
- F&A avec opération d'inversion. Bien que le Canada n'ait pas de « règles anti-inversion », une F&A avec opération d'inversion nécessite une planification minutieuse et la prise en compte de la règle générale anti-évitement (RGAE).
Lorsque l'on envisage une migration d'entreprise, différentes stratégies doivent être étudiées à la lumière des objectifs à atteindre, des risques fiscaux immédiats et de la structure future.
Actualité de la jurisprudence en fiscalité, Dominic Bédard-Lapointe et Almut MacDonald
Dominic Bédard-Lapointe et Almut MacDonald ont conclu les présentations par une mise à jour sur la jurisprudence récente des tribunaux canadiens :
1. La RGAE s'applique aux pertes commerciales dans plusieurs contextes
Dans l'affaire Total Energy c. Canada, 2025 CAF 77 (« Total Energy»), la Cour d'appel fédérale a appliqué largement l'arrêt Deans Knight Income Corporation c. Canada, 2023 CSC 16 (« Deans Knight ») pour conclure qu'une série d'opérations visant la conversion d'une fiducie de revenu contrevenait au par. 111(5) de la LIR. De plus, Total Energy confirme que l'objet, l'esprit et le but du par. 111(5) tels qu'ils sont énoncés dans Deans Knight ne sont pas touchés par les modifications ultérieures à la LIR.
2. Les taux d'intérêt utilisés dans les conventions de consolidation des pertes doivent être raisonnables
Dans l'affaire Brookfield Renewable Power Inc. c. ARQ, 2025 QCCA 234, le contribuable a effectué des opérations de consolidation des pertes en utilisant un taux d'intérêt de 14 % sur un prêt intragroupe. La Cour d'appel du Québec a estimé que, bien qu'il soit possible de conclure un accord de consolidation des pertes au moyen de prêts entre parties liées, (i) des facteurs contextuels doivent être pris en compte pour déterminer si un taux est raisonnable; (ii) le caractère raisonnable d'un taux est une analyse fondée sur les faits avec une norme élevée pour l'intervention en appel; et (iii) 14 % n'était pas un taux raisonnable dans les circonstances.
3. Une renonciation concernant la période normale de nouvelle cotisation en vertu du sous-alinéa 152(4)a)(ii) peut être avantageuse pour les contribuables en leur donnant l'occasion de réduire la portée des questions soulevées dans la nouvelle cotisation
Dans l'affaire Canada c. Csak, 2025 CAF 60 (« Csak»), la date limite pour déposer une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation tombait un jour férié. La Cour canadienne de l'impôt a jugé dans l'affaire Csak c. R., 2024 CCI 9 que l'article 26 de la Loi d'interprétation (Canada) ne s'appliquait pas pour prolonger le délai, car cette disposition ne devrait avoir qu'un effet d'allègement et que les renonciations ne sont pas à l'avantage des contribuables. La Cour d'appel fédérale a infirmé cette décision, estimant que les renonciations présentent un certain nombre d'avantages pour les contribuables, notamment en leur accordant un délai supplémentaire pour présenter des observations, en retardant la nouvelle cotisation et en limitant les questions en litige. L'arrêt Csak rappelle qu'une renonciation concernant la période normale de nouvelle cotisation peut être un outil utile pour limiter le pouvoir étendu du ministre d'avancer d'autres arguments à l'appui d'une nouvelle cotisation.
4. Le mémoire en réponse de la Couronne dans le cadre d'un recours devant la Cour canadienne de l'impôt est limité par la cotisation du vérificateur
Dans l'affaire Uppal Estate c. R., 2025 CCI 34, la Cour canadienne de l'impôt a conclu que la Couronne ne peut invoquer que les pénalités ayant fait l'objet d'une cotisation par le Ministre du Revenu national (le « Ministre ») et qu'il ne peut, comme argument subsidiaire, demander à la Cour d'imposer une pénalité n'ayant pas été imposée par le Ministre. En outre, la Couronne ne peut pas ajouter des hypothèses de fait au stade de l'appel qui sont incompatibles avec l'argument principal invoqué par le Ministre à l'appui de la cotisation. En effet, même si la Couronne peut ajouter des faits supplémentaires pour étayer un argument subsidiaire contradictoire à son argument principal à l'appui de sa cotisation, il lui incombe de les prouver.
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