Le Tribunal administratif du Québec a conclu dans une décision récente qu'un père avait le droit de recevoir, en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (la « LAP »), cinq semaines de prestations de paternité, et ce, même si son conjoint avait déjà reçu lui aussi ces 5 semaines de prestations1.

Dans cette affaire, deux pères ont eu un enfant, conçu dans le contexte d'un contrat avec une mère porteuse conclu dans un état américain, où cela est légal. Les deux pères ont ensuite déposé une demande de prestations de paternité en vertu de la LAP. Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale (le « MTESS ») a accordé la prestation de paternité pour cinq semaines à un des pères, mais a refusé de l'accorder pour l'autre. Le MTESS a justifié cette décision en invoquant le fait que le nombre maximum de semaines de prestations de paternité prévu à la LAP ayant déjà été utilisées par un père, aucune semaine ne pouvait être accordée à l'autre père. Celui-ci a donc contesté cette décision du MTESS devant le Tribunal administratif du Québec.

Le Tribunal indique que pour les parents qui adoptent, la LAP est sans ambiguïté et prévoit que chacun a droit à cinq semaines de prestations à 70 %, qui s'ajoutent aux 32 semaines de prestations partageables.

Le Tribunal a rejeté la position du MTESS, à l'effet que l'article 9 de la LAP fixe une limite incontournable de cinq semaines à 70 %, plus 32 semaines partageables, pour les couples formés de deux pères puisque le fait de ne pas passer par l'adoption aurait un impact négatif sur le nombre de semaines de prestations de paternité. Il précise qu'une famille formée de deux mères dont aucune n'a vécu la grossesse et accouché serait dans la même situation que celle des deux pères.

Selon le juge administratif Jean-Marc Dufour, l'article 9 de la LAP ne dit pas que la prestation de cinq semaines est « exclusive », ni que la prestation de cinq semaines est exclusive à chacun des pères. La LAP a pour but d'assurer un remplacement du revenu à un parent afin de lui permettre d'être proche de son enfant au début de sa vie, car il s'agit d'un moment crucial pour nouer des liens affectifs. Or, la position du MTESS a pour résultat que, dans certains cas, des enfants seraient privés de la présence de l'un de leurs parents, qui devraient travailler puisque ce ne sont pas tous les parents qui peuvent s'absenter du travail pendant 5 semaines sans remplacement de revenu.

Dans les mots du Tribunal, il est « difficile de comprendre pourquoi le législateur serait plus restrictif envers les familles qui ne sont pas passées par l'adoption ».

Le Tribunal conclut que l'article 9 de la LAP doit être interprété de manière large et libérale, et ce, de façon à assurer la cohérence avec l'objectif législatif visant à favoriser la création de liens entre un enfant et son parent dès les premières semaines après sa naissance. Les deux pères ont donc le droit de recevoir la prestation de paternité.

À la lumière de cette décision, de nombreux employeurs devront réviser le texte de leurs conventions collectives afin qu'elles puissent refléter cette interprétation de la LAP. Alors que de nombreuses conventions collectives ne prévoient le droit à des prestations de paternité que pour un seul père, cette décision ouvre la porte à des prestations de congé de paternité pour chacun des pères.

Si vous avez des interrogations à ce sujet, n'hésitez pas à contacter un avocat de notre groupe national de droit du travail et de l'emploi.

Footnote

1 G.D. c Québec (Travail, Emploi et Solidarité sociale), 2022 QCTAQ 11212.

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