Le Parlement semble prêt à lever les restrictions visant les paris sur un seul événement sportif qui s'appliquent depuis longtemps au Canada, ouvrant ainsi la porte aux plateformes de paris sportifs réglementées sur le marché canadien. Deux projets de loi à cette fin - l'un parrainé par le gouvernement et l'autre par l'Opposition officielle - sont actuellement à l'étude à la Chambre des communes. Même si les modifications proposées au Code criminel qui rendraient la réforme possible relèvent de la compétence du Parlement fédéral, le nouveau marché des paris sportifs sera établi et réglementé principalement à l'échelle provinciale.

Contexte

Des formes limitées de paris sportifs sont légales au Canada depuis le début des années 1990, mais les paris sur un seul événement sportif ont continué d'être interdits par l'alinéa 207(4)b) du Code criminel. Toutefois, le 26 novembre 2020, le ministre de la Justice a déposé des modifications législatives au Code criminel dans le projet de loi C-13, qui permettra dans les faits aux provinces de créer une « loterie » autorisant les paris sur un seul événement sportif.1 Le projet de loi C-13 est pour l'essentiel semblable au projet de loi d'initiative parlementaire C-218, qui a été présenté par un député conservateur à la Chambre des communes en février 2020 et qui reste inscrit à l'agenda parlementaire (malgré certaines différences portant principalement sur les courses de chevaux).

L'évolution législative a été semblable aux États-Unis. En mai 2018, la Cour suprême des États-Unis a invalidé la Professional and Amateur Sports Protection Act, donnant à chaque État l'autonomie nécessaire à la réglementation des paris sportifs à l'intérieur de ses frontières. Depuis le prononcé de cette décision, dix-huit États ont adopté une législation visant à légaliser certaines formes de paris sportifs et d'autres États suivront probablement bientôt.2

Potentiel économique

Les besoins des gouvernements du Canada en matière de revenus pendant la pandémie pourraient avoir eu raison de la réticence à légaliser les paris sur un seul événement sportif qui a cours depuis longtemps au Canada (et qui est reflétée par l'échec des projets de loi de ce type au cours des dernières années). Par exemple, dans son budget du 5 novembre 2020, le gouvernement de l'Ontario a mentionné que la réglementation du jeu faisait partie d'un plan qui permettra à la province de se relever de la pandémie de COVID-19.3 Dans cette déclaration, il a également été mentionné que l'Ontario prévoit ouvrir le marché du « jeu sur Internet » au secteur privé, sous la surveillance de la Commission des alcools de l'Ontario, au lieu de maintenir sa dépendance envers un système à exploitant unique régi par la Société des loteries et des jeux de l'Ontario. La Société des loteries de l'Atlantique4 et la British Columbia Lottery Corporation5 ont également formulé des commentaires sur la faisabilité de l'instauration des paris sur un seul événement sportif dans les territoires qu'elles représentent.

La Canadian Gaming Association (la « CGA ») estime que les Canadiens dépensent plus de 14 milliards de dollars par an dans les paris illégaux ou extraterritoriaux sur un seul événement sportif, et ce, comparativement aux quelque 500 millions de dollars dépensés dans les paris effectués par l'intermédiaire des loteries sportives provinciales, comme « Pro-Line » en Ontario.6 En outre, la CGA estime que le marché du jeu sur Internet de l'Ontario, qui est évalué à 547 millions de dollars par an à l'heure actuelle, gonflerait immédiatement à quelque 1,47 milliard de dollars dès sa légalisation.7

Les territoires canadiens cherchent probablement à copier les expériences des États américains qui ont adopté une législation sur les paris sportifs. Par exemple, en Pennsylvanie, un nombre limité de permis sont offerts à des titulaires de permis du secteur privé qui doivent s'engager à payer une somme forfaitaire de 10 millions de dollars et à accepter l'imposition de leurs produits d'exploitation découlant des paris au taux de 36 %. Aux termes de cet arrangement, des paris totalisant plus de 45 milliards de dollars (le montant global parié) ont directement généré quelque 98 millions de dollars de recettes fiscales pour l'État de Pennsylvanie.

Prochaines étapes

La date de la deuxième lecture du projet de loi C-13 doit encore être fixée. Toutefois, le projet de loi C-218 devrait franchir l'étape de la deuxième lecture le 17 février 2021. Il semble que les trois principaux partis de l'opposition soutiennent le projet de loi C-218, ce qui pourrait lui assurer suffisamment de soutien pour être présenté au Comité de la justice et, par la suite, franchir l'étape de la troisième lecture. Il devra ensuite suivre un processus semblable au Sénat avant son adoption. Cependant, quel que soit le projet de loi qui l'emportera, la légalisation des paris sur un seul événement sportif, qui recueille l'adhésion et le soutien croissants du Parlement, semble être acquise. Il reste à savoir quand l'un ou l'autre des projets de loi sera adopté.

Nous continuerons à suivre et à analyser l'évolution des projets de loi C-13 et C-218 et la légalisation des paris sur un seul événement sportif.

L'auteur aimerait remercier William Quaglietta, stagiaire en droit, qui a contribué à la rédaction de ce billet.

Footnotes

1 « Le gouvernement fédéral dépose un projet de loi visant à décriminaliser les paris sur un seul événement sportif au Canada, soutenant le marché de l'emploi » (ministère de la Justice Canada, 26 novembre 2020).

2 Rodenberg, Ryan « United States of sports betting » (ESPN, 3 novembre 2020).

3 « Budget de l'Ontario 2020 - Plan d'action de l'Ontario » (imprimeur de la Reine pour l'Ontario, 2020).

4 Campbell, Kerry « Atlantic Lotto ready to score should Ottawa allow single-event sports betting » (CBC News, 11 décembre 2020).

5 Fletcher, Robert « BCLC urges government to pass single-even betting amendment » (iGB North America, 2 février 2021). 

6 Mergulhao, Sandra « Online gambling firms expect Ontario to lift key operator ban » (Bloomberg News, 2 novembre 2020).

7 « Canadian Gaming Association urges quick action on legislation for sports betting » (Canadian Gaming Association, 3 novembre 2020).

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.