Le 10 juin 2020, la Cour supérieure du Québec, sous la plume de l'honorable Nicole Tremblay, j.c.s., rendait jugement dans l'affaire Khalil c. Ressources Robex inc.1, dans laquelle elle était appelée à se prononcer sur le processus d'enquête et le pouvoir d'un inspecteur comme le prévoit la Loi sur les sociétés par actions2 (ci-après la « LSA »). Plus spécifiquement la Cour a eu à se prononcer sur une demande formulée par le demandeur, M. Richard Khalil (ci-après, « Khalil »), visant à poser des questions additionnelles à l'enquêteur saisi du dossier en vertu de la LSA après que son rapport d'enquête eût été rendu.

Ce jugement met en lumière l'importance de prévoir qu'une situation éventuelle pourrait faire en sorte qu'il soit nécessaire de poser des questions additionnelles à un inspecteur suivant la transmission de son rapport final.

Faits en litige

Les faits au centre de cette affaire peuvent être résumés comme suit. Khalil, en tant que représentant et mandataire de détenteurs inscrits ou de bénéficiaires, anciens ou actuels de valeurs mobilières de la société défenderesse Ressources Robex Inc. (ci-après « Robex »), a introduit une demande afin de nommer un enquêteur pour identifier, vérifier, enquêter et documenter toutes décisions des dirigeants et du conseil d'administration impliquant certains acteurs et toutes sociétés leur étant liées, relativement à trois (3) ensembles de circonstances distincts selon les articles 421 et suivants de la LSA (ci-après, la « Demande d'enquête »)3.

Le 24 septembre 2019, la juge Tremblay, qui avait aussi été initialement saisie de la Demande d'enquête, tranchait en faveur de Khalil et ordonnait la tenue d'une enquête à l'égard des affaires de Robex, tout en nommant Martin Poirier (ci-après « Poirier ») comme enquêteur pour mener à bien cette mission, comme prévu aux articles 421 et suivants de la LSA (ci-après, le « Jugement d'enquête »)4.

Dans le Jugement d'enquête, la Cour prévoyait alors dans ses conclusions que l'inspecteur Poirier pourrait uniquement retourner devant le Tribunal à deux éventualités : (i) afin d'obtenir l'autorisation d'excéder son budget et/ou (ii) pour obtenir des instructions relativement à toutes questions ou matières relevant de l'enquête ou de l'ordonnance5.

Suivant la transmission par l'inspecteur Poirier de son rapport d'enquête final et des pièces à son soutien à Khalil et Robex, Khalil souhaite obtenir des réponses plus précises de l'inspecteur sur certains items précis inclus dans son rapport. Par conséquent, Khalil s'adresse de nouveau à la Cour supérieure afin de demander qu'il soit ordonné à Poirier de répondre à cinq (5) questions additionnelles6. Robex, quant à elle, considère le rapport de l'inspecteur comme étant final et s'oppose à toute question additionnelle qui vise essentiellement à obtenir de la preuve documentaire au soutien de faits relatés dans le rapport d'enquête.

Décision

Partant de la prémisse que le Jugement d'enquête a l'autorité de la chose jugée et que la Cour supérieure, sur la base du principe functus officio, ne peut rendre une ordonnance additionnelle qui remet en cause ce dernier, la juge Tremblay refuse de donner droit à la demande de Khalil.

Selon la Cour, l'inspecteur ne peut exercer que les pouvoirs qui lui sont conférés par l'ordonnance ou par la loi, aucun d'eux ne prévoyant l'autorisation pour Poirier de répondre à des questions additionnelles s'apparentant plutôt à un complément d'enquête7.

La demande de Khalil ne vise pas à corriger une erreur dans la rédaction du Jugement d'enquête ou dans l'expression de l'intention du décideur, les seules exceptions permettant la modification d'un jugement passé en force de chose jugée. En effet, la demande vise plutôt à obtenir une nouvelle ordonnance qui ferait en sorte de modifier le Jugement d'enquête. Cette dernière éventualité n'est aucunement prévue aux conclusions du Jugement d'enquête. Par conséquent, la Cour supérieure a épuisé sa juridiction sur cette matière et ne peut se saisir à nouveau de l'affaire pour revenir sur ses conclusions ou pour en ajouter des nouvelles8.

Au vu des motifs qui précèdent, la Cour supérieure rejette la demande de Khalil d'obtenir une autorisation pour poser des questions supplémentaires à Poirier.

Conclusion

Ce jugement rappelle que l'approche qui devrait être préconisée lors de la formulation d'une demande d'enquête en vertu de la LSA par un demandeur en est une de précaution accrue. Ultimement, une demande formulée de manière trop limitative et / ou omettant certaines conclusions au stade préliminaire pourraient empêcher un demandeur d'obtenir des précisions sur un rapport d'enquête dans son dossier.

Une demande d'enquête formulée en vertu des articles 421 de la LSA devrait donc notamment tenir compte à l'avance qu'une situation éventuelle puisse faire en sorte qu'il soit nécessaire de poser des questions additionnelles ou de demander un complément d'enquête à un inspecteur suivant la transmission de son rapport final et prévoir une réserve à cet égard, si la situation le requiert.

Footnotes

1 2020 QCCS 1834 (ci-après, « Ressources Robex »).

2 RLRQ, c.S-31.1 (ci-après, la « LSA »).

3 Ressources Robex, para. 4.

4 Ressources Robex, paras. 2-3.

5 Ressources Robex, para. 6.

6 Ressources Robex, paras. 9-12.

7 Ressources Robex, paras. 15-17.

8 Ressources Robex, para. 18-23.

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