Le budget fédéral de 2024 et les avant-projets de lois ouvrent la voie à de nouveaux modèles d'entreprises dirigées par les employés, grâce aux coopératives de travailleurs.
La planification des successions est devenue plus flexible et potentiellement plus lucrative.
Alors qu'une grande partie du budget 2024 a été largement concentrée sur les fiducies collectives des employés (« FCE »), une autre mesure, moins connue, pourrait également procurer des avantages fiscaux (en anglais) comparables grâce à un autre modèle fondé sur la détention d'actions par les employés : la société coopérative de travailleurs (« SCT »).
Depuis la publication du projet de loi en août 2024, les propriétaires d'entreprise ont accès à l'exonération des gains en capital à hauteur de 10 M$ lorsqu'ils vendent leur entreprise à une SCT, sous réserve du respect de conditions strictes. Le présent article vous propose un éclairage sur le fonctionnement des SCT, leur comparaison avec les FCE et les conditions à remplir pour pouvoir être admissible à cette nouvelle mesure fiscale.
Qu'est-ce qu'une société coopérative de travailleurs?
La société coopérative de travailleurs repose sur un modèle dans lequel les employés détiennent et administrent collectivement l'entreprise. À la différence des FCE, les SCT sont guidées par des principes démocratiques : chaque employé participe activement aux processus décisionnels et à la gouvernance et dispose d'un droit de vote égal. Ce modèle d'entreprise établit un lien direct entre les membres et la propriété, chaque employé détenant des actions de la SCT.
Au Canada, les coopératives de travailleurs sont encadrées à la fois par des lois fédérales et par des lois provinciales. À l'échelon fédéral, la Loi canadienne sur les coopératives (la « LCC ») s'applique aux coopératives qui exercent leurs activités dans plusieurs provinces. À l'échelon provincial, chaque territoire de compétence peut établir son propre cadre législatif pour encadrer les coopératives. Par exemple, en Alberta, la Alberta Cooperatives Act (l'« ACA ») s'applique aux coopératives établies dans cette province.
La LCC prévoit que chaque membre doit détenir un nombre minimal de parts d'actions, selon ce qui est défini dans les statuts de la coopérative. Ces parts d'actions garantissent à chaque membre des droits équivalents, notamment en matière de perception de dividendes et de partage des biens en cas de dissolution.
L'ACA prévoit des dispositions précises en matière d'adhésion, exigeant qu'au moins 80 % des membres soient des employés permanents ou des sous-traitants de la coopérative. Même si l'ACA autorise l'embauche d'employés non membres, la coopérative doit toutefois, dans un délai de cinq ans suivant sa constitution ou l'acquisition d'une entreprise, compter au moins 75 % de membres parmi ses employés permanents ou sous-traitants.
Atouts des coopératives de travailleurs
- Contrôle démocratique. La participation directe des employés aux décisions de l'entreprise favorise une culture de transparence et de partage des responsabilités.
- Répartition équitable des bénéfices. Les bénéfices sont répartis équitablement entre les membres.
- Sécurité d'emploi et stabilité professionnelle. Les SCT mettent l'accent sur la pérennité, offrant ainsi aux employés une meilleure sécurité d'emploi.
Comparaison entre les FCE et les coopératives de travailleurs
Les FCE et les WCC partagent l'objectif de favoriser la détention d'actions par les employés. Toutefois, elles se distinguent sur plusieurs points essentiels, notamment la gouvernance et la structure de propriété. Les FCE permettent aux fiduciaires de détenir des actions en fiducie pour le compte des employés, offrant ainsi à ces derniers une propriété indirecte dont la gestion est assurée par des fiduciaires, tandis que les SCT donnent une propriété directe aux employés, avec un droit de décision égal pour chacun, selon le principe d'« un membre, une voix ».
La manière dont les bénéfices sont répartis diffère selon le modèle. Dans une FCE, les employés ont souvent droit à des primes de rendement, tandis que dans une SCT, la répartition des bénéfices entre les membres se fait en fonction de leur rémunération ou de leur apport professionnel. De plus, les FCE sont dirigées par un conseil de fiduciaires axé sur la continuité des activités de l'entreprise, alors que les SCT permettent aux employés de participer activement à la gouvernance.
SCT ou FCE? Quel modèle convient le mieux à votre entreprise?
Les FCE constituent une solution idéale pour les chefs d'entreprise qui cherchent à assurer une relève stable, à offrir des avantages à long terme aux employés sans exiger d'investissement direct en actions. Ce modèle fiscalement avantageux permet de préserver la culture d'entreprise et favorise une transition sans heurt tout en allégeant les responsabilités de gouvernance pour les employés, un choix pertinent pour les entreprises bien établies qui privilégient la pérennité et la stabilité financière.
En revanche, les SCT conviennent mieux aux entreprises qui privilégient un milieu de travail démocratique, une répartition équitable des bénéfices et une gouvernance participative. Ce modèle est particulièrement adapté pour les entreprises en démarrage, les entreprises à vocation sociale ou les entreprises dans lesquelles les employés s'investissent dans la propriété et dans la gestion. Ce modèle confère aux employés un pouvoir décisionnel direct et convient aux entreprises qui valorisent l'engagement et la responsabilité partagée.
Critères d'admissibilité à l'exonération des gains en capital à hauteur de 10 M$
Pour avoir accès aux avantages fiscaux évoqués précédemment, le transfert de l'entreprise doit s'effectuer dans le cadre d'une « conversion admissible de coopérative », c'est-à-dire un transfert d'actions d'une société remplaçante à une SCT répondant à des critères précis :
- La SCT doit résider au Canada.
- La SCT doit être constituée en vertu d'une loi fédérale ou provinciale qui prévoit la création de ce modèle de société.
- La SCT doit avoir été créée dans l'objectif de procurer des emplois à ses membres.
- La SCT doit s'assurer qu'au moins 75 % de ses employés (autres que ceux en période de probation d'une durée maximale de 12 mois) doivent détenir une part sociale de la SCT.
- Chaque part sociale initialement attribuée à un
employé doit être :
- émise contre un montant nominal uniforme, identique pour tous les membres;
- doit être offerte à chaque employé à l'issue de sa période de probation d'une durée maximale de 12 mois.
- Au moins un tiers des sièges au conseil d'administration de la SCT doivent être occupés par des travailleurs admissibles d'une coopérative.
- Un maximum de 40 % des administrateurs de la SCT doit être des personnes ayant détenu 50 % ou plus de participation dans la société remplaçante ou de la dette de celle-ci.
- Les statuts de la SCT doivent prévoir un mécanisme d'attribution, de crédit ou de distribution des excédents, selon lequel au moins 50 % de ces bénéfices doivent être attribués aux membres admissibles en proportion de leur rémunération ou du travail fourni au sein de la coopérative.
Principaux points à retenir pour les chefs d'entreprise
- Un nouvel avantage fiscal maintenant accessible. Une exonération des gains en capital jusqu'à concurrence de 10 M$ est désormais offerte dans le cadre de la vente d'actions à une SCT, sous réserve de certaines conditions, entre 2024 et 2026.
- Les options de participation des employés au capital sont en pleine expansion. Les SCT proposent une structure de propriété directe et démocratique, par opposition au modèle des FCE davantage centré sur la gestion par des fiduciaires.
- La gouvernance et la culture d'entreprise sont importantes. Les FCE répondent aux besoins des propriétaires d'entreprises qui souhaitent assurer la continuité et une participation sans gestion active, tandis que les SCT conviennent aux entreprises axées sur la participation des employés et sur les valeurs d'équité.
- Les règles d'admissibilité sont strictes. Pour être admissibles, les SCT doivent se conformer à huit critères législatifs détaillés, notamment sur la proportion d'employés membres, la composition du conseil d'administration et les modalités de répartition des bénéfices.
- L'incertitude est à l'horizon, agissez sans tarder. À l'approche des élections fédérales d'avril 2025, l'avenir de ce projet de loi est encore incertain. Les propriétaires d'entreprises envisageant une conversion en SCT gagneraient à consulter le plus rapidement possible des conseillers juridiques et des avocats fiscalistes.
À l'approche des élections fédérales du 28 avril 2025 au Canada, l'incertitude demeure quant à l'adoption ou non du projet de loi sur les SCT. Son adoption permettra d'offrir aux propriétaires d'entreprise une option supplémentaire en matière de succession.
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