Une cour d'appel canadienne a infirmé la décision d'un tribunal inférieur selon laquelle un employeur peut refuser d'embaucher pour un projet de construction un travailleur qui consomme du cannabis à des fins médicales. Dans l'affaire International Brotherhood of Electrical Workers, Local 1620 c. Lower Churchill Transmission Construction Employers' Association Inc. (disponible uniquement en anglais), la Cour d'appel de Terre-Neuve-et-Labrador a récemment conclu que les décisions antérieures n'étaient pas « raisonnables » puisque l'arbitre n'avait pas accommodé le travailleur jusqu'à ce qu'il y ait « contrainte excessive ». Les trois juges ont rédigé des motifs distincts analysant ce qui constitue une contrainte excessive lorsqu'il est question de l'obligation d'accommoder un travailleur qui consomme du cannabis à des fins médicales dans un milieu de travail où la sécurité joue un rôle important.

Les faits

Les faits examinés par l'arbitre ne sont pas contestés. Le plaignant s'est vu refuser un emploi sur un chantier où il aurait participé à la construction de pylônes électriques. Tous les postes étaient considérés comme critiques sur le plan de la sécurité. Lorsqu'il s'est présenté à sa séance de dépistage de drogues avant l'embauche, le plaignant a indiqué qu'il était autorisé à consommer du cannabis à des fins médicales. Il se servait quotidiennement du cannabis pour soulager des douleurs. À la suite du refus de Valard Construction d'embaucher le plaignant, le syndicat a déposé un grief. L'arbitre a déterminé qu'accommoder le plaignant constituerait une contrainte excessive pour l'employeur en raison des risques que cela poserait pour la sécurité du plaignant et des autres travailleurs.

La décision de l'arbitre

L'arbitre a conclu que la consommation de cannabis risquait d'affaiblir les facultés du plaignant lors des travaux de construction. L'arbitre a également estimé que l'incapacité de l'employeur à évaluer et à gérer le risque de blessures constituait une contrainte excessive.

L'arrêt de la Cour d'appel

La Cour d'appel n'a pas souscrit aux propos de l'arbitre.

Même si on a convenu qu'aucune norme scientifique ou médicale ne permettait de déterminer si les facultés du plaignant étaient affaiblies, la juge Walsh a déterminé que ce n'était pas suffisant pour que l'employeur soit déchargé de son obligation. Pour démontrer que prendre des mesures d'accommodement pour le plaignant lui imposerait une contrainte excessive, [traduction] « l'employeur devait démontrer qu'évaluer les facultés du plaignant de façon quotidienne ou périodique par d'autres moyens lui imposerait une contrainte excessive ». La Cour a souligné que l'absence de norme fiable ne signifie pas automatiquement [traduction] « qu'il n'existe aucun moyen de déterminer si un employé qui ingère du cannabis serait incapable d'accomplir une tâche particulière, notamment si celle-ci comporte des risques pour la sécurité ». 

La Cour d'appel n'a pas donné plus de précisions à ce sujet, mais elle a soumis quelques questions rhétoriques :

  • La norme scientifique ou médicale représentait-elle la seule option? Si oui, pourquoi?
  • S'il y avait d'autres options, pourquoi n'ont-elles pas été retenues?
  • Par exemple, a-t-on envisagé d'évaluer les facultés du plaignant avant ses quarts de travail? Cette option a-t-elle été écartée? Si oui, pourquoi?
  • A-t-on discuté avec le syndicat pour trouver et évaluer les différents moyens qui permettraient de déterminer si le plaignant était en mesure de travailler de façon sécuritaire malgré sa consommation de cannabis la veille en soirée?

Dans des motifs qui concordent avec le jugement majoritaire, la juge Butler a rejeté la disposition de la loi applicable en matière de santé et de sécurité au travail interdisant expressément à un employé d'être au travail lorsque sa capacité à travailler de façon sécuritaire est compromise, puisque la législation sur les droits de la personne doit l'emporter sur toutes les autres lois provinciales. La juge Butler n'a toutefois pas expliqué pourquoi les collègues ou les supérieurs d'un travailleur qui est sous l'influence du cannabis dans un milieu de travail dangereux devraient risquer leur santé et leur sécurité pour l'accommoder.

Que devraient faire les employeurs?

Que la décision soit maintenue, portée en appel ou renvoyée à l'arbitrage, on ne peut l'ignorer. Bien que l'obligation d'accommoder jusqu'à ce qu'il y ait contrainte excessive soit fermement établie dans la jurisprudence canadienne en matière d'arbitrage de griefs et de droits de la personne, les employeurs ont du mal à l'appliquer à des cas particuliers.

Les employeurs devraient surtout retenir les points suivants :

  • Alors que l'usage médical du cannabis se répand, les règles sur les déclarations spontanées et les tests de contrôle deviennent des éléments essentiels des politiques sur l'aptitude à travailler.
  • Il est toujours judicieux d'obtenir l'avis et le soutien des syndicats lorsque vient le temps d'élaborer de telles politiques, de les appliquer ou d'offrir des formations à leur sujet.
  • Avant de prendre toute décision qui pourrait avoir une incidence négative sur un employé, l'employeur doit analyser avec attention les mesures d'accommodements possibles.
  • Des mesures d'accommodement personnalisées devraient être envisagées et mises en Suvre conformément aux politiques de l'employeur sur la santé et la sécurité et l'aptitude à travailler.

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