TF 5A_360/2023
Obligation de renseigner pour une banque lors de
l'exécution de la saisie, controverses
jurisprudentielles et doctrinales
[p. 5]
V. entraide internationale
Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise
à offrir, de manière hebdomadaire, un tour
d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal
fédéral dans les principaux domaines
d'activité de l'Etude, soit le droit pénal
économique et le recouvrement d'actifs (asset
recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur
les thématiques suivantes : droit de procédure
pénale, droit pénal économique, droit
international privé, droit de la poursuite et de la
faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_161/2022 du 5 octobre 2023 |
Séquestre de comptes en cas de fraude dans la saisie
(art. 197 CPP, 263 CPP, 163 CP et 70 CP)
- Dans le cadre d'une enquête pénale pour fraude
dans la saisie (art. 163 CP), le Ministère public du canton
de Schwytz a rendu plusieurs ordonnances portant sur la production
de renseignements et de documents bancaires ainsi que sur le
blocage de comptes dont était titulaire le Recourant.
L'autorité cantonale compétente a rejeté
le recours intenté par le Recourant visant à annuler
les ordonnances litigieuse. Il a alors saisi le Tribunal
fédéral.
- En premier lieu, notre Haute Cour a analysé s'il
existait des soupçons suffisants de commission de
l'infraction de fraude dans la saisie (art. 163 CP) afin de
pouvoir prononcer une mesure de contrainte (art. 197 al. 1 let. b
CPP).
- In casu, il était reproché au Recourant
d'avoir communiqué à l'Office des poursuites,
dans le cadre de la saisie, un revenu plus bas que celui figurant
dans sa déclaration fiscale, ainsi que d'avoir tu
l'existence de plusieurs comptes bancaires qui figuraient aussi
dans ladite déclaration (consid. 2.4).
- Le Tribunal fédéral a considéré que
les explications du Recourant concernant l'écart entre
le revenu annuel déclaré fiscalement et le salaire
net mensuel indiqué lors de la saisie ne dissipaient pas
d'emblée les soupçons qui pesaient sur lui. Il
n'a pas non plus été convaincu par les
explications du Recourant concernant les comptes non
communiqués lors de la saisie, soit que certains comptes
contenaient peu d'avoirs ou encore qu'un reçu
faisant référence à l'un des comptes en
question se trouvait dans le dossier de l'Office des
poursuites. Ainsi, l'existence de soupçons suffisants
d'une violation de l'art. 163 CP devait être admise
(consid. 2.5 et 2.6).
- En deuxième lieu, notre Haute Cour a examiné les
conditions régissant le prononcé d'un
séquestre en vue de la confiscation des valeurs
patrimoniales se trouvant sur les comptes bancaires (art. 197 CPP,
art. 263 al. 1 let. d CPP, art. 70 CP).
- In casu, le Tribunal fédéral a
constaté que le produit de l'infraction de fraude dans
la saisie pourrait vraisemblablement être confisqué et
utilisé en faveur du créancier lésé en
cas de condamnation pénale. En effet, pour une
créance de CHF 314'214.-, seul le salaire du Recourant
(CHF 7'317.92) dépassant le minimum vital (CHF
7'021.85) avait été saisi. Le lien de
connexité entre les valeurs patrimoniales
séquestrés et l'infraction faisant l'objet de
l'enquête pénale a donc été admis.
Du reste, puisque le Recourant était titulaire des comptes
bancaires litigieux, il n'y avait pas lieu de faire preuve de
retenue particulière s'agissant du prononcé du
séquestre (consid. 3.2).
- Le Tribunal fédéral a, en outre, souligné
que l'infraction visée était passible d'une
peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une
peine pécuniaire, et que la perte que risquait de subir le
créancier tout comme la somme supposément soustraite
étaient considérables. La gravité de
l'infraction justifiait ainsi les mesures de contrainte prises,
d'autres moins sévères n'étant pas
envisageables (consid. 3.2).
- En troisième lieu, le Recourant reprochait à
l'autorité cantonale d'avoir commis un déni
de justice formel en déclarant partiellement irrecevable son
recours. Le Recourant alléguait en effet pouvoir «
s'opposer» au séquestre de valeurs
patrimoniales appartenant à son fils mineur mais, comme
semble le lui reprocher le Tribunal fédéral, il
n'avait pas recouru au nom de son fils en qualité de
représentant légal. Il en allait de même de
l'argument selon lequel le Recourant aurait détenu, en
qualité de gestionnaire de fortune, les avoirs de ses
clients sur certains comptes séquestrés. A
défaut d'un recours des prétendus
propriétaires ou d'une procuration en faveur du
Recourant, il n'était pas habilité à faire
valoir en son propre nom de prétendus droits de
propriété de tiers (consid. 4).
- Compte tenu de qui précède, le recours a
été rejeté.
TF 1C_380/2023 du 16 octobre 2023 |
Refus d'octroyer l'autorisation de poursuite
pénale contre une Procureure accusée de bris de
scellés (art. 290 CP, art. 7 al. 2 let. b CPP)
- Dans le cadre d'une procédure pénale
dirigée contre C. et D., des documents et une clé USB
ont été saisis lors d'une perquisition dans les
locaux de la Recourante, avant d'être mis sous
scellés. En raison de sa qualité de personne morale,
la Recourante a été exclue de la procédure de
levée des scellés et n'a pas exercé son
droit d'être entendue. Par la suite, elle a
déposé une plainte pénale visant la Procureure
en charge du dossier au motif que, par la poursuite de
l'enquête et l'exploitation des pièces
saisies, la Procureure avait violé l'art. 290 CP
punissant le bris de scellés.
- La Recourante a saisi le Tribunal fédéral
d'un recours contre la décision rendue par
l'Obergericht du canton de Zurich refusant
d'accorder au Ministère public l'autorisation de
poursuivre pénalement la Procureure
dénoncée.
- Conformément à la jurisprudence, un minimum
d'indices d'un comportement pénalement
répréhensible doit être exigé pour
l'octroi d'une autorisation de poursuivre des
fonctionnaires au sens de l'art. 110 al. 3 CP pour des
délits ou des crimes commis dans l'exercice de leurs
fonctions. Toute erreur de l'autorité ne justifie pas
l'obligation d'octroyer l'autorisation de poursuivre
pénalement (consid. 2.2).
- In casu, le Tribunal fédéral a
constaté que, par décision du 26 janvier 2021, le
Tribunal des mesures de contrainte avait approuvé la
levée des scellés. Puis, C. et D. avaient recouru,
sans succès, au Tribunal fédéral. De
l'avis de notre Haute Cour, il n'était pas
critiquable que l'instance précédente ait retenu
que l'on pouvait raisonnablement attendre de C., en tant que
président du conseil d'administration, et de D. en tant
que membre du conseil d'administration, qu'ils fassent part
de leurs préoccupations et objections dans la
procédure de levée des scellés en
qualité de représentants de la Recourante, sachant
que la Recourante devait se voir imputer les connaissances de ses
administrateurs. Le principe de la bonne foi avait donc
été respecté. En ce sens, l'instance
précédente avait conclu à juste titre que la
décision du Tribunal des mesures de contrainte du 26 janvier
2021 était entrée en force. Il en résultait
que l'Obergericht avait, à juste titre,
nié l'existence d'un soupçon de commission
d'une infraction pénale et refusé d'octroyer
l'autorisation de poursuivre (consid. 3).
- Par conséquent, le recours a été
rejeté.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
TF 5A_362/2023 du 28 septembre 2023 |
Privilège des créances des
fondations bancaires reconnues comme institutions de
prévoyance (art. 37a LB)
- SA, Recourante, est une société anonyme inscrite
au Registre de Commerce et des Sociétés du
Grand-Duché de Luxembourg. Son but social est notamment de
faire au Grand-Duché de Luxembourg et à
l'étranger, pour elle ou pour le compte de tiers, toute
opération d'assurance et de réassurance de la
branche « Vie » (opérations d'assurances,
opérations de capitalisation, gestion de fonds collectifs de
retraite) et plus généralement toute opération
financière, mobilière ou immobilière se
rattachant directement à ce but. Elle propose des contrats
d'assurance-vie et est soumise à la surveillance du
Commissariat aux Assurances du Grand-Duché du Luxembourg.
Pour chaque contrat d'assurance-vie conclu, A. SA ouvre un ou
plusieurs comptes individuels auprès d'une banque, afin
d'y laisser en dépôt la prime payée par
l'assuré. Les comptes en question sont ensuite
gérés par un gestionnaire institutionnel, sur la base
d'un contrat discrétionnaire signé avec la
compagnie d'assurance ou par le preneur lui-même,
étant précisé que la banque peut agir comme
gérante, mais que la gestion est aussi parfois
confiée à une autre banque ou encore au client. Dans
la majorité des cas, le gestionnaire institutionnel est la
banque dépositaire elle-même.
- Dans ce cadre, A. SA a ouvert plusieurs comptes auprès
de la banque B. SA, Intimée. En 2014, cette dernière
a été déclarée en faillite. A. SA a
requis le privilège de collocation pour chacun des comptes
ouverts pour ses activités en se prévalant de
l'art. 37a al. 5 LB.
- Le liquidateur a admis partiellement les créances
produites par A. SA en admettant une créance totale de CHF
99'999.98 en deuxième classe, au motif que le titulaire
de plusieurs comptes avait droit au remboursement d'un maximum
de CHF 100'000.- comme dépôt
privilégié, sans égard à la personne de
l'ayant droit économique. A. SA agi contre cette
décision, en vain. Elle a donc saisi le Tribunal
fédéral d'un recours en matière
civile.
- Après avoir rappelé l'historique et le but de
l'art. 37a LB (consid. 4.1.2.1), notre Haute Cour a
rappelé que l'art. 37a al. 1 LB prévoit le
traitement privilégié des dépôts, qui a
augmenté de CHF 30'000.- à CHF 100'000.-. Les
notions de dépôts et déposants
privilégiés sont précisées aux art. 42a
ss OB et 25 OIB-FINMA. En particulier, l'art. 42c al. 2 OB
exclut les intermédiaires financiers ; ils ne
bénéficient d'aucune garantie ni d'aucun
privilège des dépôts en cas de faillite. Son
alinéa 2 let. b et c indique que les entreprises
d'assurance soumises à la LSA et les clients
étrangers soumis à une surveillance prudentielle
comme ces entreprises ne sont pas considérés comme
des déposants privilégiés au sens de
l'art. 37a al. 1 LB. Les apports sont privilégiés
par l'attribution à la deuxième classe des
créances (art. 219 al. 4 let. f LP). Le montant
excédant le montant maximum de CHF 100'000.- n'est
pas privilégié et doit être colloqué en
troisième classe. Sont exclus du privilège les avoirs
dont les ayants droit sont connus de la banque, mais dont la
relation d'affaires n'est pas au nom de ceux-ci. Il
s'agit ainsi d'éviter le risque d'un double
privilège (consid. 4.1.2.2).
- En outre, l'art. 37a al. 5 LB prévoit que les
créances des fondations bancaires reconnues comme
institutions de prévoyance au sens de l'art. 82 LPP
(3epilier) ainsi que les créances des fondations
de libre passage reconnues comme institutions de libre passage au
sens de la LFLP (2e pilier) sont
considérées comme étant celles de chacun des
preneurs de prévoyance ou assurés. Elles sont
privilégiées, indépendamment des autres
dépôts de chacun des preneurs de prévoyance ou
assurés, à concurrence du montant maximal de CHF
100'000.- prévu à l'art. 37a al. 1 LB. Ainsi,
les créances précitées sont
considérées comme des dépôts de chaque
preneur de prévoyance ou assuré lui-même
(consid. 4.1.2.3).
- Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal
fédéral a retenu que les dépôts
effectués en exécution de contrats d'assurance
soumis à un droit étranger n'entraient à
l'évidence pas dans le champ d'application de
l'art. 37a al. 5 LB. Les dépôts
privilégiés par cette norme visaient à
protéger la prévoyance des travailleurs actifs en
Suisse. En outre, s'agissant du 3ème pilier
A, seuls les dépôts effectués en
exécution des conventions conclues avec une fondation
bancaire étaient privilégiés, à
l'exclusion des contrats conclus avec des établissements
d'assurance, dont la protection était assurée par
les règles régissant spécifiquement ceux-ci.
Quant à la question de savoir si la Recourante, qui se
décrivait elle-même comme une assurance
surveillée, entrait dans la catégorie des
déposants privilégiés en vertu de
l'alinéa 1 de cette norme, en lien avec le nouvel art.
42c OB entré en vigueur le 1er janvier 2023 (cf.
consid. 4.1.2.2), elle n'avait pas à être
tranchée in casu, le Tribunal fédéral
ne statuant pas au-delà des conclusions des parties (consid
4.2).
- Dès lors, il fallait confirmer la créance unique
privilégiée en 2e classe de A. SA d'un
montant maximum de CHF 100'000.- et non pas plusieurs
créances correspondant au nombre de comptes ouverts
auprès de B. SA. Partant, le recours a été
rejeté.
TF 5A_360/2023 du 23 octobre 2023 |
Obligation de renseigner pour une banque lors de
l'exécution de la saisie, controverses
jurisprudentielles et doctrinales (art. 91 LP cum art. 163
et 323 CP)
- Lors de l'exécution de la saisie, il existe des
obligations de renseigner tant pour le débiteur que pour
certains tiers (art. 91 LP cum 163 et 323 CP). Dans le
présent arrêt, le Tribunal fédéral a
rappelé que les conditions auxquelles l'office des
poursuites peut interroger une banque sur d'éventuels
biens du débiteur sont controversées
(consid. 3.2).
- En effet, le Tribunal fédéral s'est
penché à plusieurs reprises sur l'obligation de
renseigner des tiers. Selon l'ATF 131 III 660, il ressortait
déjà du libellé de l'art. 91 al. 4 LP que
l'office ne pouvait pas exiger de n'importe quel tiers
qu'il fournisse des renseignements sur les biens du
débiteur : l'obligation de renseigner était
limitée aux tiers qui conservaient des biens du
débiteur ou auprès desquels celui-ci avait des avoirs
(consid. 3.2.2).
- Dans un arrêt de 2022, notre Haute Cour a ajouté
que le tiers n'était tenu de fournir des renseignements
que si, selon les indications du créancier ou du
débiteur ou encore selon la propre perception de
l'office des poursuites, il existait une présomption
fondée que le tiers avait en sa possession des choses
appartenant au débiteur ou qu'il était
lui-même débiteur de ce dernier ; un courrier
adressé au hasard à des tiers dans l'espoir
d'une découverte fortuite était donc inadmissible
( 3.2.2).
- Selon la jurisprudence genevoise, le fait que le
débiteur ait son domicile ou son siège dans le canton
où l'établissement bancaire requis exploite une
succursale suffit pour que l'office des poursuites
(compétent pour l'ensemble du canton) puisse avoir une
présomption fondée de l'existence de valeurs
patrimoniales appartenant au débiteur
(consid. 3.2.3).
- Dans le même sens, mais avec un résultat inverse,
des demandes de renseignements sont considérées comme
contraires à la loi lorsqu'elles ne mentionnent aucun
élément de rattachement tel que le domicile ou le
lieu de travail dans la zone d'influence de la banque
sollicitée, les comptes antérieurs ou autres comptes
connus du débiteur, ou si la simple activité de
gestionnaire de fortune du débiteur est citée
(consid. 3.2.3).
- In casu, l'instance précédente avait
constaté que les six demandes de renseignements de
l'office des poursuites adressées à la Banque
Recourante mentionnaient chacune une adresse du débiteur
principal à Bâle. Dans chacun des six cas, il existait
ainsi un indice concret qui fondait la présomption
suffisante qu'une valeur patrimoniale du débiteur se
trouvait sous la garde de la Recourante ou que celle-ci
était elle-même débitrice du premier
débiteur. Le Tribunal fédéral n'a pas
considéré cela comme un courrier adressé au
hasard à des tiers dans l'espoir d'une
découverte fortuite. La conclusion de l'instance
inférieure selon laquelle il existait une demande de
renseignements suffisamment concrète était donc
conforme à la jurisprudence du Tribunal
fédéral. L'office des poursuites était en
droit d'interroger la Recourante au sujet des avoirs du
débiteur (consid. 3.3).
- Le Tribunal fédéral a rejeté au surplus
l'argument de la Banque Recourante selon lequel il aurait fallu
impérativement un élément
supplémentaire (en plus du domicile ou du siège du
débiteur dans le secteur d'activité local de la
banque) à la demande de renseignements de l'office des
poursuites, en particulier l'indication précise
d'une relation client. (consid. 3.4.1).
- Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le
recours (consid. 4).
V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
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guide to the subject matter. Specialist advice should be sought
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