Introduction

La gouvernance d'entreprise est devenue un objet récurrent des débats politiques et doctrinaux de notre temps1 . Elle est invoquée comme solution aux scandales financiers et aux crises économiques ainsi qu'à des problèmes sociaux plus généraux, comme les inégalités de revenus, les discriminations à l'égard des femmes ou encore les violations des droits de l'homme2 . Bien que son usage soit ainsi répandu, la définition de la gouvernance d'entreprise ne fait pas l'objet d'un consensus. Dans le cadre de la présente contribution, il faut la comprendre comme l'ensemble des mesures organisationnelles prises par les sociétés pour répartir de manière optimale les pouvoirs entre et parmi les actionnaires, les membres du conseil d'administration et de la direction3 .

La corporate governance apparut dans les années 1970 aux États-Unis, en réponse au pouvoir absolu des dirigeants sociaux, impliqués dans des affaires de corruption et des scandales financiers4 . L'économie américaine n'en était pas moins considérée la première au monde et la gouvernance d'entreprises étrangères ne suscitait l'intérêt ni du législateur ni de la doctrine5 . Ce n'est que dans les années 1980, alors que la productivité industrielle outre-Atlantique était en déclin et celles d'Allemagne et du Japon en plein essor, que l'intérêt pour les régimes de gouvernance étrangers s'est éveillé et que la gouvernance d'entreprise comparée a prospéré6 .

Cette discipline a pris une importance croissante ces dernières années. Dans notre économie globalisée, les ordres juridiques sont en compétition pour attirer des entreprises de plus en plus mobiles7 et les entreprises sont en compétition pour attirer des capitaux dont la mobilité s'est également accrue. Cette compétition suscite une fièvre de comparaisons en matière de gouvernance, parfois aux dépens d'un principe cardinal du droit comparé : il faut utiliser une approche fonctionnelle et se demander si le droit national doit poursuivre un but identique au droit étranger considéré8 .

La présente contribution aborde deux situations dans lesquelles cette approche fonctionnelle est négligée : (1) la transplantation de l'arrangement de gouvernance de l'administrateur indépendant des États-Unis en Suisse et (2) l'élaboration d'indices qui classent les droits ou les sociétés cotées selon la protection qu'ils offrent aux investisseurs. Cette contribution s'inscrit dans le cadre analytique de la société anonyme cotée en bourse et se concentre sur le lien entre structure actionnariale et gouvernance. Je consacre quelques lignes à ce contexte général, avant d'aborder les deux situations problématiques de gouvernance d'entreprise comparée.

Footnotes

1 PARGENDLER, passim ; ZINGALES, p. 249.

2 PARGENDLER, p. 7/13 ss.

3 ROE, p. 340. Voir également, OCDE, p. 9 (« La gouvernance d'entreprise fait référence aux relations entre la direction d'une entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et d'autres parties prenantes »); World Bank, p. 66 (« Sound corporate governance is the optimal balance between controlling shareholders, minority shareholders, company managers and market regulators »).

4 PARGENDLER, p. 7/13; ROE, p. 340.

5 ROE, p. 340.

6 PARGENDLER, p. 7; ROE, p. 340.

7 ARMOUR/HANSMANN/KRAAKMAN, Corporate Law, p. 25-27.

8 COOLS, Real Difference, p. 734.

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