Des fonds activistes américains spécialisés dans des stratégies de ventes à découvert interviennent de plus en plus fréquemment dans des sociétés européennes. Quel est le risque porté par ces stratégies ? Quelle est la position des régulateurs boursier

Attractivité des banques européennes

Nexans, Casino, Safran, Vivendi, Danone... La liste des sociétés françaises ayant été impliquées ces derniers mois avec des fonds « activistes » s'allonge. Jusque-là peu nombreuses mais très médiatisées, les prises de positions de fonds « activistes » font désormais partie du paysage boursier. Le mode d'action de ces fonds est connu : il s'agit de prendre une position à l'achat de titres afin de pouvoir entamer des discussions lors des AG ou en dehors pour modifier la stratégie, l'idée étant que la société ciblée par ces interventions est sous-capitalisée par rapport à sa valeur « réelle ». Ces entrées dans le capital ne sont généralement pas bien vues de la part de la direction en place dans la mesure où ces fonds remettent en cause ce management et sa stratégie. Les défenses des sociétés attaquées en tel cas sont connues. Il s'agit de batailles judiciaires, le plus souvent sur des questions de droit des sociétés et dans une moindre mesure sur des questions de droit boursier, alors que de leur côté ces fonds utilisent la voie des médias et de la communication comme arme de leur stratégie.

Il ne s'agit pas ici de s'interroger sur le rôle positif ou négatif de ces fonds, de nombreuses études ayant été réalisées à cet effet 1. Il s'agit plutôt d'évoquer une situation non pas nouvelle, mais peu connue en Europe, à savoir les stratégies de ventes à découvert de certains de ces fonds qui se sont spécialisés dans ce mode d'action. Ces opérations, usuelles et anciennes aux États-Unis d'Amérique 2, sont apparues plus récemment en Europe : on dénombre en 2017 ainsi 153 campagnes de vente à découvert par des fonds activistes aux États-Unis, contre 16 en Asie et seulement 7 en Europe. Et la plupart des fonds américains ont indiqué depuis quelques mois leur intérêt grandissant pour les groupes européens du fait qu'il existerait beaucoup de sociétés en Europe dont la valeur serait surestimée du fait de différents facteurs.

Cibler les sociétés surévaluées...

L'idée sous-jacente à ces fonds de vente à découvert consiste à cibler non pas des sociétés sous-valorisées, mais au contraire surévaluées. L'objectif n'est donc pas de faire monter le cours, mais de voir ces cours baisser. Les volumes de ces opérations peuvent être impressionnants.

Ainsi en février 2018, le plus grand fonds spéculatif du monde, Bridgewater Associates, a fait sensation lorsqu'il a révélé avoir pris des positions à la baisse pour une valeur de 22 milliards de dollars (15,78 milliards de livres) contre des sociétés européennes, y compris des géants comme Unilever et Siemens. Certes, toutes ces positions ne sont pas liées à des stratégies activistes.

Mais ces stratégies de vente à découvert peuvent créer des turbulences, voir des mouvements de la panique après les annonces des vendeurs à découvert. Selon certains économistes (Morris et Shin 2002 ; Allen, Morris et Shin 2006 ; Gao 2008), un signal public peut aider un investisseur à « deviner » ou anticiper le comportement des autres investisseurs. L'information diffusée et les conséquences de celle-ci sur le cours du marché avec de forts mouvements à la baisse contribuent à la controverse sur les stratégies de ventes à découvert activistes. La littérature économique s'interroge sur le rôle exact de ces fonds : manipulateurs de cours ou protecteur du marché, pour reprendre le titre d'un article récent 3 ?

Cette stratégie est par nature dangereuse comme toute vente à découvert, car il faut régler les marges en cas d'évolution des cours contraire à la position vendeuse, et payer le coût de l'emprunt des titres vendus à découvert. Et à la longue cela peut couter cher. Ainsi, Bill Ackman, l'un des dirigeants de Pershing Square Capital Management a soldé après plusieurs mois sa position de vente à découvert dans la société Herbalife en raison de sa perte majeure. Ackman avait pris une position à la baisse de 1 milliard de dollars dans la société de suppléments nutritionnels en 2012, accusant sa stratégie d'être un système pyramidal de fraudes. Pourtant, même avec cette accusation – pourtant appuyée par l'ouverture d'une enquête de la Federal Trade Commission sur les pratiques de Herbalife – l'évolution du cours n'a finalement pas été dans le sens de Ackmann et celui-ci a dû solder sa position au regard des pertes réalisées.

...et rechercher les situations de fraude potentielle

Quoi qu'il en soit de cet exemple, ce type de stratégie illustre un nouveau mode d'action des fonds « activistes » : rechercher les situations où il existe des fraudes ou à tout le moins des soupçons de fraudes dans la société et essayer de convaincre les investisseurs du bien-fondé de l'analyse effectuée par le fonds activiste en mettant une pression à la baisse des cours par des ventes à découvert. De quel type de fraude s'agit-il ? Des fraudes comptables (ou tout simplement des traitements comptables inappropriés), mais aussi des fraudes dans l'exercice du commerce ou des situations anticoncurrentielles.

Bien que risquée, cette stratégie peut s'avérer gagnante, et elle l'est souvent aux États-Unis d'Amérique. Selon les données disponibles sur le site internet Activist Insight Shorts, les retours sur investissement des ventes à découvert dans ce type d'actions sont en moyenne de 11 à

13 %, avec des écarts importants selon le type de fraude et surtout selon le délai mis en Suvre pour réaliser la pression. Ainsi, la fraude commerciale produit des rendements élevés à long terme, avec des rendements moyens sur une campagne d'un an de 23 % à 41 %, selon les données disponibles sur Activist Insight Shorts. Cependant, les rendements des soupçons de fraude comptable tendent à se réduire, avec un rendement moyen de campagne d'un an de seulement 2 %. Quant aux stratégies plus génériques comme les soupçons de fraude industrielle

Originally published in Revue Banque

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