FRANCE ODDITY

Le taux de chômage poursuit son recul au sein de la zone euro, affichant son plus bas niveau depuis octobre 2011. Corrigé des variations saisonnières, il s'est établi à 10,5% en novembre 2015, en recul de 0,1 point par rapport à octobre et de 1% en comparaison de la même période 2014, selon les dernières statistiques publiées par Eurostat. Sur un mois, cela représente 130 000 personnes de moins (-1,57 million sur un an). Cette performance est d'autant plus remarquable que, au sein de la zone euro, un pays fait ce qu'il peut pour empêcher ces bons résultats : la France. Certes, elle est dans la moyenne avec 10,6 % mais en dynamique inverse de celle de la plupart des autres pays. La dégradation est structurellement étourdissante : + 753 000 chômeurs sous le quinquennat précédent, + 660 000 depuis mai 2012. Au total, 2, 9 millions de chômeurs et 1,4 million dans le « halo » autour du chômage selon la terminologie de l'INSEE. Et pourtant, quand on évoque les bons résultats des grands pays européens comme l'Allemagne, le Royaume Uni – tous deux au plein emploi –, ou même l'Espagne (- 4 points en 4 ans), la critique fuse immédiatement : rémunérations insuffisantes, précarité accentuée, travail peu valorisant. On stigmatise avec un dédain à peine dissimulé le « coût social du plein emploi ». Et le coût social du chômage ? Pas un mot là-dessus. Outre le coût financier, impossible à financer faute de croissance – ce qui conduit le régime d' « assurance » chômage (qui n'a plus d'assurance que le nom) à s'endetter (26 Mds à fin 2015) –, il y a aussi le terrible coût humain engendré par cette catastrophe. Or, on sait que la modification de quelques curseurs essentiels du code du travail aurait des effets positifs immédiats mais de cela, bien sûr, il n'est pas question : le « coût social de l'emploi » serait trop élevé, sûrement.

La préférence française pour le chômage est bien curieuse. Elle est comparable au vaisseau spatial en perdition évoqué par David Bowie dans Space Oddity (Your circuit's dead, there's something wrong). Comme dans la chanson, le pilote – le Major Tom – reste optimiste (I think my spaceship knows which way to go). Pour l'astronaute en tout cas, une explication rationnelle de cette folle attitude fut fournie dans une chanson ultérieure : We know Major Tom's a junkie (Ashes to Ashes). Et les responsables de la politique économique française ? Depuis le premier choc pétrolier, sont-ils drogués au déficit, shootés à la dette, accros aux prélèvements obligatoires et à la réglementation ? Désormais sous la tente à oxygène des taux d'intérêts nuls, de taux de change favorables et du pétrole au prix de la limonade – tous paramètres sur lesquels ils n'ont aucune prise – ils paraissent avoir oublié la fin de la chanson :

My mother said to get things done

You'd better not mess with Major Tom

Excellente année 2016 à toutes et à tous !

SOURCES

JURISPRUDENCE

Utilisation privative de l'image des biens publics. La Cour administrative d'appel de Nantes apporte des précisions utiles sur la question de l'utilisation privative de l'image des biens publics. Dans son arrêt Commune de Tours (CE, 29 octobre 2012, n° 341173), le Conseil d'Etat avait consacré un droit des personnes publiques sur l'image de leurs biens mobiliers. Au cas d'espèce, l'établissement public du domaine de national de Chambord avait souhaité tirer parti de cette jurisprudence pour exiger le paiement d'une redevance d'utilisation à la société Les Brasseries Kronembourg en raison de son usage des clichés du château de Chambord dans le cadre d'une campagne publicitaire. Le tribunal administratif d'Orléans avait cependant jugé que l'utilisation d'une photographie d'un bien du domaine public ne s'analysait ni comme une occupation ni comme une utilisation du domaine public susceptible de donner lieu au paiement d'une redevance. La Cour confirme ce raisonnement aux motifs que l'image d'un bien d'une personne publique « n'est pas au nombre des biens et droits visés par les dispositions [...] de l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques déterminant le champ d'application de ce code » et que son utilisation ne saurait donner lieu au paiement d'une redevance. Elle souligne toutefois qu'une telle utilisation est soumise à l'autorisation de la personne publique gestionnaire du bien et précise qu'à défaut d'autorisation l'utilisateur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne publique. Elle rappelle enfin qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'une personne publique, invitant par là l'établissement public du domaine de national de Chambord à porter son action en responsabilité devant l'ordre judiciaire (CAA Nantes, 16 déc. 2015, Etablissement public du domaine de national de Chambord, n° 12NT01190).

Absence de communication des sous-critères de jugement des offres. L'absence de communication aux candidats d'un sous-critère de sélection des offres par le pouvoir adjudicateur entache la procédure de passation d'une irrégularité mais n'entraîne pas nécessairement l'annulation du marché public. Dans cette affaire, la CAA de Bordeaux a commencé par rappeler la jurisprudence Commune de Saint Pal de Mons (CE, 18 juin 2010) aux termes de laquelle le pouvoir adjudicateur doit porter à la connaissance des candidats les sous-critères et leur pondération dès lors qu'ils sont susceptibles d'exercer une influence déterminante sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection. Elle a ensuite relevé qu'au cas d'espèce cette obligation n'avait pas été respectée et en a logiquement déduit que la procédure d'attribution était irrégulière. Toutefois, la Cour a jugé que ce défaut d'information des candidats n'avait pas affecté le consentement de la personne publique et qu'en l'absence de circonstances particulières révélant notamment une volonté de celle-ci de favoriser un candidat, un tel vice ne présentait pas un caractère d'une gravité telle qu'il justifierait l'annulation du contrat. (CAA Bordeaux, 15 déc. 2015, Société Thyssenkrupp Ascenseurs, n° 13BX03178).

Bien fondé et irrégularité de la décision de résiliation d'un marché public. La Cour administrative d'appel de Douai rappelle la distinction entre l'irrégularité formelle d'une décision de résiliation d'un marché public et son bien-fondé. En l'espèce, elle a d'abord relevé l'incompétence de l'auteur de la décision de résiliation pour conclure à son irrégularité. Toutefois, Elle a retenu que cette décision était bien fondée dès lors que trois dysfonctionnements du marché de travaux en cause étaient exclusivement imputables au titulaire. La Cour a ensuite rejeté les conclusions de la société requérante tendant à la requalification du marché aux frais et risques du titulaire en résiliation aux torts du maître de l'ouvrage dès lors que l'irrégularité formelle de la résiliation n'entraîne pas sa nullité dans le cas où son bien-fondé est établi. Elle rappelle enfin que le caractère irrégulier de la décision de résilier un marché public fait obstacle à ce que le surcoût résultant de cette résiliation soit mis à la charge de son titulaire, alors même que la résiliation serait justifiée au fond (CAA Douai, 17 déc. 2015, Société Strabag Umweltanlagen GmbH, n° 14DA00207).

GOUVERNEMENT

Délégation de service public. Le décret n° 2015-1763 du 24 décembre 2015 a supprimé le transfert du droit à déduction de la TVA au profit des délégataires de service public. Jusqu'à présent le droit à déduction de la TVA de l'Etat, des collectivités, de leurs groupements ou de leurs établissements publics était automatiquement transféré à la personne prenant en charge la gestion du service public. Les contrats de délégation conclus à compter du 1er  janvier 2016, et les dépenses d'investissements publics afférentes, ne bénéficieront plus de cet avantage. La France se met ainsi en conformité avec le droit européen qui ne prévoit pas un tel mécanisme dérogatoire en matière de délégation d'un service public.

Marché public. Le décret n° 2015-1904 du 30 décembre 2015 modifie le montant des seuils de procédure formalisée pour la passation des marchés publics et de certains contrats relevant de la commande publique. A compter du 1er janvier 2016, les seuils de procédure formalisée des marchés publics sont relevés à 135 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services de l'État, 209 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales, 418 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité et 5 225 000 € HT pour les marchés de travaux et pour les concessions de travaux.

PRATIQUE

LA RÉSILIATION UNILATÉRALE DES MARCHÉS PUBLICS PAR L'ADMINISTRATION

La question du pouvoir de résiliation unilatérale des marchés publics par l'administration est passée sous silence par le code des marchés publics, son article 12 impose uniquement que les pièces constitutives des marchés passés selon une procédure formalisée déterminent les conditions de résiliation du marché. Les pouvoirs adjudicateurs procèdent donc généralement à un renvoi aux dispositions des cahiers des clauses administratives générales qui prévoient les cas de résiliation et définissent leur cadre procédural. En la matière, il convient de distinguer deux grandes hypothèses. La première concerne les cas où la résiliation peut être prononcée de plein droit par l'administration. Ces situations sont, fort heureusement, marginales puisqu'il s'agit de la disparition du titulaire du marché ou de la survenance d'un cas de force majeure rendant impossible l'exécution du marché par le titulaire. La seconde consiste en la faculté de la personne publique à résilier le contrat pour un motif d'intérêt général ou pour sanctionner une faute du titulaire. L'intérêt général étant le fondement des actions de la personne publique, la jurisprudence consacre de longue date un pouvoir de résiliation des contrats administratifs au profit de l'administration. Ce droit lui est toujours ouvert même en l'absence de clause contractuelle et, à l'inverse, une clause privant la personne publique d'en faire usage serait réputée non écrite. Le cocontractant de l'administration bénéficie néanmoins d'une contrepartie à ce pouvoir exorbitant de droit commun puisqu'il a droit, le cas échéant, à être indemnisé de l'intégralité du dommage que lui cause la décision de résiliation soit, en principe, la totalité des dépenses engagées pour assurer l'exécution du marché ainsi que son gain manqué. La jurisprudence admet toutefois que les parties s'accordent sur la question des indemnités par le biais de clauses contractuelles qui peuvent exclure tout indemnisation ou au contraire prévoir un montant déterminé sous réserve qu'il n'ait pas pour effet de dissuader l'administration d'exercer son droit de résiliation. La décision de résiliation peut enfin être prise pour sanctionner une faute du titulaire. Les cahiers des clauses administratives générales distinguent la résiliation simple et la résiliation pour frais et risques. La distinction majeure entre ces deux modalités tient en ce que seule la personne publique supporte le surcoût engendré par la passation d'un marché de substitution pour achever les prestations faisant l'objet du marché dans le cas d'une résiliation simple alors qu'il est supporté par le titulaire du marché initial en cas de résiliation pour frais et risques. Le caractère de sanction attaché à cette résiliation impose à la personne publique d'adresser une mise en demeure à son cocontractant préalablement à sa décision de résiliation. Cette mise en demeure doit mentionner les motifs de la mise en demeure, donner un délai raisonnable au titulaire pour lui permettre de remédier aux reproches qui lui sont adressés et enfin indiquer la sanction encourue au cas où il ne prendrait pas les dispositions nécessaires. A ce stade, s'il n'est pas donné suite à cette mise en demeure, l'autorité compétente pour passer et signer les marchés pourra prendre une décision de résiliation. Elle devra être motivée, mentionner le type de résiliation et sa date d'effet et comprendre un décompte de résiliation (CCAG fournitures courantes et de services et CCAG techniques de l'information et de la communication), ou de liquidation (CCAG travaux). La décision de résiliation devra enfin être notifiée au titulaire, préférablement par lettre recommandée avec accusé de réception. Il résulte de l'arrêt d'assemblé du Conseil d'Etat du 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806 que le cocontractant de l'administration peut saisir le juge du contrat dans les deux mois suivant la date à laquelle il a été informé de la résiliation pour contester cette décision de résiliation. L'office du juge est particulièrement étendu puisqu'il pourra, après une mise en balance entre les fautes commises par le cocontractant et les éventuels vice entachant la régularité ou le bien-fondé de la décision de résiliation, annuler cette décision et ordonner la reprise des relations contractuelles ou plus simplement indemniser le requérant du préjudice subi. Laurent Bonnard

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