FUIR

Fuir la justice dominicaine, d'abord. Tel a été le choix des deux pilotes français du fameux vol « Air Cocaïne » qui, condamnés à 20 ans de prison en première instance, méditaient en sirotant un jus de fruit autour de la piscine de leur hôtel sur l'opportunité de rester à Saint Domingue pour attendre l'issue de la procédure d'appel. Avec une telle condamnation, en France, on bénéficie rarement d'une libération provisoire mais nos deux compatriotes, pour on ne sait quelle raison, se demandaient si cet interlude d'exécution des peines justifiait bien de faire confiance au sens de la présomption d'innocence des magistrats dominicains. Observant le balancement délicat de leurs petits parasols plongés dans leurs mojitos sans alcool, ils décidèrent qu'il était temps de rentrer et de s'en remettre à la présomption d'innocence à la française ce qui reste, somme toute, un pari audacieux.

Fuir la charcuterie et la viande rouge, ensuite. C'est ce à quoi nous invite un organe onusien en mal de célébrité qui a pourtant recensé à ce jour la quasi-totalité de ce qui fait le sel de la vie dans la catégorie « dangereux pour la santé ». Aucun ou presque de ces classements n'a vraiment retenu l'attention à ce jour mais la barbaque, c'est autre chose. Tout le monde ou presque est concerné, y compris les végétaliens qui triomphent tandis que les autres envisagent avec consternation de devoir bientôt fêter le Beaujolais nouveau (pas très recommandé non plus) avec une petite salade de haricots verts ou un biscuit au soja.

Fuir la politique en élisant un comique, enfin. C'est ainsi que le Guatemala vient de porter son Coluche national à la présidence avec 67% des suffrages pour manifester son rejet d'un système politique à bout de souffle, semble-t-il (inutile de dire que la vie politique guatémaltèque n'avait pas beaucoup retenu notre attention jusqu'alors). Les commentateurs sont un peu sidérés et manifestent leur inquiétude : le phénomène est-il appelé à se généraliser ? Les comiques ne peuvent-ils être élus que s'ils sont ultraconservateurs comme M. Morales ? On a déjà élu des acteurs, mais des comiques, franchement... ce doit être la première fois ! Pas si sûr... Mais brisons là ! Puisque cette semaine est celle de l'évasion, embarquons avec Robert Charlebois :

J'ai été
Au sud du sud au soleil bleu blanc rouge
Les palmiers et les cocotiers glacés
Dans les pôles aux esquimaux bronzes
Qui tricotent des ceintures fléchés farcies
Et toujours ma Sophie qui venait de partir

Partie sur Québec Air
Transworld, Nord-East, Eastern, Western
Puis Pan-American
Mais ché pu où chu rendu

SOURCES

JURISPRUDENCE

Pas de suspension de l'ordonnance réformant le droit des marchés publics. Le Conseil national des barreaux et d'autres requérants ont demandé au Conseil d'État de suspendre puis d'annuler l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui transpose la directive du 26 février 2014. Cependant, l'ordonnance contestée n'est pas encore entrée en vigueur (elle n'entrera pas en vigueur avant la publication de son décret d'application et au plus tard le 1er avril 2016), et elle n'est donc pas applicable. Le juge des référés relève que le Conseil d'État se prononcera définitivement sur la demande d'annulation de l'ordonnance dans les prochains mois. La condition d'urgence n'est donc pas remplie et le juge rejette la requête (CE, Ord. du 16 octobre 2015, Conseil national des barreaux et autres, n° 393588).

Marchés publics, conflit d'intérêts et impartialité. La région Nord-Pas-de-Calais avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché à bons de commande. L'un des candidats dont l'offre avait été rejetée avait saisi le juge du référé précontractuel en vue de l'annulation de la procédure de passation du fait d'un possible conflit d'intérêts lié à la participation d'un ancien dirigeant de la société attributaire à la procédure. Le juge ayant fait droit à sa demande, le titulaire du marché s'est pourvu en cassation. Le Conseil d'État a rappelé qu'« au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ». En l'espèce, la personne qui a contribué à l'analyse des offres avait exercé des responsabilités importantes au sein de la société attributaire du marché moins de deux ans avant le lancement de la procédure litigieuse. Le caractère très récent de cette collaboration pouvait faire naître un doute sur l'impartialité de la procédure. La région a donc méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Le jugement du TA devait néanmoins être annulé en ce qu'il se fondait sur la notion de conflit d'intérêts de la directive de 2014 relative aux marchés publics alors que celle-ci n'était pas encore en vigueur. Pour sanctionner la procédure, le CE se fonde sur le seul principe d'impartialité (CE, 14 octobre 2015, Société RevetSens, n°390968).

Intérêt lésé d'un sous-traitant du candidat évincé. Recours « Tarn-et-Garonne ». La région de la Réunion avait conclu un marché public "Wifi régional grand public" ayant pour objet la mise en Suvre de bornes d'accès public gratuit au réseau internet sans fil. Une société qui participait en qualité de sous-traitant d'un groupement candidat dont l'offre avait été rejetée avait saisi le juge des référés afin qu'il suspende l'exécution de la décision de rejet de l'offre du groupement et celle du marché conclu. Le juge ayant fait droit à sa demande, la région s'est pourvue en cassation. Le Conseil d'État a été conduit à préciser sa jurisprudence « Département du Tarn-et-Garonne » (CE ass., 4 avril 2014, n° 358 994) en déterminant si le sous-traitant d'un candidat dont l'offre a été rejetée était recevable à former un recours contre le contrat. Le Conseil d'État a jugé que la société, « en sa seule qualité de société susceptible d'intervenir en qualité de sous-traitante [...] ne justifie pas d'un intérêt lésé pouvant la rendre recevable à contester la validité du contrat en cause ». Cependant, dans un deuxième temps, il a précisé que, dans les conditions de l'espèce (l'offre du groupement candidat reposait sur la technologie fournie par cette société), le sous-traitant justifiait être lésé par la conclusion du contrat litigieux de manière suffisamment directe et certaine pour être recevable à en demander l'annulation ainsi que la suspension (CE, 14 octobre 2015, Société Pyxise, n° 391 183).

Indemnisation des travaux supplémentaires dans un marché public de travaux. Une commune avait attribué à une société la réalisation de travaux d'un parking dans le cadre d'une opération de requalification urbaine. Cette dernière avait contesté le décompte général du marché qui ne tenait pas compte des travaux supplémentaires réalisés. La CAA ayant rejeté sa demande d'indemnisation, la société s'est pourvue en cassation. Le Conseil d'État rappelle le principe selon lequel « le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ». En l'espèce, la CAA n'avait commis aucune erreur de droit ou de qualification juridique des faits puisqu'elle s'était fondée, pour rejeter la demande, sur le fait que la société, en professionnel avisé, aurait dû tenir compte des divers aléas qu'elle pouvait rencontrer et figurant dans l'étude géotechnique (CE 14 octobre 2015, Société SNT Petroni, n° 384749).

Référé mesures utiles et décision faisant grief. Un particulier avait demandé au juge des référés du TA d'enjoindre à la commune de Roura de lui communiquer la liste des marchés publics conclus sur la période 2010-2014 et le nom des attributaires, établie en vertu de l'article 133 du code des marchés publics. Le juge a fait droit à sa demande et la commune s'est pourvue en cassation. Le Conseil d'Etat a considéré que le refus de transmission de la liste demandée constituait une décision faisant grief et que la mesure demandée par le requérant n'était donc pas au nombre de celles que le juge des référés avait le pouvoir d'ordonner en vertu de l'article L.521-3 du CJA (CE, 9 octobre 2015, Commune de Roura, n°391425).

Conflit de compétence. Propriété littéraire et artistique. Le département de la Somme avait confié, par délégation de service public, la gestion d'un musée à une association. Dans le cadre d'une exposition, des photographies avaient été prêtées au délégataire, moyennant rémunération. Après restitution, le propriétaire avait saisi le TA d'une demande indemnitaire dirigée contre le département délégant au motif que des photographies avaient été endommagées. Le juge avait renvoyé au Tribunal des conflits le soin de déterminer si le juge administratif était ou non compétent pour régler un tel litige. En vertu des dispositions de l'article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle, et de la même façon que dans le cadre d'un marché public (TC 7 juillet 2014, n° C3955), le Tribunal des conflits a estimé que « l'action de l'artiste propriétaire d'une Suvre qui impute à une personne publique des dégradations causées à cette Suvre relève [...] de la compétence de la juridiction judiciaire » (TC, 12 octobre 2015, n° 4023).

GOUVERNEMENT

Marchés publics. Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a présenté projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015 899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics qui transpose en droit français les directives européennes du 26 février 2014 n°2014/24/UE sur la passation des marchés publics et 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (Conseil des ministres du 21 octobre 2015).

Organisation territoriale. Le Premier ministre a présenté une ordonnance portant dispositions transitoires relatives à la réforme des chambres régionales des comptes. L'ordonnance, prise sur le fondement de l'article 136 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, prend en compte la suppression de trois chambres régionales des comptes au 1er janvier 2016, et modifie notamment l'article L. 212-1 du code des juridictions financières afin de permettre aux chambres supprimées de traiter au-delà de cette date les procédures administratives engagées et les procédures juridictionnelles déjà inscrites à leur rôle.

PRATIQUE

L'ACHETEUR PUBLIC DANS LE DROIT DE L'UNION : LA NOTION DE POUVOIR ADJUDICATEUR

La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services avait listé les entités devant être considérées "pouvoirs adjudicateurs" c'est-à-dire acheteur public. La directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics – qui abroge la première avec effet au 18 avril 2016 – les reprend dans son article 2.1. Ainsi sont pouvoirs adjudicateurs: l'État, les autorités régionales ou locales, les organismes de droit public ou les associations formées par une ou plusieurs de ces autorités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public.

La troisième catégorie, celle des organismes de droit public, est également définie par les directives comme tout organisme qui présente les trois conditions cumulatives suivantes:

  1. être doté de la personnalité juridique;
  2. avoir été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial; et
  3. être placé sous la dépendance d'un pouvoir adjudicateur en ce sens que ce dernier le finance majoritairement, exerce un contrôle sur sa gestion ou désigne la majorité des membres de son organe d'administration, de direction ou de surveillance.

Ces trois critères ont été définis à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Si la première des conditions ne pose pas de difficulté, les deuxième et troisième ont appelé des précisions jurisprudentielles.

Concernant la deuxième condition par exemple, la Cour de justice utilise la méthode du faisceau d'indices pour réaliser un examen objectif de la situation de l'entité en cause, au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments factuels et juridiques pertinents (CJUE, 27 février 2003, Adolf Truley, aff. C-373/00, §66). Elle juge qu'en règle générale, le besoin présentant un caractère autre qu'industriel et commercial, d'une part, est satisfait d'une manière autre que par l'offre de biens ou de services sur le marché et, d'autre part, pour des raisons liées à l'intérêt général, une autorité publique choisit d'y satisfaire elle-même ou entend conserver à son égard une influence déterminante (CJCE, 10 nov. 1998, aff. C-360/96, BFI Holding, § 50 et 51 – CJCE, 27 février 2003, précitée, §50). A contrario, le fait que l'organisme ne se comporte pas sur le marché comme tout opérateur privé, notamment, au motif qu'il bénéficiera d'une garantie de la personne publique en cas faillite est un indice de ce que l'organisme répond effectivement à des besoins présentant un caractère autre qu'industriel et commercial. Toutefois, au-delà de ces principes généraux, l'identification d'un pouvoir adjudicateur pose souvent, dans la pratique, des difficultés certaines (Elise Mommessin).

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