ANNIVERSAIRE

Elle erre dans le parc de sa maison de retraite – à moins que ce ne soit un asile ? – sous le regard indifférent des infirmiers. Elle ne sait plus où elle est, elle ne reconnaît plus personne. En un mot, elle a perdu la boule. De temps en temps, elle crie : « Pierre ! » mais aucun Pierre n'est jamais venu la visiter. Tous les jours, elle jette de l'argent par les fenêtres de sa chambre. Les jardiniers et le personnel soignant le récupère et se le partage. Elle dépense sans compter et préfère depuis longtemps rémunérer les fonctionnaires des nombreux hôpitaux qu'elle a fréquentés, jusqu'à leur offrir moult logements de fonctions, plutôt que rembourser ses médicaments. De la même manière, à force de fréquenter les établissements hospitaliers, elle néglige les médecins libéraux qu'elle avait imaginé pouvoir transformer en fonctionnaires et regrouper dans des hôpitaux publics, sa véritable passion depuis qu'elle est bonne à enfermer.

Son compte est dans le rouge depuis belle lurette mais, bon prince, son banquier ferme les yeux. Il faut dire que, avant de devenir complètement folle, elle avait eu une idée de génie : compléter ses propres ressources par celles de ses congénères. Eux-mêmes un peu ramollis du bulbe, ils avaient accepté sans trop rechigner de se faire taxer tels de jeunes collégiens rackettés à la récré. En plus de leurs cotisations ils s'étaient résignés à lui payer plusieurs taxes supplémentaires dont une qu'elle avait eu l'idée d'affubler du qualificatif de « généralisée », ce qui était à la fois vrai et cynique. Du grand art !

On ne comptait plus les procès en infanticides qu'on lui avait intentés. On l'avait accusée d'avoir étouffé ses enfants au prétexte d'un « modèle social » qu'elle avait inventé dans son délire mais on n'avait jamais pu obtenir sa condamnation. Ce n'étaient pas les preuves qui manquaient mais l'intime conviction des juges qui faisait défaut.

Quelquefois, un visiteur vient la voir pour la féliciter et lui parler de son père naturel, un certain monsieur Laroque. Elle ne se souvient pas. On lui explique sa victoire posthume : les assurances privées obligatoires, c'est-à-dire une nouvelle strate de prélèvements destinés à pallier sa propre carence. Elle ne comprend rien.

La Sécurité Sociale a soixante-dix ans.

SOURCES

Jurisprudence

Transfert d'une convention d'occupation du domaine public. La société Prest'air occupait, sur le domaine public de l'aéroport de Cayenne – Felix Eboué, le hangar d'une société de transport aérien dont elle avait repris l'activité. La CCI de la région de Guyane, gestionnaire de l'aéroport, avait saisi le TA afin d'obtenir du juge des référés l'expulsion de la société au motif qu'elle occupait irrégulièrement le domaine public aéroportuaire. La CCI n'ayant pas obtenu gain de cause, elle s'est pourvue en cassation. Le CE annule dans un premier temps l'ordonnance du juge des référés au motif que la procédure suivie était irrégulière. Dans un deuxième temps, le CE, par un considérant de principe, pose "qu'il ne peut y avoir transfert d'une autorisation ou d'une convention d'occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit". Le CE reconnait donc la possibilité de transférer une autorisation ou une convention d'occupation du domaine public sous cette condition. Il tranche ainsi une question qui était controversée (CE, 18 septembre 2015, Société Prest'air, n°387315).

Droit à la communication de documents administratifs. Personnes intéressées. Après que la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a pris une recommandation afin que des poursuites disciplinaires soient engagées à son encontre, un officier de police judiciaire avait demandé communication des procès-verbaux d'audition des témoins et des personnes à l'origine de la saisine de la Commission. Ayant essuyé un refus, le requérant avait saisi le tribunal administratif de Paris qui avait partiellement fait droit à sa demande de communication. Il s'est alors pourvu en cassation. Le Conseil d'État estime que « les restrictions et exceptions à la communication de documents administratifs prévues par l'article 6 de la loi peuvent être opposées à une demande formulée sur le fondement de l'article 3 » (loi du 17 juillet 1978). Il juge que « des témoignages ou des procès-verbaux d'audition peuvent, compte tenu du contexte juridique ou factuel dans lequel ils sont établis, faire apparaître le comportement des personnes qui portent ces témoignages ou sont entendues ; que, dans ces conditions, celles-ci peuvent se voir reconnaître la qualité d'intéressés au sens du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et la communication de documents faisant apparaître leur comportement ne sont communicables qu'à elles lorsque leur communication à des tiers serait de nature à leur porter préjudice ». En l'espèce, en raison du contexte, la divulgation des documents était susceptible de porter préjudice aux témoins et aux personnes à l'origine de la saisine de la CNDS et le requérant ne pouvait être regardé comme « intéressé » à la communication de ces documents (CE 21 sept. 2015, n° 369808).

Maitre d'ouvrage délégué. Indemnités de retard. Une société titulaire d'un marché public d'un marché de construction d'un centre d'incendie et de secours avait demandé au TA d'établir le décompte général d'un lot. Le TA a condamné le service départemental d'incendie et de secours de l'Eure qui avait relevé appel du jugement. Sur l'engagement de la responsabilité du SDIS pour l'indemnisation de l'allongement de la durée du chantier, la Cour juge que "les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute du maître de l'ouvrage dont la responsabilité contractuelle peut être également recherchée pour les fautes qu'aurait commises le maitre d'ouvrage délégué". En l'espèce, eu égard au caractère très limité de l'intervention et de l'implication de la société maitre d'ouvrage délégué dans la recherche de solutions pour remédier aux retards, la responsabilité contractuelle du SDIS de l'Eure devait être retenue (CAA Douai, 22 septembre 2015, n°13DA01849).   

Résiliation abusive d'un marché. La société d'économie mixte d'actions pour la revalorisation des déchets et des énergies locales (SEMARDEL) avait attribué un marché pour la modernisation du centre de tri des emballages ménagers d'un écosite à la société Vauché. Trois mois après la signature de l'acte d'engagement, la SEMARDEL a résilié le marché au motif que la société n'avait pas manifesté sa volonté de respecter le planning fixé malgré une mise en demeure. La société a dénoncé le caractère abusif de la résiliation et a obtenu une indemnisation de près de 450 000 euros devant le TA de Versailles. La SEMARDEL a fait appel. La CAA juge que la société Vauché n'a pas manqué à son obligation de loyauté en retardant la date de début des travaux à une date figurant au planning provisionnel échangés par les parties et que la SEMARDEL avait elle-même stipulé dans l'acte d'engagement que la date de début d'exécution serait fixée par ordre de service. La résiliation ne pouvait donc pas être prononcée aux torts de la société sur l'absence de commencement d'exécution des travaux. Sur le montant de l'indemnisation du préjudice, la CAA rappelle qu'en l'absence de toute faute de sa part, l'entreprise a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour elle de la résiliation anticipée du contrat, y compris des frais qu'elle établit avoir engagés en vue de l'exécution du marché et du bénéfice qu'elle aurait été en droit d'attendre si le marché n'avait pas été résilié. Cela inclut notamment les frais engagés pour la présentation de l'offre. La CAA procède également au calcul du bénéfice escompté et le réduit de moitié par rapport au jugement du TA (CAA Versaille, 24 septembre 2015, n°13VE01136).

Gouvernement

PLF 2016. Le ministre des finances et des comptes publics et le secrétaire d'Etat chargé du budget ont présenté le projet de loi de finances pour 2016 en conseil des ministres du 30 septembre 2016. Elle prévoit une réduction du déficit de l'Etat de 1 milliard d'euros à 72 milliards.

PRATIQUE

DÉCISIONS INDIVIDUELLES ET DÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES

L'acte individuel – ou décision individuelle – est classiquement opposé au règlement ou décision ou acte réglementaire. Une décision individuelle a nécessairement pour destinataire une ou plusieurs personnes nommément désignées. Plus généralement on peut considérer que toute décision dont le ou les destinataires sont nominativement désignés est une décision individuelle, et ce, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, ou de personnes privées ou publiques. Les décisions individuelles classiques sont les nominations ou révocations de fonctionnaires, ou les décisions octroyant un permis de construire. 

Au contraire, une décision règlementaire s'adresse à une ou plusieurs personnes désignées de façon abstraite. Elle désigne ses destinataires par leur qualité ou leur fonction. Ils sont déterminés en fonction du contenu de la règle.

La décision individuelle est parfois appelée "acte non règlementaire". Cependant, tous les actes non réglementaires ne sont pas pour autant des actes individuels. L'acte non règlementaire n'a pas de portée générale et impersonnelle. Mais certains actes comportent une ambigüité et l'appartenance à une des deux grandes catégories n'est pas évidente. Il existe de ce fait les décisions dites particulières, aussi appelées "décision d'espèce". Il s'agit de décisions dont les destinataires ne sont pas nominativement désignés mais qui ne sont pas non plus des normes générales en ce sens qu'elles se rapportent à une situation ou une opération particulière. Elles peuvent concerner un ensemble déterminé de personnes.

La distinction entre ces types de décisions est importante pour de nombreux aspects de la vie de l'acte: le juge compétent dans le contentieux administratif, les pouvoirs d'interprétation et d'appréciation de la légalité du juge judiciaire, les exigences de publicité (publication pour l'acte règlementaire et notification pour l'acte individuel) et la fin de vie des actes administratifs.

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