Un an après le scandale de la viande chevaline trouvée le 10 février 2013 dans des lasagnes commercialisées par Findus en France, quelles leçons a-t-on tiré de cette crise qui a secoué l'opinion publique européenne? «Beaucoup d'effets d'annonce, un secteur sinistré et des consommateurs méfiants », résume Katia Merten-Lentz, avocate associée chez Field Fisher Waterhouse, spécialisée en droit de l'alimentation. Un bilan pour le moins sombre donc.

Quel regard portez-vous sur lamanière dont la crise a été gérée par les pouvoirs publics?

Il y a eu beaucoup d'effets d'annonce. On a rassuré les consommateurs en leur promettant de nombreuses «réformes» censées les protéger. On ne s'est pas privé non plus de réprimander la Commission européenne, qui n'aurait pas suffisamment réglementé le secteur. Or ce n'est pas de réglementation quel'on parle ici, puisqu'il s'agit de contrefaçon, qui par nature contourne la réglementation. La Commission, elle, est restée dans son rôle en précisant qu'il n'y avait pas eu de problème sanitaire. Le problème de fraude, en revanche, n'est pas de sa compétence. C'est aux États membres qu'il appartient de traquer et de sanctionner les fraudeurs.

Les États sont-ils suffisamment répressifs?

Malheureusement non. En ce qui concerne le système français, rappelons que la société Spanghero a été condamnée à payer 187.500 euros, alors que la fraude lui aurait, semble- t-il, permis d'engranger entre 500.000 et 800.000 euros. Dans d'autres domaines, les États se montrent beaucoup plus sévères. Prenez les polos Lacoste: depuis que le dispositif répressif a été renforcé, rares sont les cas de contrefaçon qui se sont présentés depuis lors. En matière alimentaire, on a préféré se montrer plus discret pour ne pas effrayer les consommateurs. Avec le résultat que l'on sait.

Puisqu'il n'y a pas eu de risque sanitaire, pourquoi l'affaire a-t-elle fait tant de bruit?

L'opinion a été choquée parce qu'il s'agissait de cheval. Beaucoup de gens refusent de manger du cheval. En Grande-Bretagne, la viande de cheval est carrément interdite à la commercialisation. Deplus, il s'agissait d'une fraude à l'échelle européenne, qui a révélé au grand jour une chaîne alimentaire extrêmement complexe. C'est une réalitéque la plupart des gens ignorent totalement.

Qu'est-ce qui a été fait concrètement depuis un an?

Des progrès ont été réalisés, tout récemment, en France, en matière d'étiquetage. La loi de consommation, dite «Hamon», adoptée la semaine dernière par l'Assemblée nationale, impose désormais de mentionner sur l'étiquette l'origine des viandes utilisées comme ingrédient dans les plats préparés. Ce texte prévoit aussi des sanctions renforcées en cas de fraude. Celles-ci peuvent aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires de l'entreprise assorties de peines de prison allant jusqu'à 5 ans. Pour bien faire, les autres pays européens devraient suivre l'initiative de la France, étant donné que les intermédiaires sur la chaîne alimentaire sont souvent paneuropéens. De son côté, la Commission européenne a réalisé une étude d'impact en matière d'étiquetagedel'origine des ingrédients des plats préparés. Les conclusions rendues à la mi-décembre sont pour le moins mitigées: le rapport coût-bénéfice est peu favorable pour le consommateur. Du coup, le projet n'a pas été concrétisé.

Qu'en est-il des opérateurs du secteur alimentaire?

L'industrie des plats préparés a perdu entre 20 et 30% de son chiffre d'affaires. Eu égard à la méfiance des consommateurs, la situation risque de perdurer. Pour tenter de garantir l'origine de leurs approvisionnements et de restaurer leur image, de nombreux opérateurs ont raccourci la chaîne des intermédiaires. Ce qui a alourdi leurs coûts de fabrication.

Sommes-nous à l'abri d'un nouveau scandale?

Non, nous ne sommes pas à l'abri, car le schéma idéal n'existe pas. On peut toutefois limiter le risque et décourager les fraudeurs potentiels en opérant des actions ciblées. À la base, il faut un cahier des charges rigoureux et un audit régulier des fournisseurs. Et éviter un trop grand nombred'intermédiaires, car plus il y en a, plus on laisse de la marge aux contrefacteurs.

D'autres secteurs alimentaires sont-ils exposésàdetelles fraudes?

D'une manière générale, le risquede fraude est présent dans les filières à haute valeur ajoutée, comme le poisson, le caviar ou les épices comme le safran par exemple.

Article first appeared in L'ECHO VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

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