Le 24 octobre 2019, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont annoncé qu'elles entreprenaient un examen des régimes d'aliénation de titres automatique (les « RATA »). Cet examen a pour objectif déclaré de veiller à ce que ces régimes « demeurent légitimes en tant que mécanisme de négociation » utilisé par les initiés et « n'affaiblissent pas l'équité » des marchés des capitaux canadiens.

Sommaire

Ce que vous devez savoir :

  • Les ACVM examinent l'utilisation des RATA par les initiés, qui sont actuellement autorisés par certaines dispenses aux termes de la législation en valeurs mobilières applicable.
  • Rien n'indique actuellement que les ACVM prévoient limiter l'utilisation légitime des RATA, bien que l'examen puisse entraîner la révision des directives réglementaires sur les conditions du recours aux dispenses pertinentes établies par la CVMO en 2006.
  • L'examen pourrait éventuellement entraîner un changement de point de vue des ACVM sur l'attribution de certaines dispenses de déclaration d'initié portant sur les ventes que les initiés réalisent aux termes d'un RATA.
  • Même si les personnes qui bénéficient d'une dispense de déclaration d'initié ne devraient pas être visées, celles qui cherchent à obtenir une dispense à l'avenir ou le renouvellement d'une dispense existante pourraient devoir attendre jusqu'à la fin de l'examen.

Contexte

Comme nous l'avons exposé précédemment, les lois sur les valeurs mobilières canadiennes interdisent généralement la négociation de titres d'une société ouverte par les initiés qui sont en possession d'information importante inconnue du public à propos de l'émetteur ou de ses titres (l'« information importante inconnue du public »). Toutefois, une dispense existe lorsque la vente des titres est réalisée aux termes d'un régime dit « automatique » auquel l'initié adhère avant d'avoir connaissance d'une information importante inconnue du public. Ces régimes automatiques peuvent également viser l'achat de titres (dans ce cas, les « RAAT » et, avec les RATA, les « régimes ») qui, selon nous, sont censés être traités de manière similaire aux RATA pour les besoins de l'exercice actuel.

Ces régimes automatiques sont devenus de plus en plus prisés au Canada (et aux États-Unis), puisqu'ils permettent aux initiés, qui peuvent posséder de l'information importante inconnue du public ou être par ailleurs limités par des interdictions d'opérations, de mener à bien l'achat ou la vente des titres d'une société dont ils sont des initiés. Lorsque la négociation serait par ailleurs limitée par la possession d'information importante inconnue du public ou par des périodes d'interdictions d'opérations, ces régimes procurent aux initiés des occasions plus favorables (y compris une défense toute prête contre les poursuites en responsabilité et les litiges éventuels), en leur permettant de réaliser des opérations sur titres assujetties à des ordres d'exécution préalablement donnés à un courtier sans lien de dépendance au cours d'un délai fixé d'avance. Les initiés qui ont décidé de vendre la totalité ou une partie de leur portefeuille ou de faire des ajouts à leur portefeuille sont relevés de leur obligation au cours de périodes limitées de négociation « ouvertes ».

Structure

Au cours des dernières années au Canada, les RATA et les RAAT ont généralement été conçus en conformité avec l'Avis du personnel de la CVMO 55-701 – Automatic Securities Disposition Plans and Automatic Securities Purchase Plans (l'« Avis de 2006 du personnel de la CVMO »), qui fournit des indications sur la manière dont ces régimes peuvent faire l'objet d'une dispense (prévue par l'alinéa 175(2)(b) du Règlement pris en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) (la « Dispense »)) applicable à l'interdiction des opérations d'initiés.

Aux termes de l'Avis de 2006 du personnel de la CVMO, il faut adhérer au régime de bonne foi et le régime doit être réellement « automatique » pour s'inscrire dans le cadre de la Dispense, y compris satisfaire aux critères suivants :

  • l'initié doit être en mesure de démontrer : (i) qu'il n'a pas de pouvoir décisionnel sur la négociation des titres régis par le régime; (ii) qu'il ne peut pas prendre de « décisions d'investissement discrétionnaires » au moyen du régime;
  • l'initié ne doit pas être en possession d'une information importante inconnue du public au moment où il adhère au régime, modifie le régime ou y met fin (et, si le régime n'a pas été établi par l'émetteur, l'initié doit remettre au courtier une attestation de l'émetteur confirmant que : (i) l'émetteur est au courant du régime et (ii) l'initié n'est pas en possession d'information importante inconnue du public);
  • les paramètres de négociation et autres instructions pertinentes doivent être énoncés dans un document écrit relatif au régime;
  • le régime doit contenir des « restrictions concrètes » (meaningful restrictions) au pouvoir de l'initié de modifier ou suspendre le régime ou d'y mettre fin, lesquelles ont pour effet d'empêcher l'initié de prendre pareille décision en vue de tirer parti d'une information importante inconnue du public;
  • le régime doit interdire au courtier de consulter l'initié à propos d'une vente ou d'un achat fait aux termes du régime et à l'initié de divulguer au courtier de l'information sur l'émetteur qui pourrait influer sur la mise en Suvre du régime.

Autres critères à étudier

Même si chaque régime est structuré de manière à répondre aux besoins et à la situation particulière de l'émetteur et de ses initiés, les critères supplémentaires suivants doivent également être considérés :

  • la conformité de l'émetteur à ses propres politiques et procédures sur les opérations d'initiés;
  • l'imposition d'un délai de carence ou de « réflexion » entre l'adhésion au régime et le début des premières opérations effectuées aux termes du régime;
  • la divulgation publique de l'adoption du régime, par l'initié au moyen de dépôts sur SEDI et, dans certaines circonstances, par l'émetteur;
  • les restrictions portant sur les modifications ou l'abolition anticipée du régime.

Dans l'Avis de 2006 du personnel de la CVMO, il est discuté de la possibilité que certaines opérations effectuées aux termes d'un régime donnent naissance à des obligations d'information de la part de l'initié, y compris en lien avec les obligations qui lui incombent aux termes des règles sur les déclarations d'initiés et des autres règles sur les déclarations, mais aussi de la part de l'émetteur. Ces obligations d'information soulèvent la question du rôle joué plus généralement par l'émetteur dans le cadre des régimes. Les émetteurs pourraient vouloir surveiller l'utilisation des régimes par les initiés dans le but :

  • de veiller à la conformité de leurs propres obligations d'information;
  • d'éviter toute opération illégitime qui pourrait avoir une incidence défavorable sur leur réputation, entre autres, même si les régimes peuvent offrir davantage de certitude sur les intentions des initiés en ce qui concerne la position de leurs titres et le refus d'assumer leur responsabilité (l'importance relative de l'information doit seulement être mesurée au début du régime et pas à chaque opération);
  • de veiller à la compatibilité des régimes avec leurs politiques internes en matière d'opérations sur titres et leurs périodes d'interdiction d'opérations, y compris le moment de leur adoption, modification ou abolition en lien avec l'information importante inconnue du public;
  • de prendre part à l'examen des conditions des régimes afin de veiller à leur compatibilité avec le droit applicable et, éventuellement, de donner leur aval à des modèles de documents précis;
  • se placer en position de veiller à pouvoir convenablement attester de l'état des connaissances relativement à la possession d'information importante inconnue du public.

Situation internationale

Dans leur dernière annonce, les ACVM mentionnent qu'elles tiendront compte des nouveautés pertinentes à l'échelle internationale dans le cadre de leur examen, y compris, vraisemblablement, de l'expérience américaine liée aux régimes adoptés en vertu de la Rule 10b5-1 (la « Rule 10b5-1 »)1 promulguée par la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la « SEC »), qui est similaire à la Dispense. La règle refuge de la Rule 10b5-1 mentionne que l'achat ou la vente de titres par une personne est considérée ne pas avoir été effectuée en fonction d'une information importante inconnue du public, lorsque la personne démontre qu'avant d'avoir pris connaissance de pareille information : (i) elle a conclu un contrat obligatoire visant l'achat ou la vente des titres, (ii) elle a chargé une autre personne d'acheter ou de vendre les titres pour son compte ou (iii) elle a adopté un régime d'opérations sur titres écrit. Le contrat, la directive ou le régime doit : (i) mentionner le volume de titres qui seront achetés ou vendus et le prix et la date auxquels ils seront achetés ou vendus, (ii) inclure une formule, un algorithme ou un programme informatique écrits portant sur le calcul du volume, du prix et la date précisés, (iii) interdire à la personne d'exercer une influence ultérieure sur la manière, le moment ou le choix d'effectuer des opérations; toutefois, si elle exerce une influence, elle ne doit pas avoir connaissance de l'information importante inconnue du public. Les achats et les ventes doivent avoir lieu aux termes du contrat, de la directive ou du régime. En particulier, la personne assujettie ne doit pas modifier le contrat, la directive ou le régime, ni y déroger en modifiant le volume, le prix ou les délais ou effectuer des opérations de couverture. Enfin, le contrat, la directive ou le régime doit être régi par la bonne foi et non intervenir dans le cadre d'un plan ou d'un mécanisme visant à éluder les interdictions applicables.

Dispense de déclaration d'initié

Les opérations réalisées dans le cadre d'un régime doivent être déclarées aux termes des règles canadiennes sur les déclarations d'initiés dans les cinq jours civils de l'opération. Dans le passé, les initiés ont été en mesure d'obtenir une dispense sur demande afin de déclarer annuellement les opérations effectuées dans le cadre d'un régime. Les ACVM vont vérifier s'il faut continuer d'accorder des dispenses de déclaration d'initié portant sur des opérations entreprises dans le cadre d'un régime et, le cas échéant, à quelles conditions. Selon les ACVM, il est peu probable que le personnel des ACVM recommande l'adoption de nouvelles dispenses de déclaration d'initié portant sur des opérations effectuées dans le cadre d'un régime, tant qu'elles n'auront pas terminé leur examen et fait part de leurs conclusions publiquement; cependant, les dispenses existantes demeureront valides.

Conclusion

Les ACVM ont noté l'absence de cadre pancanadien régissant les opérations effectuées aux termes des régimes et les moyens de défense contre les allégations de délit d'initié soulevés dans le cadre de ces régimes. À l'occasion de leur examen, elles décideront par conséquent si : (i) d'une part, les régimes « restreignent adéquatement » les activités de négociation des initiés, (ii) d'autre part, les règlements des provinces et des territoires applicables devraient être harmonisés partout au Canada.

L'Avis de 2006 du personnel de la CVMO était censé constituer une mesure provisoire en attente de la mise au point d'une série d'indications plus exhaustives de la part des ACVM. Outre ses indications sur les RATA et les RAAT, le personnel de la CVMO a également mentionné qu'il pourrait fournir des indications précises sur la négociation dans les comptes gérés lorsque le conseiller en valeurs dispose d'un pouvoir de négociation discrétionnaire. Dans ce domaine, la législation du pays n'est pas entièrement harmonisée et son application aux comptes gérés sous mandat discrétionnaire peut faire l'objet de différentes analyses. Pour cette raison et d'autres raisons mentionnées précédemment, l'examen annoncé par les ACVM est bienvenu. Jusqu'à présent, les ACVM n'ont soumis leur examen à aucun échéancier.

Footnote

[1] Règles et règlements généraux, Securities Exchange Act 17 CFR 240.10b5-1.

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