Patrick Essiminy, associé du groupe Emploi et travail, parle des défis en matière d'emploi entourant la légalisation imminente du cannabis au Canada. (15 minutes, 57 secondes)

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Points à retenir

Au fédéral, la Loi sur le cannabis entrera en vigueur le 17 octobre 2018. Toutefois, les diverses provinces vont aussi promulguer des lois concernant le cannabis ou même apporter des modifications à la législation pour s'attaquer à l'impact potentiel de celui-ci dans certains secteurs comme par exemple le domaine du droit du travail.

Les changements liés au cannabis dans le cadre législatif en matière d'emploi au Québec

La province de Québec a accordé aux employeurs des pouvoirs et des directives spécifiques à la lumière de la légalisation prochaine du cannabis. Les modifications en matière d'emploi au Québec sont incluses dans la Loi constituant la société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière (la « Loi québécoise »):

  • L'article 11 de la Loi québécoise interdit l'usage du cannabis dans les espaces clos, y compris les lieux de travail, à l'exception d'un lieu de travail qui se trouve dans une résidence privée.
  • L'article 21 de la Loi québécoise spécifie expressément que les employeurs peuvent interdire toute forme de cannabis sur le lieu de travail.
  • La Loi québécoise modifie également la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Par exemple, de nouveaux articles seront ajoutés à la Loi sur la santé et la sécurité au travail qui imposeront des obligations aux travailleurs et aux employeurs, notamment :
    • qu'un travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.
    • l'employeur doit veiller à ce que le travailleur n'exécute pas son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire. L'obligation de l'employeur couvre non seulement le travailleur et ses collègues de travail, mais aussi toute autre personne qui a un contact avec le travailleur dans le cadre de ses fonctions – des clients ou d'autres tiers, par exemple.

Les meilleures pratiques

Les employeurs qui veulent se préparer à la légalisation du Cannabis peuvent:

  • Considérer de traiter le cannabis de la même façon que d'autres produits ou agents toxiques qui ont la possibilité de nuire aux travailleurs.
  • Considérer de réviser tous les manuels, politiques ou codes de conduite existants pour s'assurer qu'ils sont mis à jour afin d'y inclure un libellé spécifique à l'usage du cannabis sur le lieu de travail. De plus, s'assurer que la politique prévoit un mécanisme permettant aux employés de divulguer leur état ou leur toxicomanie, et que le défaut de divulguer une dépendance ou une déficience éventuelle entraînerait des conséquences punitives ou administratives.
  • Considérer de donner une formation adéquate à tous les employés. Il est bien de clairement indiquer que l'employeur s'attend à ce que les employée ne consomment pas de cannabis sur leur lieu de travail ou pendant leurs pauses et qu'ils ne se rendent pas au travail avec les facultés affaiblies. C'est important du point de vue du processus, car c'est la preuve que l'employeur a fait preuve de diligence pour s'assurer que les employés comprennent les changements et les attentes de l'employeur.
  • En ce qui a trait à la consommation du cannabis pour des raisons médicales, de la même façon que les employés doivent divulguer tout risque d'affaiblissement des facultés résultant des médicaments sur ordonnance; cela devrait également être souligné dans tout nouveau document ou dans toute nouvelle formation.

Les employeurs se préoccupant également de la façon dont ils devraient réagir lorsqu'ils croient que quelqu'un a les facultés affaiblies au travail doivent noter que:

  • Le dépistage aléatoire de drogues et d'alcool au Canada est interdit. Des tests spécifiques dans des circonstances exceptionnelles peuvent être justifiés. Par exemple, les essais à la suite d'un accident grave peuvent être autorisés dans un environnement critique pour la sécurité. Les employeurs peuvent gérer les situations d'incapacité potentielle en formant adéquatement leurs gestionnaires à reconnaître les signes de déficience, quelle qu'en soit la cause.
  • S'il y a des signes de facultés affaiblies, l'employeur doit réagir de façon proactive, mais cela ne veut pas dire que l'employeur peut conclure automatiquement qu'un employé a les facultés affaiblies en raison de la consommation de cannabis. La première priorité des employeurs est de s'assurer que leur milieu de travail est sécuritaire, et de réagir à ces signes en rencontrant les employés et, au besoin, en retirant les employés du lieu de travail afin de protéger les employés touchés et toute autre personne qui pourrait entrer en contact avec ces employés.

En termes de cas, il y a des cas intéressants traitant de l'alcool et d'autres drogues, qui peuvent éclairer le cas du cannabis:

  • Le premier exemple est un cas rendu en 2015. Dans ce cas, un employé ayant 35 ans de service et qui était conducteur de chariot élévateur à fourche a eu un accident au travail. À cause de cet accident, il a été soumis à des tests de dépistage de drogues et d'alcool. Les tests ont révélé que son taux d'alcoolémie était plus du double de la limite légale. L'employeur a choisi de ne pas congédier cet employé, mais lui a plutôt offert une entente finale de retour au travail qui comprenait l'obligation de suivre une thérapie fermée de 21 jours pour toxicomanes. L'employé a signé l'entente, mais a abandonné sa thérapie et s'est joint à la thérapie en tant que patient externe. L'employeur l'a congédié pour violation de l'entente de retour au travail. À la suite d'un grief, l'arbitre a décidé qu'il accueillerait ce grief parce que son congédiement n'était pas la mesure appropriée. Après examen de cette affaire, la Cour supérieure a annulé la décision arbitrale étant donné que la gravité de la conduite justifiait un congédiement. Enfin, la Cour d'appel a rétabli la décision de l'arbitre parce qu'elle estimait que l'employé avait 35 ans de service et que la décision arbitrale était donc raisonnable et qu'une entente de retour au travail ne neutralisait pas le pouvoir de l'arbitre de réintégrer un employé.
  • Le deuxième exemple est un cas rendu en 2017 par la Cour suprême du Canada sur une affaire provenant de la province de l'Alberta. Dans ce cas, l'employé était chauffeur de camion dans une mine, un environnement où la santé et la sécurité sont d'une grande importance. Dans ce cas précis, l'employeur avait une politique qui exigeait qu'un employé divulgue à l'avance toute dépendance à la drogue et à l'alcool. La politique prévoyait en outre que si cette divulgation était faite, l'employé serait admissible à recevoir un traitement et ne serait pas congédié. Toutefois, si l'employé omettait de divulguer sa dépendance et que l'employeur l'apprenait, l'employé serait automatiquement congédié. Dans ce cas, l'employé a consommé de la cocaïne pendant sa journée de congé et a subi un test de dépistage de drogues à la suite d'un accident du travail. Il a déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne de l'Alberta et cette affaire a été entendue par le Tribunal des droits de la personne de l'Alberta, qui a conclu qu'il n'avait pas été congédié en raison de sa toxicomanie, mais plutôt parce qu'il avait violé la politique de divulgation de son employeur. En appel, la Cour suprême du Canada s'est dite d'accord avec le Tribunal des droits de la personne et a conclu que la preuve démontrait que la véritable cause du congédiement n'était pas la dépendance, mais plutôt le non-respect de la politique de divulgation : l'employé avait la capacité de respecter la politique et s'il l'avait respectée, il n'aurait pas été congédié.

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