Un syndicat n'a pas de droit indépendant distinct de ses droits découlant de la convention collective de participer à chaque demande d'accommodement faite par un employé syndiqué. C'est ce qu'a récemment confirmé la Cour suprême du Canada (CSC) lorsqu'elle a rejeté la demande d'autorisation d'appel d'un syndicat à l'endroit d'une décision rendue par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Syndicat des travailleurs(euses) en télécommunications c. Telus Communications Inc (PDF). Il y a lieu de se réjouir de ce résultat, car il confirme les obligations de l'employeur dans le cadre du processus d'accommodement et lui permet d'entreprendre un processus simple sans s'enliser dans des retards inutiles sur le plan procédural. Cela aide également à protéger la vie privée des employés qui présentent des demandes d'accommodement.

Contexte

Le Syndicat des travailleurs(euses) en télécommunications (STT) avait déposé un grief de principe contre TELUS Communications Inc. (TELUS) par lequel il cherchait à obtenir des droits de notification, d'information et de consultation dans le cadre de toute demande d'accommodement faite par un membre de l'unité de négociation (invalidité, situation de famille, religion, etc.). La convention collective applicable ne prévoyait pas de tels droits; elle prévoyait plutôt uniquement que TELUS était tenu de donner un avis au STT lorsque TELUS jugeait que l'obligation d'accommodement exigeait qu'un employé soit muté à un autre poste.

Néanmoins, le STT prétendait être autorisé en droit à participer à toute demande d'accommodement, et ce, en raison du rôle qui lui était conféré par la loi d'agir en qualité d'agent négociateur exclusif. TELUS a contesté le droit qu'invoquait le STT et prétendait pouvoir traiter une demande d'accommodement directement avec l'employé concerné sans intervention du STT sauf dans les cas suivants :

  • la convention collective exigeait la participation du STT (p. ex. en cas de mutation dans le cadre du processus d'accommodement);
  • l'accord du STT était nécessaire afin de modifier la convention collective pour mettre en Suvre une mesure d'accommodement;
  • l'employé demandait l'intervention du STT.

L'arbitre Chris Sullivan a donné gain de cause au STT. Il a statué que le STT avait le droit d'être avisé, informé et consulté concernant chaque demande d'accommodement. Sa conclusion reposait sur le rôle confié au STT en tant qu'agent négociateur exclusif en vertu du Code canadien du travail. Il a conclu que ce droit existait même lorsque l'employé ne demandait pas l'intervention du syndicat et que la mesure d'accommodement était une mesure « simple » qui pouvait être mise en Suvre sans exiger l'accord du syndicat. Des exemples de mesures d'accommodement simples incluent le fait de munir l'employé d'une souris ergonomique ou de modifier l'éclairage du poste de travail de l'employé.

L'arbitre a aussi conclu que l'employeur et le syndicat pouvaient négocier des limites au droit du syndicat de participer au processus d'accommodement. Il a statué qu'une telle limite n'avait pas été négociée entre TELUS et le STT, malgré le fait que la question avait fait l'objet de discussions détaillées lors de rondes antérieures de négociation collective. Il a cependant décidé que le STT était privé de la possibilité de faire valoir ses droits pendant la durée de la convention collective actuelle en raison des déclarations qu'il avait faites et qui avaient laissé croire à TELUS que le STT avait convenu de limiter son intervention dans le processus d'accommodement.

Décisions des tribunaux

TELUS a porté cette décision en révision judiciaire devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Dans Telus Communications Inc. v. STT, 2015 BCSC 1570 (PDF - disponsible en Anglais seulement), le juge McEwan a infirmé la décision rendue par l'arbitre pour deux motifs. D'abord, il a statué que la conclusion à laquelle était parvenu l'arbitre, soit que le STT disposait du droit d'intervenir dans toutes les demandes d'accommodement, était déraisonnable et incompatible avec le courant principal de la jurisprudence arbitrale qui parvenait majoritairement à la conclusion inverse.

Deuxièmement, le juge McEwan a jugé déraisonnable la conclusion de l'arbitre selon laquelle TELUS et le STT n'avaient pas restreint les droits du STT dans la convention collective. La Cour a expliqué que, dans la convention collective, les parties avaient de toute évidence convenu que le STT avait le droit de participer au processus d'accommodement uniquement dans les affaires impliquant une mutation de l'employé.

Le STT a porté le jugement en appel devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Dans Telus Communications Inc. v. STT, 2017 BCCA 100 (PDF - disponsible en Anglais seulement), la Cour d'appel a rejeté l'appel du syndicat à l'unanimité. La Cour d'appel a abondé dans le même sens que le juge McEwan, affirmant qu'il était déraisonnable pour l'arbitre de conclure que le STT disposait du droit de participer à toutes les demandes d'accommodement. La Cour d'appel a conclu que cela suffisait pour régler la question, mais elle a néanmoins exprimé son appui à l'endroit d'une autre conclusion du juge McEwan, soit qu'il était déraisonnable pour l'arbitre de conclure que TELUS et le STT n'avaient pas restreint les droits du STT dans la convention collective.

Le STT a déposé une demande d'autorisation d'appel à la CSC. Le 7 septembre 2017, la CSC a rejeté la demande d'autorisation d'appel du syndicat.

Importance de la décision

Le résultat devrait soulager les employeurs. Si la décision de l'arbitre avait été entérinée, cela aurait gravement compliqué le processus d'accommodement pour tous les employeurs ayant des employés syndiqués au Canada. Les employeurs souhaitant répondre aux demandes d'accommodement auraient été entravés par l'obligation juridique d'informer, de notifier et de consulter les syndicats à l'égard de chaque demande d'accommodement, ce qui aurait occasionné des coûts et des retards importants tant pour les employeurs que les employés, surtout dans des situations où un employeur a le droit de mettre en Suvre une mesure d'accommodearent simple sans devoir obtenir l'accord du syndicat.

La décision de l'arbitre faisait également fi du droit au respect à la vie privée des employés qui déposaient des demandes d'accommodement. De telles demandes surviennent souvent dans le contexte de circonstances délicates en matière de santé, de situation familiale et de croyances religieuses. Pour cette raison, les employés ne souhaitent pas que leur demande d'accommodement soit connue dans le milieu de travail. Un exemple que la Cour d'appel avait soulevé portait sur un employé qui demandait un congé pour s'occuper d'un enfant qui devait suivre une cure de désintoxication. Il arrive couramment que les employés demandent des mesures d'accommodement directement à un gestionnaire et qu'ils exigent la confidentialité en raison de la nature délicate de la demande. En confirmant que les droits du syndicat dans le cadre du processus d'accommodement se limitent aux situations dans lesquelles l'accord du syndicat est nécessaire ou aux cas où l'employé demande la participation du syndicat, les tribunaux de la Colombie-Britannique ont affirmé qu'un employé devrait généralement contrôler la diffusion de renseignements au sujet de sa demande d'accommodement.

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