La gestion des risques liés aux régimes de retraite est un sujet dont les promoteurs et les administrateurs de régimes ont beaucoup discuté ces dernières années, particulièrement après l'effondrement du marché de 2008.

Notre groupe Régimes de retraite et avantages sociaux assiste ses clients au sujet des différents risques inhérents à leurs régimes de retraite. Le groupe publiera une série de textes qui abordent les principaux risques, les stratégies pour les atténuer, voire les éliminer, et les facteurs qu'un employeur doit prendre en considération pour choisir une stratégie plutôt qu'une autre.

Les présentes Actualités juridiques traitent des risques financiers, et celles des prochains mois aborderont les sujets suivants :

  • Les risques liés aux placements
  • Les risques liés à l'administration
  • Les risques liés au litige
  • Les risques liés à la restructuration ou à la terminaison d'un régime de retraite

La plupart de ces risques se posent tant pour les régimes de retraite à cotisations déterminées que pour ceux à prestations déterminées, bien que certains s'appliquent davantage à un type de régime qu'à l'autre.

Risques financiers

Les risques financiers ont trait à ce qu'il en coûte pour offrir un régime de retraite. Il existe deux grandes catégories de coûts : le coût du financement des prestations et celui associé à la gestion du régime. Les présentes Actualités juridiques traitent du coût relatif au financement des prestations puisque les risques qui y sont associés sont beaucoup plus importants que ceux qui sont liés à l'administration.

En raison de la nature même d'un régime de retraite à prestations déterminées (PD), les risques liés au financement des prestations concernent davantage ce type de régime que les régimes à cotisations déterminées (CD). Ces risques découlent de divers facteurs, notamment les fluctuations du marché, la baisse des taux d'intérêt, l'accroissement de la longévité des membres du régime et l'augmentation des coûts associés aux rentes.

Considérations générales

On peut gérer les risques relatifs au financement de plusieurs façons, selon les particularités du régime et de l'employeur. Certaines des stratégies de gestion des risques dont il est question ci après (p. ex., la terminaison d'un régime, la fermeture ou le gel d'un régime, des changements au type de régime ou à la formule de calcul des prestations et/ou des cotisations, la fusion de régimes ou le recours à des lettres de crédit) sont les possibilités qui s'offrent au promoteur d'un régime, tandis que les stratégies liées aux achats de rentes, aux contrats de couverture du risque de longévité et aux placements axés sur le passif sont celles qui s'offrent à l'administrateur de régime. Dans la plupart des cas, l'employeur est à la fois le promoteur et l'administrateur du régime.

L'employeur, en tant qu'administrateur de régime, est assujetti à des obligations fiduciaires et à une obligation de prudence en ce qui concerne le choix d'une stratégie appropriée et la mise en Suvre connexe. Comme promoteur, l'employeur jouit d'une souplesse considérable pour ce qui est d'adopter une stratégie de gestion des risques. En revanche, il doit garder en tête les obligations fiduciaires qui lui incombent en sa qualité d'administrateur de régime afin que, s'il y a conflit d'intérêts entre son rôle de promoteur et son rôle d'administrateur, ce conflit ne soit pas ignoré, mais géré comme il se doit dans les circonstances (c'est-à-dire en tenant les membres informés).

Un contrôle diligent en bonne et due forme doit être réalisé afin de déterminer la stratégie à adopter et de la mettre en Suvre. La pertinence et l'importance de certains critères varient selon les options. Voici quelques-uns des principaux facteurs à considérer :

  • En vertu de la législation sur les normes relatives aux régimes de retraite, il est interdit de réduire les prestations accumulées. La stratégie choisie ne doit pas donner lieu à une diminution des prestations accumulées et les modifications apportées au régime dans le cadre de la mise en Suvre de la stratégie doivent être prévues avec soin afin d'éviter cette réduction non intentionnelle qui rendrait nulles les modifications.
  • La législation sur les normes relatives aux régimes de retraite prévoit des exigences qui s'appliquent à certaines des stratégies. Il est parfois difficile de se conformer à ces exigences en raison des particularités propres à un régime.
  • Les contrats de travail ou les conventions collectives peuvent présenter des contraintes.
  • Il peut y avoir un risque d'allégations de congédiement déguisé si la stratégie comporte des changements à la conception du régime ou s'il est prévu que le régime sera fermé puisque, ce faisant, l'employeur change de façon unilatérale une modalité du contrat d'emploi.
  • Pour garantir une mise en Suvre réussie de la plupart des stratégies de même que pour réduire le risque de réclamations de la part d'employés, les communications avec ces derniers sont essentielles.

Stratégies

1. Terminaison d'un régime

Une mesure draconienne pour en finir avec le risque de financement ou de cotisation est de procéder à la terminaison du régime de retraite. Cette étape élimine le risque futur lié au financement supplémentaire de prestations accumulées en vertu du régime (qu'il s'agisse de PD ou de CD).

Toutefois, en ce qui concerne un régime à PD, si les actifs ne suffisent pas au paiement des prestations accumulées, l'employeur est tenu de financer le déficit pendant un certain temps. Dans certains territoires, des prestations additionnelles doivent être versées lorsqu'il y a terminaison de régime (par exemple, les prestations « réputées » en Ontario), ce qui ajoute au financement requis. En cas de surplus, celui-ci doit être géré. La distribution du surplus à l'employeur doit faire l'objet d'une approbation réglementaire, ce qui peut s'avérer long et coûteux.

La terminaison d'un régime entraîne également des coûts administratifs immédiats.

2. Fermeture ou gel d'un régime

Cette solution de gestion des risques a connu une grande popularité auprès des employeurs au cours des dernières années.

Lorsqu'un régime (à PD ou à CD) fait l'objet d'une fermeture, aucun nouveau membre n'est admis au sein du régime de retraite. Cette option peut prendre différentes formes. Si le changement ne touche que les nouveaux employés, il peut être apporté au moyen de simples modifications prospectives au régime. Certains régimes de retraite prévoient une période d'admissibilité en tant que membre ou permettent la participation volontaire. Si la fermeture du régime s'applique aux employés existants qui ne sont pas membres du régime (de sorte qu'ils ne peuvent plus participer au régime), le processus est plus compliqué. Dans ce cas, certains éléments doivent alors être pris en compte, notamment par le biais de clauses dites « grand-père » afin de protéger certains acquis.

Le gel d'un régime s'entend de l'arrêt, à compter d'une date prospective, de l'accumulation des prestations de retraite. Cette option s'applique aux régimes à PD. Le gel peut prendre deux formes : le gel « partiel » (c.-à-d. que seule l'accumulation des gains ouvrant droit à pension cesse) et le gel « total » (c.-à-d. que ni les gains ouvrant droit à pension, ni l'augmentation future des gains ne s'accumulent et ne sont pris en compte dans la formule de calcul des prestations). Il a été soulevé, dans la jurisprudence, que dans certains territoires, il n'est peut-être pas légal de procéder à un gel total, et la possibilité d'y avoir recours peut être tributaire des termes relatifs au régime utilisés dans la formule de calcul des prestations. Il faut donc user d'extrême prudence si on envisage un gel total. Le gel d'un régime est mis en Suvre au moyen de modifications qui sont considérées comme défavorables dans certains territoires, notamment en Ontario, en vertu de la législation sur les normes relatives aux régimes de retraite, qui exige que les membres reçoivent un préavis à ce sujet. Cette exigence de la loi doit être prise en compte lorsque vient le moment de déterminer les communications aux employés.

3. Changement de type de régime

Aux termes de cette option, l'employeur change le modèle d'un régime à PD pour un autre comme un régime hybride à PD/CD, un régime à CD ou un régime de retraite conjoint, à prestation cible ou à risque partagé. Selon ces modèles de régime, soit les risques sont transférés aux participants (p. ex., un régime de retraite à CD dans le cadre duquel les membres assument le risque lié aux placements), soit les risques liés au financement sont partagés avec les membres du régime (par ex., un régime de retraite conjoint qui exige que ses membres cotisent au titre du passif actuariel et du déficit de solvabilité, ou un régime à prestation cible qui permet la réduction de la rente constituée si les fonds de la caisse de retraite sont insuffisants pour permettre le paiement de la rente).

Ces options sont assorties d'exigences complexes et détaillées qui sont prévues par la loi et la réglementation, et, dans certains territoires, l'aval des membres est requis. De plus, certains de ces modèles de régime ne sont pas encore offerts dans tous les territoires (p. ex., les régimes à risque partagé ne sont offerts qu'au Nouveau-Brunswick).

4. Modification de la formule de calcul des prestations et/ou des cotisations

On peut aussi atténuer les risques liés au financement ou aux cotisations en mettant fin aux prestations accessoires, comme l'indexation ou la subvention des prestations de retraite anticipée, en appliquant une réduction à la formule de calcul des prestations (dans le cas d'un régime à PD), en imposant des cotisations obligatoires aux membres, en augmentant le taux de cotisation des membres ou en réduisant les taux de cotisation de l'employeur (plutôt dans le cas d'un régime à CD), sur une base prospective.

Certaines lois sur les normes relatives aux régimes de retraite peuvent comporter des restrictions quant à la possibilité de modifier une formule de calcul des prestations ou des cotisations, par exemple des restrictions pour ce qui est de mettre fin à l'indexation ou la restriction que représente la règle de 50 % dans le cas d'un régime à PD.

5. Transfert de risque

Une autre possibilité consiste, pour l'employeur, à transférer le risque de financement. Cette option a gagné en popularité au cours des dernières années, d'abord au Royaume-Uni et aux États-Unis, puis plus récemment au Canada.

Le risque peut généralement être « transféré » à une compagnie d'assurance au moyen de l'achat de rentes sans rachat des engagements ou de la conclusion des contrats de couverture du risque de longévité avec l'administrateur du régime.

Une rente sans rachat des engagements est une police d'assurance détenue à titre de placement par une caisse de retraite, payée en une seule prime. Une fois la prime payée, la compagnie d'assurance est contractuellement tenue de financer les prestations. Toutefois, aux termes de cette option, le régime conserve la responsabilité du paiement des prestations et l'employeur demeure tenu de financer les prestations en vertu de la législation sur les normes relatives aux régimes de retraite. En d'autres mots, si la compagnie d'assurance devient insolvable, le financement des prestations incombe à l'employeur. Ce placement, de par sa nature, doit être autorisé aux termes de l'énoncé des politiques et des procédures de placement du régime et il doit être conforme aux règles de placement qui s'appliquent aux caisses de retraite. Par ailleurs, l'administrateur du régime doit évaluer le risque de placement que représente la rente sans rachat des engagements.

Une rente avec rachat des engagements est une police d'assurance aux termes de laquelle l'obligation de payer des prestations est « transférée » à la compagnie d'assurance moyennant le paiement d'une seule prime. Ce genre de rente est généralement utilisé dans le cadre de la liquidation d'un régime de retraite. Une rente avec rachat des engagements ne décharge pas nécessairement l'employeur de son obligation de financer les prestations dans tous les territoires canadiens.

Les contrats de couverture du risque de longévité visent à atténuer, pour les régimes de retraite, les risques liés à l'augmentation des coûts imputable à la longévité des rentiers. Aux termes d'un tel arrangement, l'administrateur du régime de retraite procède à des versements périodiques prédéfinis réguliers en échange de quoi le co-contractant convient de faire des paiements variables réguliers en faveur du régime. Par conséquent, les sorties de fonds du régime sont plus facilement prévisibles pendant la durée du contrat de couverture. Néanmoins, le régime conserve la responsabilité ultime du paiement des prestations. Autrement dit, le fardeau du financement des prestations continue d'incomber à l'employeur.

Selon toute vraisemblance, les options de transfert des risques dans le domaine des régimes de retraite deviendront de plus en plus populaires. En prévision de cette hausse de popularité, certaines autorités de réglementation des régimes de retraite ont publié des lignes directrices et des politiques sur les responsabilités qui incombent aux administrateurs de régime qui concluent des ententes visant de telles options.

6. Autres possibilités

Des employeurs ont eu recours à d'autres options.

Fusion de régimes. Lorsqu'un employeur a un régime à PD qui affiche un important surplus et un autre qui montre un déficit de capitalisation ou de solvabilité, ou s'il possède également un régime à CD, il peut fusionner le régime à PD en situation de surplus et celui qui connaît un problème de financement ou le régime à CD afin de créer un seul régime, de manière à ce que le surplus finance le régime fusionné. Ce faisant, les anciens régimes deviennent des composantes différentes d'un seul et même régime au terme de la fusion. La fusion doit être approuvée par l'autorité de réglementation des régimes de retraite compétente. Ce processus peut se révéler long et ardu, particulièrement si les régimes sont enregistrés ou si leurs membres proviennent de plusieurs provinces. Avant d'entreprendre ce processus, on doit examiner les documents relatifs au régime (courants et historiques) pour déterminer si des dispositions interdisent la fusion des régimes de retraite en une seule caisse ou limitent les possibilités d'interfinancement.

Placements axés sur le passif. Dans le cadre de cette stratégie, l'administrateur d'un régime configure les placements de la caisse de retraite de façon à gérer le passif du régime. Traditionnellement, il s'agit de l'une des stratégies de gestion du risque lié aux régimes de retraite les plus populaires.

Lettres de crédit. La plupart des lois canadiennes sur les normes relatives aux régimes de retraite autorisent les employeurs à recourir à des lettres de crédit pour financer le déficit de solvabilité d'un régime de retraite. La législation prévoit un régime législatif auquel l'employeur doit se conformer pour pouvoir utiliser une lettre de crédit. Cette stratégie n'élimine pas le risque de financement, ni ne le réduit, mais elle fait en sorte que les fonds n'ont pas à rester immobilisés dans le régime de retraite, puisqu'on présume que le déficit de solvabilité ne reflète pas les besoins à long terme du régime en matière de financement.

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