En 2015, les tribunaux canadiens et la Commission d'appel des brevets ont rendu des décisions portant sur le recours à des produits de substitution non contrefaits afin d'évaluer les dommages-intérêts à verser pour contrefaçon de brevet, sur l'évaluation d'un contrat de licence en liaison avec le droit des brevets des États-Unis et sur l'invalidité de brevets pour des motifs d'évidence. 

Voici les affaires de brevets canadiens qui ont retenu le plus notre attention en 2015, à l'exception des affaires en sciences de la vie.

Dommages-intérêts 

Dans l'affaire Apotex Inc. c. Merck & Co., Inc., [2015 CAF 171], la Cour d'appel fédérale (CAF) a rendu une décision historique en vertu de laquelle les dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet peuvent être évalués en tenant compte du fait que le contrefacteur aurait pu avoir recours à des produits de substitution non contrefaits. Selon la CAF, « l'indemnisation parfaite suppose de tenir compte i) du produit de substitution non contrefait éventuel que le défendeur ou d'autres concurrents auraient pu vendre, et auraient vendu, "n'eût été" la contrefaçon du brevet, ii) de la mesure dans laquelle une concurrence licite aurait réduit les ventes du titulaire du brevet ». Bien que la décision concerne des produits pharmaceutiques, on s'attend à ce qu'elle s'applique largement à des brevets délivrés dans d'autres secteurs techniques, comme la mécanique, l'électricité et la technologie informatique.  

Contrats de licence de brevet

Dans l'affaire Orthoarm Incorporated c. GAC International, LLC, [2015 ONSC 5097], la question était de savoir si un produit incriminé mis au point par le défendeur était visé par un contrat de licence avec le demandeur, lequel a accordé au défendeur les droits de fabrication, d'utilisation et de vente de tous les produits visés par le brevet américain du demandeur. Comme il s'agissait d'un brevet américain, la Cour supérieure de l'Ontario a demandé un témoignage d'expert pour déterminer les dispositions pertinentes de la loi américaine sur les brevets servant à l'évaluation de la contrefaçon. Pour ce qui est de l'interprétation du brevet, la Cour a appliqué le principe du « bon sens » de la loi sur les brevets des États-Unis, et elle a décidé que l'obturateur de blocage du produit incriminé, qui glisse légèrement, n'était pas un obturateur de verrouillage coulissant, tel que requis par les revendications. Par conséquent, la Cour a conclu que le produit incriminé ne violait pas le brevet et n'était pas visé par la licence.

Antériorité et évidence

Dans l'affaire Zero Spill Systems (Int'l) Inc. c. Heide, [2015 CAF 115], la Cour d'appel fédérale (CAF) a confirmé que l'analyse des revendications sous l'angle de l'antériorité et de l'évidence exige l'examen de chaque revendication. Elle a estimé que, pour établir l'antériorité et l'évidence en fonction de deux brevets des appelants, le tribunal de première instance avait erré en droit en ne tenant compte que du sens et de la portée des revendications individuelles, mais non des revendications dépendantes. Il s'ensuit que les deux brevets ont été renvoyés au juge de première instance pour que de nouvelles décisions soient prises.

Dans l'affaire E. Mishan & Sons, Inc. c. Supertek Canada Inc., [2015 CAF 163], la CAF s'est demandé si le juge de première instance a commis une erreur dans la détermination de l'évidence en repérant les différences entre l'art antérieur et le concept inventif des revendications sans véritablement préciser le concept inventif. La CAF a conclu que le juge de première instance n'a pas commis d'erreur, car une lecture juste des motifs a montré que le juge avait le concept inventif à l'esprit lors de la détermination de l'évidence, même s'il n'a pas explicitement décrit le concept inventif.

Dans la Décision 1376 du commissaire aux brevets, la Commission d'appel des brevets s'est penchée sur la brevetabilité des revendications concernant un système de production d'électricité qui utilise une partie de l'électricité produite pour alimenter ses propres procédés de production d'énergie en comparaison avec des procédés antérieurs dirigeant l'énergie produite directement vers le réseau. Accompagnant sa décision d'une recommandation de refuser la demande, la Commission a statué que les revendications étaient évidentes par rapport à l'antériorité parce que la différence entre les revendications et l'antériorité d'une séquence de renvoi de l'électricité produite dans le système n'était qu'une solution de rechange parmi un nombre limité de solutions de rechange évidentes pour introduire l'énergie dans le réseau.

Évidence et objet prévu par la loi

Dans la Décision 1380 du commissaire aux brevets, la Commission d'appel des brevets a examiné une invention mise en Suvre par ordinateur afin d'automatiser le « procédé classique essentiellement manuel » utilisé pour calculer les frais en phase nationale de demandes de brevet dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets. Dans sa décision de rejeter la demande, la Commission a estimé que l'objet revendiqué présentait un caractère évident au regard de l'automatisation d'un procédé conventionnel et qu'il ne présentait donc aucun degré d'inventivité.

Selon la Commission, la décision aurait pu être prise quant à l'objet prévu par la loi si cette irrégularité avait été officiellement signalée dans la décision finale. Dans ses observations, la Commission a soutenu que, même si les composantes informatiques revendiquées fournissent une architecture de soutien pratique ou un environnement technique pour l'automatisation des calculs, ces composantes n'ont pas d'effets substantiels sur les calculs et les procédés eux-mêmes. Les composantes informatiques tangibles auraient donc été des éléments non essentiels, et les autres éléments essentiels auraient été intangibles. La revendication aurait été assimilée à un principe abstrait intangible ou à un procédé mental. Cela est compatible avec les récents avis de pratique de l'OPIC sur les objets brevetables pour les inventions mises en Suvre par ordinateur.

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