Dans la décision Fédération Étudiante Collégiale du Québec c. Raymond Drapeau, la Commission des oppositions des marques de commerce refuse à M. Drapeau sa demande d'enregistrement du carré rouge avec épingle dorée comme marque de commerce.

En 2012, le Québec est frappé par l'une des plus longues et plus importantes grèves étudiantes de son histoire, aussi appelée le printemps érable. Les étudiants manifestent chaque jour dans les rues de Montréal en réponse à la décision du gouvernement provincial d'augmenter les frais de scolarité universitaires.

Deux symboles importants sont adoptés par les étudiants grévistes : le tapage avec des casseroles et le carré rouge fixé par une épingle. Ce dernier était porté fièrement non seulement par les étudiants manifestants, mais également par leurs partisans, y compris plusieurs députés membres de l'Assemblée nationale. Le carré rouge devient rapidement un symbole fort de l'identification au mouvement étudiant contre la hausse des frais de scolarité.

M. Raymond Drapeau dépose une demande d'enregistrement de marque de commerce pour le carré rouge avec épingle dorée, en liaison avec des t-shirts, affiches, chandails, tasses, porte-documents, bandeaux pour les poignets, cartes postales, parapluies et casquettes. Ses motivations pour ce faire semblent clairement ressortir d'une de ses déclarations reproduite dans l'édition du 26 novembre 2013 du quotidien montréalais La Presse : « Ils [les créateurs du symbole et les associations étudiantes] avaient juste à demander l'enregistrement [du carré rouge] avant. Ils ne l'ont pas fait ».

C'est ainsi que la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) dépose une déclaration d'opposition à l'encontre de la demande d'enregistrement de M. Drapeau pour l'empêcher d'enregistrer le carré rouge avec l'épingle dorée comme marque de commerce, lequel lui aurait octroyé le droit exclusif à l'emploi avec les produits liés, et ce, partout à travers le Canada.

Plusieurs motifs ont été soulevés par la FECQ, bien qu'un seul ait réussi. Conséquemment, la demande de M. Drapeau a été refusée.

Parmi les motifs d'opposition rejetés se trouve celui fondé sur les risques de confusion avec une marque précédemment employée, soit le carré rouge des étudiants. Comme le carré rouge des étudiants n'identifiait pas des vêtements vendus, et qu'aucune preuve de transfert de propriété de ces vêtements ou autre produit n'a été fournie par la FECQ, la Commission des oppositions conclut qu'il n'y avait aucun « emploi » du carré rouge des étudiants comme marque de commerce. Il était plutôt employé comme symbole du mouvement de contestation étudiante.

Cela dit, la Commission des oppositions se range du côté de la FECQ quant au motif fondé sur l'absence de caractère distinctif de la marque de commerce de M. Drapeau – c'est-à-dire que le carré rouge ne peut servir à identifier M. Drapeau comme source des produits vendus en liaison avec ce carré rouge. En effet, le consommateur associerait le carré rouge au mouvement de contestation étudiante du printemps érable, et non à M. Drapeau comme source des produits. La demande de M. Drapeau est donc refusée. Ce dernier peut néanmoins continuer à vendre ses produits portant le carré rouge, mais il ne détiendra pas le droit exclusif de le faire.

La Commission des oppositions ajoute que même s'il existe des marques de commerce enregistrées qui comprennent des symboles politiques, de protestation ou de luttes sociales, comme la faucille et le marteau, le symbole de la paix, le poing levé et le symbole anarchiste, ces dernières comprennent d'autres éléments qui doivent être pris en considération pour évaluer leur caractère distinctif. En outre, chaque cas est un cas d'espèce.

Cette décision nous rappelle que quiconque tente de profiter d'un mouvement en essayant d'enregistrer le symbole du mouvement en tant que marque de commerce fera face à des difficultés puisque le symbole distingue rarement une seule source et sera conséquemment jugé non distinctif des produits et services de cette personne. Elle devrait aussi nous rappeler que les droits exclusifs octroyés par les enregistrements de marque de commerce ne doivent pas servir les intérêts de celles et ceux qui veulent profiter des créations des autres - ou punir ces derniers pour ne pas avoir cherché à les protéger - pour ensuite tenter de se voir déclaré l'unique titulaire de ces droits, surtout si la « marque » est en fait un symbole de lutte sociale destiné à faire avancer une cause, et non à en retirer un profit.

Voici un rappel important alors que des modifications à la Loi sur les marques de commerce qui devraient entrer en vigueur en 2018 permettront l'enregistrement d'une marque de commerce sans l'employer, ouvrant ainsi la voie aux squatteurs de marque de commerce.

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