Le 19 octobre 2015, le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF ») publiait, aux fins de consultation publique, le projet de ligne directrice E-22 — Exigences de marge pour les dérivés non compensés centralement. L'objet du projet de ligne directrice est de fournir, à toutes les institutions financières fédérales1 (« IFF »), des consignes exhaustives et claires sur les exigences de marge initiale et de marge de variation qui entreront en vigueur le 1er septembre 2016. Dans sa forme actuelle, le projet de ligne directrice exige l'échange de marges en fonction du risque associé aux opérations sur dérivés non compensés centralement (« DNCC »), qui sont des opérations sur dérivés non compensés par une contrepartie centrale, entre des entités visées (au sens du projet de ligne directrice). On trouvera le projet de ligne directrice ici.

Comme le reconnaît le BSIF dans son Résumé de l'étude d'impact de la ligne directrice, les DNCC contribuent de façon significative au risque systémique à l'échelle du secteur financier. En imposant que des sûretés soient disponibles pour compenser les pertes causées par le défaut d'une contrepartie à un contrat dérivé, la marge peut atténuer ce risque systémique et offrir une protection accrue contre le risque de contrepartie. Le BSIF s'attend en outre à ce que la mise en Suvre des exigences de marge favorise la compensation centrale des produits dérivés lorsque cela est possible.

Intervention parallèle aux États-Unis

Dans la foulée de la publication du projet de ligne directrice, les principaux organismes de réglementation bancaire prudentielle américains approuvaient, le 22 octobre 2015, pratiquement en même temps, une règle finale conjointe en vertu du titre VII de la loi intitulée Dodd-Frank Act. Comme c'est le cas du projet de ligne directrice, cette règle finale porte sur les exigences minimales à l'égard de l'échange, entre les banques et leurs contreparties en rapport avec les DNCC, de sûretés de marge initiale et de marge de contrepartie. On trouvera cette règle finale ici. Toutefois, le présent avertissement porte principalement sur les exigences canadiennes telles qu'elles ont été énoncées dans le projet de ligne directrice.

Contexte

En septembre 2013, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (« CBCB ») et l'Organisation internationale des commissions de valeurs (« OICV ») ont publié l'ébauche initiale d'un cadre énonçant les normes minimales pour les exigences de marge applicables aux DNCC. À titre de membre du CBCB, le Canada a participé à l'élaboration de ce cadre. Revu en mars 2015, ce cadre impose désormais l'échange obligatoire de la marge initiale et de la marge de variation pour les dérivés non compensés centralement à compter du 1er septembre 2016.

Le projet de ligne directrice repose sur le cadre du CBCB et de l'OICV. Le BSIF estime que le projet de ligne directrice respecte les dispositions du cadre du CBCB et de l'OICV, et appuie les objectifs de stabilité financière du CBCB, tout en « tenant compte comme il se doit des contraintes découlant du rôle du Canada sur les marchés mondiaux ». Au vu de la nature internationale du marché des produits dérivés, le BSIF souligne que le projet de ligne directrice pourrait également aider « les administrations étrangères à évaluer les normes réglementaires canadiennes visant les dérivés du point de vue de l'équivalence et de la comparabilité ».

Les exigences

Qui est couvert?

La ligne directrice s'applique à toutes les IFF et à leurs contreparties qui ne sont pas des IFF et qui répondent à la définition d'entité visée. Avant qu'elles ne réalisent des opérations, le BSIF s'attend des IFF à ce qu'elles signalent leur statut d'entités visées (en tenant pour acquis qu'elles respectent les exigences); il leur incombe de surcroît de vérifier si leurs contreparties sont également des entités visées. Il convient de signaler que certaines entités sont exclues de la définition d'entité visée. Le BSIF a notamment prévu une exemption pour les entités de petite et moyenne taille qui ne présenteraient qu'un faible niveau de risque du fait de leur exposition négligeable aux DNCC. À cet égard, il est intéressant de noter que le BSIF a établi que les fonds de placement qui sont gérés par un conseiller en placement sont réputés être des entités distinctes qui sont traitées séparément au moment de l'application du plafond visant à déterminer s'il s'agit bel et bien d'une entité distincte, à condition que les fonds soient des personnes morales distinctes qui ne sont pas garanties par des sûretés ou autrement garanties ou appuyées par d'autres fonds de placement ou le conseiller en placement en cas d'insolvabilité ou de faillite du fonds. En outre, les emprunteurs souverains, les entités du secteur public, les banques multilatérales de développement admissibles à un facteur de pondération de zéro en vertu de la ligne directrice Normes de fonds propres (NFP), la Banque des règlements internationaux et les contreparties centrales admissibles sont exclus de la définition d'entité visée. Le BSIF s'est également penché sur les situations dans lesquelles l'IFF et la contrepartie relèvent d'administrations différentes et il affirme qu'il est possible, dans certaines situations, de s'en remettre aux règles de l'administration d'origine de la contrepartie pour déterminer si celle-ci est une entité visée.

Quels sont les types d'opérations qui sont couverts?

De manière générale, les exigences de marge décrites dans le projet de ligne directrice s'appliquent à tous les DNCC, à l'exception des contrats à terme sur devises et des swaps de devises réglés par livraison physique. Cependant, les DNCC entre une IFF visée et ses entités affiliées (opérations dites « intragroupe ») ne sont pas régis par les exigences de marge décrites dans le projet de ligne directrice.

Quel type de sûreté est admissible?

Les types de sûretés suivants sont admissibles pour l'application des exigences de marge initiale et de variation : a) les espèces (sous forme de sommes portées au crédit d'un compte ou de créances semblables pour le remboursement de sommes, par exemple, les certificats de dépôt et les instruments comparables émis par une entité visée); b) l'or; c) les titres de créance notés par un organisme externe d'évaluation du crédit qui respectent certains seuils d'évaluation définis; d) les titres de créance non notés par un organisme externe d'évaluation du crédit lorsqu'ils sont émis par une banque, cotés sur une bourse reconnue et entrent dans la catégorie de créance prioritaire; toutes les émissions notées de même rang par la banque émettrice lorsqu'elles respectent certains seuils d'évaluation définis, si l'institution qui détient les titres comme sûreté ne dispose d'aucune information laissant entendre que cette émission justifie une notation inférieure à cette évaluation et si le BSIF a suffisamment confiance dans la liquidité de marché du titre; e) les actions (y compris les obligations convertibles en actions) qui entrent dans la composition d'un indice principal; f) les actions (y compris les obligations convertibles) qui ne sont pas incluses dans l'indice principal mais qui sont cotées sur une bourse reconnue; et g) les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (« OPCVM ») et les fonds d'investissement (« FI ») lorsque, à la fois, leur cours est publié chaque jour et l'OPCVM/le FI n'investit que dans les instruments énumérés dans le présent paragraphe. Les émissions de titres par la contrepartie fournisseur ne sont pas des sûretés admissibles.

Toute marge déposée, à l'exception des espèces dans la même devise, doit faire l'objet d'une décote afin de tenir compte de toute fluctuation possible de la valeur de la sûreté. Les décotes peuvent être calculées à l'aide d'un modèle interne conforme aux exigences du projet de ligne directrice. La marge de variation ne fait pas l'objet d'une autre décote quand la monnaie de l'actif diffère de la monnaie de la sûreté. Sinon, des décotes de supervision standards sont prévues, comme on le décrit dans le projet de ligne directrice.

Comment la marge est-elle déposée?

Des sûretés doivent être déposées tant pour la marge de variation que pour la marge initiale. Le projet de ligne directrice contient un certain nombre d'exigences à cet égard, y compris sur le montant qui doit être échangé, sur la façon et les circonstances dans lesquelles la marge doit être calculée et réclamée ainsi que sur la façon dont la marge doit être échangée. Tant pour la marge de variation que pour la marge initiale, les parties et leur contrepartie doivent avoir mis en place des procédures de règlement des différends « rigoureuses et solides » avant de réaliser une opération visant des DNCC.

En ce qui concerne la marge initiale, on peut calculer le montant requis en se référant soit à (i) un modèle de marge de portefeuille quantitatif interne, soit à (ii) un barème de marge standardisé. La méthode et les paramètres particuliers utilisés par chaque partie doivent être convenus avant de conclure une opération et ce choix devrait demeurer inchangé pour toutes les opérations relatives à une même catégorie d'actifs. De surcroît, une partie ne peut s'appuyer sur le modèle interne que si celui-ci respecte certains critères arrêtés par le BSIF dans le projet de ligne directrice, comme au chapitre de l'établissement de processus internes de validation et de gouvernance, des exigences de modélisation et de documentation, ainsi que des examens périodiques et des procédures de signalement obligatoires.

En ce qui concerne la marge de variation, le BSIF énonce qu'il faut échanger le montant total nécessaire pour couvrir intégralement l'exposition au prix du marché liée aux dérivés non compensés centralement. En outre, pour réduire les chocs défavorables sur la liquidité et atténuer efficacement le risque de contrepartie, le BSIF exige que soit calculée et échangée la marge de variation pour les dérivés non compensés centralement qui font l'objet d'un même accord de compensation juridiquement valable, ce qui inclurait un Accord-cadre ISDA.

La marge de variation requise doit être calculée et réclamée tous les jours, et elle doit par ailleurs être échangée (publiée/reçue) au plus tard le jour ouvrable suivant son calcul.

Quand les exigences entreront-elles en vigueur?

L'obligation d'échanger une marge de variation prendra effet progressivement pour certaines IFF, du 1er septembre 2016 au 28 février 2017. De façon permanente, par la suite, toutes les IFF visées seront soumises aux exigences lorsqu'elles feront des transactions avec une autre entité visée.

L'obligation d'échanger une marge initiale bilatérale, sous réserve d'un plafond de 75 millions de dollars, prendra effet progressivement, du 1er septembre 2016 au 31 août 2020. De façon permanente, par la suite, toutes les IFF visées (sous réserve de certaines exceptions) seront soumises aux exigences de marge initiale lorsqu'elles effectueront des transactions avec une autre entité visée.

Les exigences de marge initiale et de marge de variation s'appliqueront à tous les nouveaux contrats conclus durant les périodes d'entrée en vigueur progressive précitées. À cet égard, les véritables modifications apportées aux contrats dérivés existants ne créent pas de nouveaux contrats. En revanche, le BSIF affirme que toute modification destinée à prolonger la durée d'un contrat dérivé existant afin d'éviter les exigences de marge sera considérée comme créatrice d'un nouveau contrat. L'application des exigences de marge initiale et de marge de variation aux contrats dérivés existants n'est pas requise. Manifestement, une IFF visée pourra choisir de le faire tant et aussi longtemps qu'il y a consentement bilatéral avec la contrepartie. Une IFF visée ne peut alterner entre appliquer les exigences de marge à tous les DNCC et ne les appliquer qu'aux nouveaux DNCC pour diminuer les exigences de marge. Le BSIF affirme que ce choix doit être fait de manière uniforme avec le temps, pour chaque contrepartie.

Période de commentaires

Avec la publication du projet de ligne directrice, le BSIF soumet à la consultation publique le cadre qu'il propose. Le BSIF souhaite plus particulièrement recueillir des avis sur les deux façons éventuelles qui pourraient permettre de réglementer les exigences de marge dans le contexte des transactions visant des DNCC au Canada : le BSIF pourrait choisir de créer sa propre ligne directrice qui établirait les exigences nationales en matière de marge tout comme il pourrait s'appuyer sur le cadre du CBCB et de l'OICV pour faire part de ces exigences. Le BSIF fait état de sa préférence pour la première de ces deux options, estimant qu'une ligne directrice nationale exhaustive sur les exigences de marge constituerait la solution la plus appropriée pour s'assurer que les institutions comprennent et appliquent convenablement le cadre international. En effet, le BSIF considère que le document du CBCB comporte plusieurs aspects laissés à la discrétion des pays et pour lesquels les institutions canadiennes n'auraient ainsi aucune consigne si le BSIF choisissait de ne pas élaborer ses propres exigences. En outre, le BSIF sollicite des commentaires sur le bien-fondé de l'inclusion des swaps d'intermédiation de crédit (SIC), qui sont exécutés par des participants au programme des Obligations hypothécaires du Canada (OHC) qui ne sont pas admissibles à conclure directement un accord de swaps avec la Fiducie d'habitation du Canada pour gérer le risque de paiement anticipé lié au programme des OHC, dans la portée des instruments visés par le projet de ligne directrice.

Les commentaires sur le projet de ligne directrice seront acceptés jusqu'au 27 novembre 2015. Une fois le processus de consultation publique terminé, le BSIF tiendra compte des commentaires soumis aux fins d'élaboration de sa version finale de la ligne directrice, laquelle entrera en vigueur le 1er  septembre 2016.

Communiquez avec nous

Si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements ou discuter du projet de ligne directrice, voire formuler des commentaires sur celui-ci, veuillez communiquer avec les auteurs du présent avertissement ou avec tout autre membre du groupe Dérivés de BLG.

BLG a été classée « Number One Law firm in Canada for Derivatives », ou Premier cabinet juridique au Canada pour les dérivés par Derivatives Weekly, et a également été nommée « Canada Law Firm of the Year », ou Cabinet juridique de l'année pendant deux années consécutives, lors des éditions 2014 et 2015 de la remise des Prix des Amériques (Americas Derivatives Awards) de Global Capital. Le groupe Dérivés de BLG est une équipe multidisciplinaire d'avocats qui proviennent de plusieurs de nos groupes de pratique. Le groupe Dérivés de BLG est rompu à la négociation des dérivés à l'échelle mondiale aussi bien avec des maisons de courtage qu'avec des institutions financières ou de grandes sociétés de placement. Il offre des conseils à des institutions financières, des courtiers en valeurs mobilières, des commissionnaires sur les marchés à terme, des intermédiaires du marché, des sociétés d'État et des réseaux de sociétés de titrisation de même qu'à une multitude d'utilisateurs finaux de dérivés, notamment des organismes de placement collectif, des fonds de couverture, des caisses de retraite, d'autres entités de placement, des fabricants de produits de base, des sociétés immobilières, des compagnies d'assurance, des sociétés de gestion du risque, des producteurs d'énergie et d'autres sociétés utilisatrices finales. Le groupe connaît également tous les rouages du montage de dérivés et de la négociation des documents connexes, de la conformité réglementaire, des pratiques de contrôle des garanties tripartites et des questions de dénouement de positions. Nous offrons également des conseils sur les exigences en matière de conformité et d'inscription liées aux dérivés au Canada et aux États-Unis.

Footnote

1 Pour l'application du présent projet de ligne directrice, l'expression «  institutions financières fédérales  » désigne les banques, les succursales de banque étrangère, les sociétés de portefeuille bancaire, les sociétés de fiducie et de prêt, les associations coopératives de crédit, les associations coopératives de détail, les sociétés d'assurance-vie, les sociétés d'assurances multirisques et les sociétés de portefeuille d'assurances de compétence fédérale.

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