Timminco Inc. (T.I.) est la maison mère de Bécancour Silicon Inc. (SBI). Les deux compagnies sont sous la protection de la LACC. à la suite d'une ordonnance spécifique, tous les paiements d'équilibre devant être effectués par SBI en faveur de deux régimes de retraite ont été suspendus. Les deux régimes de retraite sont régis par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (Québec) (la LRCR) (l'équivalent au Québec de la PBSA). La situation de déficit actuariel de solvabilité est de 9 889 600,00 $ pour le régime des employés syndiqués et de 3 998 700,00 $ pour celui des employés non syndiqués. Les cotisations d'équilibre devant être versées au montant de 93 810,00 $ et de 41 710,00 $ pour effacer en partie les déficits actuariels sont celles qui sont suspendues depuis l'ordonnance de suspension spécifique du 16 janvier 2012.

Investissement Québec (I.Q.) a reçu un paiement de quelque 29 millions $ en remboursement de sa créance garantie par son hypothèque universelle sans dépossession portant sur la totalité des biens meubles et immeubles de SBI. Les comités de retraite sont cependant d'avis que leurs réclamations des cotisations d'équilibre de 93 810,00 $ et de 41 710,00 $ sont prioritaires à I.Q. L'enjeu total de cette demande de reconnaissance de droit prioritaire se situe à un montant de 14.8 millions $, à être éventuellement distribué aux deux comités de retraite selon leurs intérêts respectifs. La Cour souligne que la réalisation des actifs ne permettrait pas de payer en totalité les réclamations des comités de retraite et de I.Q.

La Cour fait état des différents éléments pertinents dont l'ordonnance initiale du 3 janvier 2012 visant la suspension de toutes les procédures de réclamations contre TI et SBI et celle du 16 janvier 2012 ordonnant la suspension des cotisations d'équilibre par TI et SBI. Ces deux décisions ont été rendues par le Juge Morawetz de la Cour Supérieure de justice l'Ontario. Subséquemment, par ordonnance du 18 octobre 2012, le Juge en question a référé la requête des comités de retraite pour obtention d'un rang prioritaire à la Cour supérieure du Québec. Selon les termes de l'ordonnance approuvant le « Priority Claim Adjudication Protocol », la Cour supérieure de l'Ontario demande à la Cour supérieure du Québec de déterminer « si les réclamations des comités de retraite requérants jouissent d'une priorité notamment sur la réclamation de I.Q. ».

Les Comités soutiennent donc devant le Tribunal que l'article 49 LRCR crée une fiducie présumée en faveur des créances des dits Comités et que cette fiducie a priorité sur la créance hypothécaire de I.Q. La cause est entendue devant le Juge Robert Mongeon avait déjà répondu par la négative à cette question de la fiducie présumée de l'article 49 LRCR dans l'affaire White Birch Paper holding Co (Arrangement relatif à ) 2012 QCCS 1679.

Dans l'affaire White Birch, le Juge Mongeon avait décidé que l'article 49 LRCR ne créait pas en droit québécois le même type de fiducie que celle de l'article 57 du Pension Benefit Act de l'Ontario et qu'ainsi les cotisations d'équilibre ou encore les soldes des déficits actuariels des régimes de retraite ne jouissaient au Québec d'aucune priorité par rapport aux autres dettes de l'employeur et ne constituaient ainsi que des dettes chirographaires. D'entrée de jeu, l'Honorable Juge Robert Mongeon souligne toutefois que les faits du dossier Timminco ne sont pas exactement les mêmes et que des arguments nouveaux sont soulevés par les requérants.

Dans l'affaire Indalex, [2013] S.C.C. 6, la Cour avait donné raison aux Comités de retraite en invoquant cet article 57 du « Pension Benefit Act » de l'Ontario, décision qui n'avait pas été suivi par le Juge Mongeon dans White Birch. Les Comités plaident que dans le présent dossier, le Juge Robert Mongeon n'agit pas à titre de Juge superviseur mais plutôt à titre de décideur délégué, situation analogue à un « Claims Officer ». De plus, les Comités de retraite soulignent que le présent litige ne se situe pas entre un créancier de la débitrice et un prêteur « DIP » jouissant d'une super-priorité en vertu de la LACC, contrairement aux situations qui prévalaient dans les affaires White Birch et Indalex.

Les Comités soutiennent que l'article 1262 C.c.Q. permet la création d'une fiducie par le seul effet de la loi et que c'est le cas de l'article 49 LRCR, et ce, malgré l'article 1260 C.c.Q. qui exige que les biens mis en fiducie soient séparés du patrimoine du constituant. Le Juge reconnaît que, dans le présent dossier, il n'agit pas à titre de Juge superviseur mais plutôt à titre de décideur délégué, situation analogue à un « Claims Officer ». La Cour souligne d'emblée que si une telle fiducie a été créée et est opposable à I.Q., elle ne s'appliquera qu'aux cotisations d'équilibre ainsi qu'aux cotisations non versées aux Comités de retraite et non au solde des déficits actuariels.

Le Juge Mongeon établit que la question dans Timminco est différente de celle des affaires White Birch et Indalex puisque dans ces deux dossiers il fallait déterminer la priorité par rapport à un créancier dont la super-priorité avait été accordée en vertu de la LACC alors que dans Timminco, I.Q. ne bénéficie d'aucune super-priorité similaire.

Étant donné l'absence de patrimoine distinct et de séparation des actifs, le Tribunal devait se demander s'il était en présence d'une fiducie réputée créée par l'article 49 LRCR.

Selon la lecture de l'article 49 LRCR qu'en fait le Juge Mongeon, nous serions en présence d'une fiducie réputée puisque le langage utilisé dans l'article serait sans équivoque et démontrerait que les sommes sont bien réputées détenues en fiducie par l'effet de la loi, et ce, même sans séparation des patrimoines. Le Juge établit un parallèle entre l'article 20 de la Loi sur le Ministre du revenu du Québec qui a été reconnu par les tribunaux comme étant un article créant une fiducie présumée en faveur du Gouvernement pour conclure que, par analogie, l'article 49 LRCR établit également une fiducie réputée « touchant les cotisations suspendues et non versées aux Comités de retraite ». La LRCR créerait donc « une fiction juridique », soit que les biens soient « réputés » être détenus en fiducie, et ce, malgré qu'aucune séparation des patrimoines ne soit intervenue.

Les Comités plaident de plus que l'hypothèque d'I.Q. ne peut avoir grevé les cotisations d'équilibre puisque elles ne font pas partie du gage commun des créanciers de SBI, étant donné l'article 264 LRCR qui stipule que toute cotisation versée ou qui doit être versée à la Caisse de retraite est incessible et insaisissable. Cette stipulation d'insaisissabilité légale se retrouverait également dans le libellé de l'article 553(7) C.p.c. qui stipule que les prestations accordées au titre de régime complémentaire de retraite auquel cotise un employeur pour le compte des employés peuvent être déclarées insaisissables par une loi régissant ces régimes, et ce, incluant les cotisations qui sont dues ou qui doivent être versées.

La Cour conclut donc que les cotisations d'équilibre réclamées par les Comités font l'objet d'une fiducie réputée ou présumée, créée par la loi, que ces cotisations sont de plus incessibles et insaisissables, faisant en sorte qu'elles ne peuvent être affectées par l'hypothèque universelle d'I.Q.

L'Honorable Juge Mongeon souligne toutefois que l'article 49 LRCR ne s'applique qu'aux cotisations et aux intérêts accumulés sur ces montants pour être versées aux Comités de retraite, et ces derniers ne peuvent récupérer les soldes des déficits actuariels en invoquant l'article 49 LRCR, puisque lesdits déficits sont clairement identifiés par l'article 228 LRCR comme des dettes de l'employeur. En d'autres termes, les cotisations sont prioritaires mais les déficits actuariels ne le sont pas.

Timminco Limitée et Bécancour Silicon Inc. et als. c. Investissement Québec, C.S. 500-11-043844-121, jugement du 24 janvier 2014, Juge Robert Mongeon.

NDLR : Les décisions Aveos et Timminco devaient décider de la priorité des cotisations d'équilibre (ou « special payments ») par l'application de dispositions législatives différentes dans deux lois distinctes (LRCR au Québec et PBSA au fédéral), ce qui a conduit la Cour à en arriver à des résultats différents.

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