Le 1er décembre 2017, l'Assemblée nationale a unanimement adopté la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics (la « Loi »). Cette loi représente le plus important changement apporté au régime des marchés publics depuis l'établissement du système d'autorisation de l'Autorité des marchés financiers (« AMF ») et les travaux de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (« Commission Charbonneau »). Elle est l'aboutissement d'années d'efforts pour remanier le régime d'adjudication et d'attribution des contrats avec les organismes publics au Québec.

L'institution d'une autorité de gouvernance des marchés publics, qui veillerait à l'encadrement de l'octroi et de la gestion des contrats publics, était la première recommandation découlant du rapport final de la Commission Charbonneau déposé le 24 novembre 2015. Bien qu'il résulte de ce rapport d'enquête dans l'industrie de la construction, le mandat de l'Autorité des marchés publics (« AMP ») ne s'y limite pas. Au même titre que le pouvoir de surveillance qu'exerce l'AMF, il s'étend également à tous les contrats d'approvisionnement, les contrats de service et les contrats de partenariat public-privé, au sens de la Loi sur les contrats des organismes publics, telle que modifiée.

En plus de répondre à certaines recommandations du rapport de la Commission Charbonneau, plusieurs des changements apportés, dont l'institution de l'AMP, visent à marier le régime des marchés publics du Québec aux nouvelles exigences de l'Accord de libre-échange canadien (« ALEC ») qui est entré en vigueur le 1er juillet 2017. Cet accord requiert, entre autres, que les parties à l'ALEC établissent une autorité administrative ou judiciaire pour recevoir et examiner des recours déposés par des concurrents.

Dorénavant, les rôles d'administration et de vérification découlant de l'application de la Loi sur les contrats des organismes publics, qui avaient été confiés à l'AMF en vertu de la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics adoptée en 2012, ainsi que le régime d'autorisation qui y était prévu, relèvent d'un nouveau mandataire de l'État : l'AMP.

Les changements apportés par la Loi sont nombreux. Voici quelques faits saillants.

Pouvoir d'intervention de l'AMP

L'AMP détient désormais un rôle et un pouvoir accrus de vérification et d'enquête du processus d'adjudication et d'attribution d'un contrat public ainsi que de la conformité de son exécution. Dans l'exercice de ses pouvoirs, l'AMP peut intervenir de sa propre initiative, ou sur demande du président du Conseil du trésor ou du ministre responsable des Affaires municipales, afin d'examiner un processus d'adjudication, d'attribution ou d'exécution d'un contrat public. Les actes des organismes publics en matière d'appels d'offres pourront notamment faire l'objet d'ordonnances émises par l'AMP et visant à modifier des documents d'appels d'offres si, de l'avis de l'AMP, ceux-ci n'assurent pas un traitement équitable et intègre des concurrents.

Le pouvoir de l'AMP à rendre des ordonnances varie légèrement à l'égard des organismes municipaux pour lesquels une décision de l'AMP prend plutôt la forme d'une recommandation au conseil municipal. De plus, à l'égard de la Ville de Montréal et de plusieurs des personnes et organismes qui la constituent, les fonctions et pouvoirs de l'AMP sont exercés par l'inspecteur général de la Ville de Montréal, à l'exception de l'examen de la gestion contractuelle. L'AMP peut tout de même formuler des recommandations à l'inspecteur général et le gouvernement peut par décret abroger ce régime d'exception et assujettir la Ville de Montréal, ou toute personne ou organisme lié, à l'autorité de l'AMP.

Régime d'autorisation pour contracter avec un organisme public

Les exigences d'autorisation préalable à l'obtention d'un contrat public sont inchangées, sous réserve de certaines modifications et précisions. Les conditions de délivrance et le processus de demande restent sensiblement les mêmes. Veuillez noter que :

  • l'assujettissement selon le seuil déterminé par décret du gouvernement inclut clairement les dépenses découlant de toute option prévue au contrat et malgré ces seuils;
  • le gouvernement peut déterminer qu'une autorisation est requise à l'égard de contrats publics même si ceux-ci comportent une dépense inférieure; et
  • une entreprise qui retire une demande d'autorisation en cours ne peut en présenter une autre dans les douze mois suivants sans une permission expresse de l'AMP.

Mécanisme de plainte

La Loi institue également un mécanisme administratif de plainte selon lequel toute personne intéressée peut soumettre une plainte relativement au processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public à l'organisme public adjudicateur ainsi qu'à l'AMP. Ce nouveau mécanisme de plainte s'harmonise également avec les dispositions prévues par l'ALEC.

Après avoir préalablement déposé une plainte auprès de l'organisme public en question, le concurrent ou le soumissionnaire dispose de trois jours pour soumettre une plainte à l'AMP. Il appert que ce mécanisme de « double plainte » a pour objet de favoriser les décisions prises dans le respect du traitement intègre et équitable des concurrents. Les soumissionnaires et les concurrents détiennent ainsi un nouveau moyen de faire respecter le processus concurrentiel.

Ce processus de double plainte n'est toutefois pas final et à la suite d'une décision de l'AMP, un plaignant peut tout de même instituer un recours fondé sur les mêmes faits devant les tribunaux judiciaires, et ce, sans même se prévaloir du processus de plainte prévu par l'AMP.

Les contrats de gré à gré

Avec l'adoption de la Loi, lorsqu'un organisme public veut se prévaloir de l'option de conclure un contrat de gré à gré, car il estime qu'il sera possible de démontrer qu'un appel d'offres public ne servirait pas l'intérêt public, cet organisme devra dorénavant publier un avis d'intention permettant à toute entreprise de manifester son intérêt à réaliser le contrat, incluant le nom de l'entreprise avec laquelle l'organisme public compte conclure le contrat. La décision de l'organisme public devra référer le concurrent potentiel au mécanisme de plainte de l'AMP qui, comme on le voit au paragraphe précédent, n'exclut pas le recours aux tribunaux.

Il est maintenant possible de contester d'avance l'attribution d'un contrat de gré à gré. Dans ce contexte, il sera intéressant de voir si cette option encouragera la multiplication des recours en injonction de la part de concurrents et de soumissionnaires potentiels.

Dispositions pénales

La Loi introduit de nouvelles dispositions pénales et augmente les montants des pénalités, notamment pour les fins suivantes :

  • entrave à une vérification ou une enquête (4 000 $ à 20 000 $ pour une entreprise);
  • communication de renseignements faux ou trompeurs (10 000 $ à 250 000 $ pour une entreprise);
  • communication avec l'un des membres d'un comité de sélection dans le but de l'influencer à l'égard d'un appel d'offres (15 000 $ à 100 000 $ pour une entreprise).

Même si cette loi est entrée en vigueur le 1er décembre 2017, plusieurs des dispositions concernant l'AMP et ses fonctions et pouvoirs n'entreront en vigueur que progressivement durant l'année 2018.

Pour plus d'information relativement au nouveau régime des marchés publics au Québec, veuillez communiquer avec les coauteurs.

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