Comme ma collègue Kate Dearden l'a indiqué pour la première fois dans notre numéro d'octobre 2015, le gouvernement de l'Ontario a présenté le projet de loi 132, Loi de 2016 sur le Plan d'action contre la violence et le harcèlement sexuels (en soutien aux survivants et en opposition à la violence et au harcèlement sexuels) le 27 octobre 2015. Le 8 mars 2016, le projet de loi 132 recevait la sanction royale en Ontario. Ce projet modifie diverses lois existantes, dont la Loi de 2002 sur la prescription des actions, la Loi sur le ministère de la Formation et des Collèges et Universités ainsi que la Loi sur la santé et la sécurité au travail (la « LSST »).

Le projet de loi 132 aborde dans son ensemble la violence et le harcèlement sexuels dans la société ontarienne. Il prend appui sur les réformes en matière de harcèlement et d'intimidation adoptées en 2009 sous le régime de la LSST. Il vise à enrayer la violence et le harcèlement sexuels dans les collèges publics et privés ainsi que les universités en exigeant de ces établissements qu'ils adoptent des politiques sur la violence sexuelle. Il élimine le délai de prescription légal pour les réclamations pour agression sexuelle au civil. Le préambule du projet de loi 132 se lit comme suit :

« Le gouvernement ne tolérera pas la violence sexuelle, le harcèlement sexuel ni la violence familiale. La protection de l'ensemble des Ontariens et Ontariennes contre leurs effets dévastateurs est une priorité de premier plan du gouvernement et est essentielle pour établir une société juste et équitable.

Une vie sans la menace ni l'expérience de la violence sexuelle, du harcèlement sexuel, de la violence familiale et d'autres formes de mauvais traitements bénéficiera à tous les Ontariens et Ontariennes, qui ont tous un rôle à jouer dans l'élimination de ces comportements. »

Pour réaliser cette intention louable, le gouvernement exige des employeurs qu'ils fassent leur part au travail. Pour ceux-ci, les modifications les plus importantes sont celles qui sont apportées à la LSST, parmi lesquelles figurent les suivantes :

  • La définition existante de « harcèlement au travail », établie par le projet de loi 168, comprend désormais la nouvelle définition de « harcèlement sexuel au travail ».
  • Le harcèlement sexuel au travail s'entend :

    « a) du fait pour une personne d'adopter, pour des raisons fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité sexuelle ou l'expression de l'identité sexuelle, une ligne de conduite caractérisée par des remarques ou des gestes vexatoires contre un travailleur dans un lieu de travail lorsqu'elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns;

    b) du fait pour une personne de faire des sollicitations ou des avances sexuelles alors qu'elle est en mesure d'accorder au travailleur ou de lui refuser un avantage ou une promotion et qu'elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces sollicitations ou ces avances sont importunes. »

  • Les employeurs seront tenus d'informer les employés qui se disent victimes de harcèlement au travail de la part d'un superviseur des mesures qu'ils peuvent prendre et des méthodes qu'ils peuvent suivre pour signaler les incidents de harcèlement au travail.
  • Des procédures devront être mises en place afin que les renseignements obtenus au sujet d'un incident ou d'une plainte de harcèlement au travail demeurent confidentiels, sauf si leur divulgation est nécessaire pour enquêter ou prendre des mesures correctives à l'égard de l'incident ou de la plainte, ou encore si elle est exigée par la loi.
  • Les politiques devront être modifiées afin d'énoncer la manière dont le travailleur qui aurait fait l'objet de harcèlement au travail et le prétendu harceleur, s'il s'agit d'un employé, seront informés des résultats de l'enquête et des mesures correctives qui ont été ou seront prises à l'issue de l'enquête.
  • L'obligation générale qui incombe aux employeurs de protéger leurs employés contre le harcèlement au travail a été renforcée. En effet, les employeurs doivent également veiller à ce qu'une enquête appropriée dans les circonstances soit menée sur les incidents et les plaintes de harcèlement au travail.
  • Enfin, les inspecteurs du ministère du Travail se voient attribuer de nouveaux pouvoirs intéressants. Ainsi, un inspecteur peut ordonner à un employeur de faire faire, à ses frais, une enquête par une personne impartiale qui possède les connaissances, l'expérience ou les qualités que précise l'inspecteur, et d'obtenir, à ses frais également, le rapport écrit de cette personne.

Ces modifications entrent en vigueur le 8 septembre 2016. Dans l'intervalle, les employeurs devront remanier leurs politiques et procédures actuelles sur le harcèlement et l'intimidation au travail pour tenir compte des modifications précitées. Ces politiques et procédures devront par la suite être révisées annuellement.

La LSST est également modifiée de façon à offrir aux employeurs une quasi-défense à l'égard des allégations de harcèlement au travail. La LSST prévoit expressément que les mesures raisonnables que prend un employeur ou un superviseur dans le cadre de la gestion et de la direction des employés ou du lieu de travail ne constituent pas du harcèlement au travail. Par conséquent, l'évaluation de rendement négative qu'un employé se plaindrait d'avoir reçue de la part d'un directeur ne constituera pas du harcèlement au travail, même si l'on peut présumer que l'employeur devra faire enquête par suite de la plainte pour en arriver à cette conclusion. Les allégations selon lesquelles une évaluation de rendement négative équivaut à du harcèlement au travail devront simplement être traitées selon l'approche traditionnelle : bougonnement autour de la machine à café et congés prolongés pour cause de stress.

En 2015, le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario a ordonné à l'employeur de deux femmes qui avaient été maltraitées, harcelées et sexuellement agressées par le propriétaire et mandant de l'employeur de leur verser respectivement 150 000 $ et 100 000 $ pour atteinte à leur dignité, à leurs sentiments et à leur estime de soi. Les femmes, deux travailleuses mexicaines temporaires dont la compréhension de l'anglais était rudimentaire, voire inexistante, ont été forcées de se livrer à de nombreux actes sexuels non désirés sous la menace d'être déportées si elles n'obéissaient pas. Cette affaire démontre que la violence et le harcèlement sexuels perdurent dans les milieux de travail en Ontario. Le projet de loi 132 devrait contribuer dans une certaine mesure à changer définitivement ce genre de comportement.

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